NLSN
Il y a 5 mois et 3 jours
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"Tu as les yeux de ta mère, petit chanceux."
Je me souviens de ta voix. Je me souviens de toi, si bien que cela en est douloureux. Je refuse le deuil, je refuse ta mort, je m'interdis de t'oublier pour que jamais tu ne partes.
"Dorian ? Essuies tes larmes mon chéri, ça va aller."
Tu souriais. Sur ce lit duquel tu ne pouvais plus te lever, tu continuais de rayonner plus intensément que le soleil qui s'invitait au travers des rideaux blancs. J'étais devenu chevalier, j'étais prêt à défendre notre peuple de tous les dangers. Alors pourquoi n'ai-je rien pu faire pour toi ? Assis sur une chaise à côté de toi, ta main frêle dans les miennes, j'étais désarmé, incapable d'articuler, effrayé que cela se termine.
"Tu es beau, mon fils. Tu es Ishgard. J'aimerais voir tout ce que tu vas accomplir."
Je n'avais jamais ressenti une telle douleur. Rien ne pouvait arrêter le mélange de peine et d'effroi qui roulait sur mes joues, tandis que tu quittais mes doigts pour saisir mon menton et relever mon visage. Je fuyais tes yeux, le visage tordu par la sensation que l'on essayait de me pourfendre le coeur. C'était si réel, je ne serais pas étonné d'y trouver une cicatrice.
"Tu dois sourire, Dorian. Je suis fatiguée, laisse moi te voir sourire juste cette fois. Cela fait si longtemps. S'il-te-plaît."
La lame dans ma poitrine se retirait soudainement, et je sentais tous mes organes chuter. Un poids immense s'allongeait sur mes épaules, tandis que je fermais les yeux. Péniblement, je forçais mes lèvres à s'étirer, sans être capable de plus. Lorsque j'ai levé les paupières, nos regards se sont mêlés, et tu souriais encore. Ma bouche tremblait, mes larmes s'échouaient jusque sur la paume de ta main, mais tu semblais heureuse.
"Je t'aime, mon petit damoiseau. Je veux que tu continues de sourire pour moi. Sois ridicule. Sois bête mon chéri, sois tout ce que tu as envie d'être. Je veux savoir que mon fils va sourire".
La douleur sur mes traits s'estompait, je me décomposais tout entier à tes mots, mais j'arrivais à garder mes lèvres faiblement étirées. La seconde qui suivait, j'ai serré ton corps malade dans mes bras. Tu respirais doucement, tu étais calme, alors que mon corps entier tremblait à l'idée de te perdre. J'étais terrorisé.
J'étais devenu chevalier, mais je n'ai rien pu faire pour sauver ma mère de la maladie. Le soir venu, tu étais partie, paisiblement. Alors que mon monde s'effondrait, le tien prenait fin, et je réalisais combien la mort était terrifiante.
Je t'aime aussi, mère.
Chaque milieu d'année, cela recommençait. Une plaie qu'aucun laps de temps ne pouvait guérir se remettait à suinter des larmes écarlates, invitant dans le cœur meurtri du Belmont une souffrance invisible et muette...
... Mais il continuait de sourire.
