Agenouillée dans la glace, à la faveur d’une pleine lune dont les rayons baignaient les plaines de Clairval, Seluna fixait le dôme noir qui se dressait à quelques yalms d’elle. Si sa vue percevait désormais les ténèbres les plus épaisses avec une grande clarté, celles-ci demeuraient impénétrables.
Ses mains, nues et entravées, s’enfonçaient dans la neige. Ses ongles griffaient sa peau pâle tandis qu’elle se balançait lentement, d’avant en arrière. Elle grelottait. Elle sentait à peine les battements de son cœur, et ses souffles ne formaient même plus la buée coutumière qui l’accompagnait dans ses terres natales.
Elle contraignait encore ses lèvres bleuies à se mouvoir, sa langue glacée à psalmodier. Les mots glissaient, écrasés dans sa gorge, comprimés dans sa poitrine — pour la centième, peut-être la millième fois.
« Il existe dans ce monde des pouvoirs anciens et oubliés, capables de métamorphoser des champs de pierres nues en merveilles vivantes, d’inscrire leur marque sur les montagnes, de drainer les océans et d’embraser les cieux. »
Son visage s’inclina lorsque qu’une bourrasque projeta un voile glacial contre ses yeux déjà meurtris. Elle siffla lentement entre ses dents, sous l’effet de la douleur.
« Ces forces n’ont jamais faibli ; au contraire, elles se sont renforcées avec le temps. Tapies dans l’ombre, elles attendent d’être découvertes. Et plus elles croissent, plus leur appel devient irrésistible. »
Ses deux mains retombèrent sur le sol gelé. Lorsqu’elle rouvrit les yeux, un visage familier lui faisait face. Une peau noirâtre, durcie par une carapace luisante. Des yeux rouge carmin, aux multiples iris. Un sourire effroyablement étiré, comme si l'on avait tranché aux lames les commissures d’une bouche pour l’agrandir. Ce visage, elle l’aurait reconnu entre cent, entre mille.
Akasha.
Un démon.
Son démon.
Et sa voix, sifflante :
« Allons. Tu as assez expié pour des crimes que tu n’as pas commis. Retourne au camp. Réchauffe-toi. »
Mais la voix de Seluna, implacable, brisa ses douceurs.
« Beaucoup les convoitent : par soif de pouvoir, au nom de l’équilibre, ou pour mieux asseoir leur contrôle. Jadis, j’étais faible et naïve. Alors, j’ai juré : plus jamais. »
« Encore ce vieux texte fondateur stupide. »
« Peu résistent à l’attrait du pouvoir. »
« Tu répètes les paroles d’un homme mort depuis des siècles ! Tes ancêtres imbéciles s’en sont inspirés, croyant être quoi ? Plus dignes ? Plus sages ? Plus valeureux que les autres ?! »
« On murmure que j’en détiens trop. Que je ne suis pas digne de confiance. Peut-être ont-ils raison. »
« Oui. Exactement. Pourquoi ne t’en sers-tu pas, Seluna ? Tout serait plus simple si tu arrêtais de— »
« Mais le véritable pouvoir que je possède, c’est celui de choisir de ne pas l’utiliser. »
Un silence mauvais s’installa. Akasha bougea lentement, faisant craquer son corps déformé dans un élan de frustration palpable. Elle enfonça ses griffes recourbées dans la glace, provoquant un crissement odieux. Sa bouche se tordit, s’ouvrant après un long moment, elle qui n’était jamais vraiment à l’aise que dans le chant de ses propres litanies. Ces mots qu’elle murmurait inlassablement à l’oreille de sa porteuse depuis sa naissance.
Mais quelque chose l’en empêcha.
Quelque chose de si brutal qu’un hoquet échappa à la bête. Ses pattes se dressèrent d’un coup, et dans un geste de panique, elle s'abîma la gorge en la saisissant. Un liquide visqueux se répandit entre ses phalanges tordues.
Silence.
Le mot tourna dans l’esprit du cerbère, léger comme une plume. Il s’était imposé, sans avoir été prononcé. Reflet d’une volonté. Victoire d’une intention. Mais aussi — et surtout...
La discorde.
Un sourire fin, à peine perceptible, effleura le visage de Seluna. La neige amassée sur ses épaules tomba au sol lorsqu’elle se redressa, chancelante.
« Mais le véritable pouvoir que je possède, c’est celui de choisir de ne pas l’utiliser. »
Répéta-t-elle simplement, pour le vent, pour sa Déesse, qui venait d’allumer en elle une chaleur que seule la Foi pouvait offrir.