[quote]NLSN
[center][b][i][color=#555555][spoiler][youtube]dcR-FzXnTRs[/youtube][/spoiler][/color][/i][/b][/center]
[center][b][i][b][i]"Tu as les yeux de ta mère, petit chanceux."[/i][/b][/i][/b][/center]
[justify][i]Je me souviens de ta voix. Je me souviens de toi, si bien que cela en est douloureux. Je refuse le deuil, je refuse ta mort, je m'interdis de t'oublier pour que jamais tu ne partes.[/i][/justify]
[center][b][i]"Dorian ? Essuies tes larmes mon chéri, ça va aller."[/i][/b][/center]
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[justify][i][i]Tu souriais. Sur ce lit duquel tu ne pouvais plus te lever, tu continuais de rayonner plus intensément que le soleil qui s'invitait au travers des rideaux blancs. J'étais devenu chevalier, j'étais prêt à défendre notre peuple de tous les dangers. Alors pourquoi n'ai-je rien pu faire pour toi ? Assis sur une chaise à côté de toi, ta main frêle dans les miennes, j'étais désarmé, incapable d'articuler, effrayé que cela se termine.[/i][/i][/justify]
[center][b][i]"Tu es beau, mon fils. Tu es Ishgard. J'aimerais voir tout ce que tu vas accomplir."[/i][/b][/center]
[justify][i]Je n'avais jamais ressenti une telle douleur. Rien ne pouvait arrêter le mélange de peine et d'effroi qui roulait sur mes joues, tandis que tu quittais mes doigts pour saisir mon menton et relever mon visage. Je fuyais tes yeux, le visage tordu par la sensation que l'on essayait de me pourfendre le coeur. C'était si réel, je ne serais pas étonné d'y trouver une cicatrice.[/i][/justify]
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[center][b][i]"Tu dois sourire, Dorian. Je suis fatiguée, laisse moi te voir sourire juste cette fois. Cela fait si longtemps. S'il-te-plaît."[/i][/b][/center]
[justify][i]La lame dans ma poitrine se retirait soudainement, et je sentais tous mes organes chuter. Un poids immense s'allongeait sur mes épaules, tandis que je fermais les yeux. Péniblement, je forçais mes lèvres à s'étirer, sans être capable de plus. Lorsque j'ai levé les paupières, nos regards se sont mêlés, et tu souriais encore. Ma bouche tremblait, mes larmes s'échouaient jusque sur la paume de ta main, mais tu semblais heureuse.[/i][/justify]
[center][b][i]"Je t'aime, mon petit damoiseau. Je veux que tu continues de sourire pour moi. Sois ridicule. Sois bête mon chéri, sois tout ce que tu as envie d'être. Je veux savoir que mon fils va sourire".[/i][/b][/center]
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[justify][i][i]La douleur sur mes traits s'estompait, je me décomposais tout entier à tes mots, mais j'arrivais à garder mes lèvres faiblement étirées. La seconde qui suivait, j'ai serré ton corps malade dans mes bras. Tu respirais doucement, tu étais calme, alors que mon corps entier tremblait à l'idée de te perdre. J'étais terrorisé.[/i][/i][/justify]
[justify][i][i]J'étais devenu chevalier, mais je n'ai rien pu faire pour sauver ma mère de la maladie. Le soir venu, tu étais partie, paisiblement. Alors que mon monde s'effondrait, le tien prenait fin, et je réalisais combien la mort était terrifiante.
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[justify][i][i]Je t'aime aussi, mère.[/i][/i][/justify]
[b][i]Chaque milieu d'année, cela recommençait. Une plaie qu'aucun laps de temps ne pouvait guérir se remettait à suinter des larmes écarlates, invitant dans le cœur meurtri du Belmont une souffrance invisible et muette...[/i][/b]
[right][b][i][b][i]... Mais il continuait de sourire.[/i][/b][/i][/b][/right][/quote]
NLSN
Il y a 5 mois et 3 jours
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Dans un lieu où le temps n'a aucune incidence, on raconte qu'une longue toile serait tissée par des mains aux desseins inconnus et imprévisibles. Nombreux sont les noms que l'on prête à cette entité, d'aucuns diraient que ce mythe est infondé, là où d'autres, versés dans l'ésotérisme, se persuadent de son existence. Ces adeptes disent que le tissu fabriqué serait impossible à démêler, que ses fils ne pouvaient être défaits, pas même par celui qui les avait manipulé. Cette fabrique, composée d'un nombre infini d'âmes, prenait parfois du sens, comme si un Équilibre s'imposait dans les enchevêtrements chaotiques pour y insuffler une providence. La Volonté Divine.
Ainsi, deux âmes, ici de simples bouts de tissu, sont parfois réunies par une connivence interdite. Si elles peuvent démarrer aux extrêmes opposés de la toile, celle-ci s'arrange pour les réunir qu'importe si cela doit transcender sa forme. Ce phénomène est varié, et si les deux fils peuvent naturellement en venir à se joindre, il arrive également qu'un seul soit tiré de force par Le Tisserand pour en renforcer un autre. Certains appellent cela les âmes sœurs, et racontent même que si l'événement se produit une fois, il se répètera inlassablement pour ces deux bouts de tissu, pour l'éternité.
Si l'on croit en ce mythe, alors on croit en l'existence du Destin. Qu'aucun mortel ne peut se soustraire à ce qui a été défini comme son chemin, et qu'il n'a d'autre choix que de l'accepter et de le subir.
Certaines personnes en ce monde sont aptes à discerner une partie de cette toile. Si elles pouvaient la consulter dans son intégralité, elles tomberaient certainement dans la folie. En vérité, n'en voir qu'un morceau suffit parfois à briser l'esprit de celui qui a l'impudence d'espionner l'Œuvre. Est-ce alors une bénédiction ou bien une malédiction d'être ainsi touché par la plus grande des clairvoyances ? Nul mortel ne saurait appréhender le sens de cette tapisserie, encore moins l'influencer.
Tout au long de sa vie, Dorian n'a pas toujours été maître de lui-même. Son corps tiré vers l'action peu importe combien la peur le tétanisait, il se voyait agir sans avoir le temps de réfléchir. Ses jambes jamais ne couraient à l'opposé du danger, quand bien même la mort l'effrayait. Un misérable cri de détresse suffisait à activer chacun de ses muscles et à éveiller en lui un instinct protecteur incontrôlable, qui le poussait à prendre n'importe quel risque. Pourtant, avec le temps, ces pulsions héroïques ont transformé sa propre identité. Conditionné par cette force invisible à être un sauveur, le chevalier finit par s'en persuader lui-même, par embrasser pleinement les décisions de son âme. Envers et contre tout, il devint ce combattant dont l'épée ne serait plus jamais tachée de sang, incapable de trancher la vie, uniquement de la protéger.
Dorian, alors, n'était plus un simple pantin. Il avait trouvé sa voie lumineuse, et un nom autour duquel graviter. Lenore de Riverhood, cette jeune femme infiniment talentueuse, débordante d'humanité et naturellement fédératrice lui avait donné l'autorisation de briller à ses côtés. Le temps fit d'eux des amis, et les confessions engendrées par leur rapprochement laissèrent Dorian entrevoir les failles de cette femme à l'image publique immaculée. Des faiblesses qui eurent tôt fait d'éveiller en lui cette urgence protectrice, et de graver dans ses souvenirs l'image inédite de cette Dame en larmes, assez vulnérable pour s'en remettre entièrement à son ami. Il était touché, marqué pour l'éternité, et jamais son cœur n'avait résonné aussi fort pour autrui. Les moments banals devinrent précieux, et si leurs obligations les séparèrent quelques mois, rien n'avait changé pour Dorian à son retour.
Pour lui seulement, car s'il voyait toujours en elle cette femme qui était venu lui demander son aide, il n'en restait aujourd'hui plus que l'apparence. Sa clairvoyance, ses deuils, le Destin avait tourmenté Lenore au point de transformer, à son tour, son identité. Qu'en aurait-il été, s'il ne s'était pas absenté ? C'est en la voyant ainsi changée que le chevalier jura loyauté à celle en qui il voyait l'Ishgard dont il rêvait, craignant désormais pour elle au point de refuser de s'en écarter de nouveau. Les deux fils étaient en fin joints, mais leur proximité n'avait plus rien d'idéale. La chaleur de Dorian contrastait bien trop avec l'insensibilité que montrait désormais Lenore. Leurs caractères étaient devenus incompatibles, et la cohabitation douloureuse. Borné, le Rossignol n'arrêta jamais d'aller saigner contre les épines de la Rose, jusqu'au dernier jour.
"Je serai toujours là, à espérer que l'été viendra."
Il avait tenu parole. Envers et contre tout, qu'importe son corps meurtri ou son âme piétinée, il avait trouvé le courage de braver chaque avertissement de son amie, de désobéir à ses tentatives de le protéger en l'écartant. Il savait très bien ce que cela voulait dire, ce que l'Œuvre lui réservait, et pourtant il n'avait plus peur. La Volonté Divine ne voulait plus rien dire, s'il était persuadé de faire ce qu'il voulait. C'était désormais Sa volonté, son choix conscient. Il avait trouvé sur le chemin de nouveaux noms à protéger, qui résonnaient dans son esprit aux côtés du premier. Anaëlle, Ruuj, Karasu, Mhako... Aïko ? Oui, elle aussi. Il se battait pour chacun d'entre eux, et il ferait tout pour qu'ils puissent connaître la fin de cette histoire. Pour que la Rose, même teintée de son sang, puisse survivre jusqu'à demain.
Ce jour-là, il n'était plus question d'être tiré par le Destin. Chacune de ses interventions lui était propre, et le ciel pouvait se déchirer, la terre gronder, les créatures infernales pulluler, rien n'arrêterait la volonté de ce mortel. Une volonté ironique, pour un condamné.
"Écoute-moi. Je suis Dorian. Je sais ce que tu ressens, je t'assure. Mais ta mère veut te voir sourire, trésor. Elle veut que tu vois la fin de cette histoire, avec nous. S'il-te-plaît."
Au milieu du carnage, cernés par une pluie de feu, le chevalier avait ôté son heaume pour prendre le temps de rassurer un unique orphelin. Il sentait une troisième présence, tout près de lui, une chaleur maternelle qui fit fondre son cœur et perler ses larmes. Il ne put s'empêcher de rire lorsque l'enfant lui demanda de le protéger. Évidemment qu'il le protègerait, il était né pour ça. Pour ce moment précis.
Le ciel s'écroulait sur eux. S'il avait réussi à arrêter le souffle d'un météore plus tôt, ici, il s'agirait d'intercepter la comète entière. On dit que la fabrique prenait parfois du sens, qu'un Équilibre s'imposait dans le chaos pour instaurer la providence. De pantin, il était devenu l'incarnation-même de la bravoure de l'Humanité face à la Mort. Son corps brillait d'une lumière aveuglante, sa propre énergie vitale s'étirait autour de lui comme les ailes d'un ange couvrant tout ce qui se trouvait derrière lui, menant les flammes du météore à souffler sur les côtés, pliant les arbres, calcinant la terre. Il en connaissait le prix, il l'avait toujours connu.
Son corps détruit s'effondra au sol dans un fracas atroce. L'énorme rocher roula sur le côté, son élan interrompu. La douleur était telle qu'il ne la ressentait plus vraiment. Son système nerveux s'éteignait déjà, alors qu'il arrivait seulement à percevoir les voix de ses protégés autour de lui. Cela lui suffisait, mais il essayait tout de même d'hurler à pleins poumons. Il criait aussi fort que possible, mais le son ne s'échappa qu'en un murmure balbutiant.
"Jusqu'à la fin... Je serai votre ami."
Les réprimandes de Lenore qui suivirent firent doucement étirer ses lèvres. N'avait-il pas été dans un déni similaire, lorsqu'il s'agissait de sa mère ? Il lui fallait sourire, pour qu'elle sache qu'il ne lui en voulait pas. Qu'il partait paisiblement."
"JE NE VOUS HAIS PAS ! JE NE VOUS AI JAMAIS HAÏ !"
"Je sais, Lenore."
Ses paupières se fermaient définitivement, chutant face à ses pupilles brûlées par le souffle ardent. Les coins de ses lèvres se figèrent dans ce faible sourire qu'il s'imaginait étiré jusqu'aux oreilles, immortalisant ainsi son visage pour toujours. La dernière goutte de sang coulait, la dernière once d'énergie vitale s'évaporait de son corps.
Il était devenu un grand chevalier. Il était mort en héros. S'il n'avait pas mérité cette fin, à ses yeux, tous ceux qu'il avait sauvé méritèrent son sacrifice.
Le fil se coupe, laissant sa sœur poursuivre le chemin seule. Un jour peut-être retrouvera-t-elle une âme faite du même tissu. Jusqu'à-ce que ce jour vienne...
Repose en paix, petit damoiseau.
[quote]NLSN
[justify][center][spoiler][youtube]PYpBcyt7fv8[/youtube][/spoiler][/center]
Dans un lieu où le temps n'a aucune incidence, on raconte qu'une longue toile serait tissée par des mains aux desseins inconnus et imprévisibles. Nombreux sont les noms que l'on prête à cette entité, d'aucuns diraient que ce mythe est infondé, là où d'autres, versés dans l'ésotérisme, se persuadent de son existence. Ces adeptes disent que le tissu fabriqué serait impossible à démêler, que ses fils ne pouvaient être défaits, pas même par celui qui les avait manipulé. Cette fabrique, composée d'un nombre infini d'âmes, prenait parfois du sens, comme si un Équilibre s'imposait dans les enchevêtrements chaotiques pour y insuffler une providence. La Volonté Divine.
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[justify]Ainsi, deux âmes, ici de simples bouts de tissu, sont parfois réunies par une connivence interdite. Si elles peuvent démarrer aux extrêmes opposés de la toile, celle-ci s'arrange pour les réunir qu'importe si cela doit transcender sa forme. Ce phénomène est varié, et si les deux fils peuvent naturellement en venir à se joindre, il arrive également qu'un seul soit tiré de force par Le Tisserand pour en renforcer un autre. Certains appellent cela les âmes sœurs, et racontent même que si l'événement se produit une fois, il se répètera inlassablement pour ces deux bouts de tissu, pour l'éternité.
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[justify]Si l'on croit en ce mythe, alors on croit en l'existence du Destin. Qu'aucun mortel ne peut se soustraire à ce qui a été défini comme son chemin, et qu'il n'a d'autre choix que de l'accepter et de le subir.
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[justify]Certaines personnes en ce monde sont aptes à discerner une partie de cette toile. Si elles pouvaient la consulter dans son intégralité, elles tomberaient certainement dans la folie. En vérité, n'en voir qu'un morceau suffit parfois à briser l'esprit de celui qui a l'impudence d'espionner l'Œuvre. Est-ce alors une bénédiction ou bien une malédiction d'être ainsi touché par la plus grande des clairvoyances ? Nul mortel ne saurait appréhender le sens de cette tapisserie, encore moins l'influencer.
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[justify]Tout au long de sa vie, Dorian n'a pas toujours été maître de lui-même. Son corps tiré vers l'action peu importe combien la peur le tétanisait, il se voyait agir sans avoir le temps de réfléchir. Ses jambes jamais ne couraient à l'opposé du danger, quand bien même la mort l'effrayait. Un misérable cri de détresse suffisait à activer chacun de ses muscles et à éveiller en lui un instinct protecteur incontrôlable, qui le poussait à prendre n'importe quel risque. Pourtant, avec le temps, ces pulsions héroïques ont transformé sa propre identité. Conditionné par cette force invisible à être un sauveur, le chevalier finit par s'en persuader lui-même, par embrasser pleinement les décisions de son âme. Envers et contre tout, il devint ce combattant dont l'épée ne serait plus jamais tachée de sang, incapable de trancher la vie, uniquement de la protéger.
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[justify]Dorian, alors, n'était plus un simple pantin. Il avait trouvé sa voie lumineuse, et un nom autour duquel graviter. Lenore de Riverhood, cette jeune femme infiniment talentueuse, débordante d'humanité et naturellement fédératrice lui avait donné l'autorisation de briller à ses côtés. Le temps fit d'eux des amis, et les confessions engendrées par leur rapprochement laissèrent Dorian entrevoir les failles de cette femme à l'image publique immaculée. Des faiblesses qui eurent tôt fait d'éveiller en lui cette urgence protectrice, et de graver dans ses souvenirs l'image inédite de cette Dame en larmes, assez vulnérable pour s'en remettre entièrement à son ami. Il était touché, marqué pour l'éternité, et jamais son cœur n'avait résonné aussi fort pour autrui. Les moments banals devinrent précieux, et si leurs obligations les séparèrent quelques mois, rien n'avait changé pour Dorian à son retour.
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[justify]Pour lui seulement, car s'il voyait toujours en elle cette femme qui était venu lui demander son aide, il n'en restait aujourd'hui plus que l'apparence. Sa clairvoyance, ses deuils, le Destin avait tourmenté Lenore au point de transformer, à son tour, son identité. Qu'en aurait-il été, s'il ne s'était pas absenté ? C'est en la voyant ainsi changée que le chevalier jura loyauté à celle en qui il voyait l'Ishgard dont il rêvait, craignant désormais pour elle au point de refuser de s'en écarter de nouveau. Les deux fils étaient en fin joints, mais leur proximité n'avait plus rien d'idéale. La chaleur de Dorian contrastait bien trop avec l'insensibilité que montrait désormais Lenore. Leurs caractères étaient devenus incompatibles, et la cohabitation douloureuse. Borné, le Rossignol n'arrêta jamais d'aller saigner contre les épines de la Rose, jusqu'au dernier jour.
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[center][i]"Je serai toujours là, à espérer que l'été viendra."
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[justify]Il avait tenu parole. Envers et contre tout, qu'importe son corps meurtri ou son âme piétinée, il avait trouvé le courage de braver chaque avertissement de son amie, de désobéir à ses tentatives de le protéger en l'écartant. Il savait très bien ce que cela voulait dire, ce que l'Œuvre lui réservait, et pourtant il n'avait plus peur. La Volonté Divine ne voulait plus rien dire, s'il était persuadé de faire ce qu'il voulait. C'était désormais Sa volonté, son choix conscient. Il avait trouvé sur le chemin de nouveaux noms à protéger, qui résonnaient dans son esprit aux côtés du premier. Anaëlle, Ruuj, Karasu, Mhako... Aïko ? Oui, elle aussi. Il se battait pour chacun d'entre eux, et il ferait tout pour qu'ils puissent connaître la fin de cette histoire. Pour que la Rose, même teintée de son sang, puisse survivre jusqu'à demain.
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[justify]Ce jour-là, il n'était plus question d'être tiré par le Destin. Chacune de ses interventions lui était propre, et le ciel pouvait se déchirer, la terre gronder, les créatures infernales pulluler, rien n'arrêterait la volonté de ce mortel. Une volonté ironique, pour un condamné.
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[center][i]"Écoute-moi. Je suis Dorian. Je sais ce que tu ressens, je t'assure. Mais ta mère veut te voir sourire, trésor. Elle veut que tu vois la fin de cette histoire, avec nous. S'il-te-plaît."
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[justify]Au milieu du carnage, cernés par une pluie de feu, le chevalier avait ôté son heaume pour prendre le temps de rassurer un unique orphelin. Il sentait une troisième présence, tout près de lui, une chaleur maternelle qui fit fondre son cœur et perler ses larmes. Il ne put s'empêcher de rire lorsque l'enfant lui demanda de le protéger. Évidemment qu'il le protègerait, il était né pour ça. Pour ce moment précis.
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[justify]Le ciel s'écroulait sur eux. S'il avait réussi à arrêter le souffle d'un météore plus tôt, ici, il s'agirait d'intercepter la comète entière. On dit que la fabrique prenait parfois du sens, qu'un Équilibre s'imposait dans le chaos pour instaurer la providence. De pantin, il était devenu l'incarnation-même de la bravoure de l'Humanité face à la Mort. Son corps brillait d'une lumière aveuglante, sa propre énergie vitale s'étirait autour de lui comme les ailes d'un ange couvrant tout ce qui se trouvait derrière lui, menant les flammes du météore à souffler sur les côtés, pliant les arbres, calcinant la terre. Il en connaissait le prix, il l'avait toujours connu.
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[justify]Son corps détruit s'effondra au sol dans un fracas atroce. L'énorme rocher roula sur le côté, son élan interrompu. La douleur était telle qu'il ne la ressentait plus vraiment. Son système nerveux s'éteignait déjà, alors qu'il arrivait seulement à percevoir les voix de ses protégés autour de lui. Cela lui suffisait, mais il essayait tout de même d'hurler à pleins poumons. Il criait aussi fort que possible, mais le son ne s'échappa qu'en un murmure balbutiant.[/justify]
[center][i]"Jusqu'à la fin... Je serai votre ami."[/i][/center]
[justify]Les réprimandes de Lenore qui suivirent firent doucement étirer ses lèvres. N'avait-il pas été dans un déni similaire, lorsqu'il s'agissait de sa mère ? Il lui fallait sourire, pour qu'elle sache qu'il ne lui en voulait pas. Qu'il partait paisiblement."
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[center][i][b]"JE NE VOUS HAIS PAS ! JE NE VOUS AI JAMAIS HAÏ !"[/b][/i][/center]
[center][i]"Je sais, Lenore."[/i][/center]
[justify]Ses paupières se fermaient définitivement, chutant face à ses pupilles brûlées par le souffle ardent. Les coins de ses lèvres se figèrent dans ce faible sourire qu'il s'imaginait étiré jusqu'aux oreilles, immortalisant ainsi son visage pour toujours. La dernière goutte de sang coulait, la dernière once d'énergie vitale s'évaporait de son corps.[/justify]
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[justify]Il était devenu un grand chevalier. Il était mort en héros. S'il n'avait pas mérité cette fin, à ses yeux, tous ceux qu'il avait sauvé méritèrent son sacrifice.[/justify]
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[justify]Le fil se coupe, laissant sa sœur poursuivre le chemin seule. Un jour peut-être retrouvera-t-elle une âme faite du même tissu. Jusqu'à-ce que ce jour vienne...[/justify]
[right][b]Repose en paix, petit damoiseau.[/b][/right]
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