[quote]Seluna Valsonge
[img]https://i.imgur.com/4ckkazs.png[/img]
Agenouillée dans la glace, à la faveur d’une pleine lune dont les rayons baignaient les plaines de Clairval, Seluna fixait le dôme noir qui se dressait à quelques yalms d’elle. Si sa vue percevait désormais les ténèbres les plus épaisses avec une grande clarté, celles-ci demeuraient impénétrables.
Ses mains, nues et entravées, s’enfonçaient dans la neige. Ses ongles griffaient sa peau pâle tandis qu’elle se balançait lentement, d’avant en arrière. Elle grelottait. Elle sentait à peine les battements de son cœur, et ses souffles ne formaient même plus la buée coutumière qui l’accompagnait dans ses terres natales.
Elle contraignait encore ses lèvres bleuies à se mouvoir, sa langue glacée à psalmodier. Les mots glissaient, écrasés dans sa gorge, comprimés dans sa poitrine — pour la centième, peut-être la millième fois.
[quote]« Il existe dans ce monde des pouvoirs anciens et oubliés, capables de métamorphoser des champs de pierres nues en merveilles vivantes, d’inscrire leur marque sur les montagnes, de drainer les océans et d’embraser les cieux. »[/quote]
Son visage s’inclina lorsque qu’une bourrasque projeta un voile glacial contre ses yeux déjà meurtris. Elle siffla lentement entre ses dents, sous l’effet de la douleur.
[quote]« Ces forces n’ont jamais faibli ; au contraire, elles se sont renforcées avec le temps. Tapies dans l’ombre, elles attendent d’être découvertes. Et plus elles croissent, plus leur appel devient irrésistible. »[/quote]
Ses deux mains retombèrent sur le sol gelé. Lorsqu’elle rouvrit les yeux, un visage familier lui faisait face. Une peau noirâtre, durcie par une carapace luisante. Des yeux rouge carmin, aux multiples iris. Un sourire effroyablement étiré, comme si l'on avait tranché aux lames les commissures d’une bouche pour l’agrandir. Ce visage, elle l’aurait reconnu entre cent, entre mille.
Akasha.
Un démon.
[b]Son[/b] démon.
Et sa voix, sifflante :
« Allons. Tu as assez expié pour des crimes que tu n’as pas commis. Retourne au camp. Réchauffe-toi. »
Mais la voix de Seluna, implacable, brisa ses douceurs.
[quote]« Beaucoup les convoitent : par soif de pouvoir, au nom de l’équilibre, ou pour mieux asseoir leur contrôle. Jadis, j’étais faible et naïve. Alors, j’ai juré : plus jamais. »[/quote]
« Encore ce vieux texte fondateur stupide. »
[quote]« Peu résistent à l’attrait du pouvoir. »[/quote]
« Tu répètes les paroles d’un homme mort depuis des siècles ! Tes ancêtres imbéciles s’en sont inspirés, croyant être quoi ? Plus dignes ? Plus sages ? Plus valeureux que les autres ?! »
[quote]« On murmure que j’en détiens trop. Que je ne suis pas digne de confiance. Peut-être ont-ils raison. »[/quote]
« Oui. Exactement. Pourquoi ne t’en sers-tu pas, Seluna ? Tout serait plus simple si tu arrêtais de— »
[quote]« Mais le véritable pouvoir que je possède, c’est celui de choisir de ne pas l’utiliser. »[/quote]
Un silence mauvais s’installa. Akasha bougea lentement, faisant craquer son corps déformé dans un élan de frustration palpable. Elle enfonça ses griffes recourbées dans la glace, provoquant un crissement odieux. Sa bouche se tordit, s’ouvrant après un long moment, elle qui n’était jamais vraiment à l’aise que dans le chant de ses propres litanies. Ces mots qu’elle murmurait inlassablement à l’oreille de sa porteuse depuis sa naissance.
Mais quelque chose l’en empêcha.
Quelque chose de si brutal qu’un hoquet échappa à la bête. Ses pattes se dressèrent d’un coup, et dans un geste de panique, elle s'abîma la gorge en la saisissant. Un liquide visqueux se répandit entre ses phalanges tordues.
[b]Silence.[/b]
Le mot tourna dans l’esprit du cerbère, léger comme une plume. Il s’était imposé, sans avoir été prononcé. Reflet d’une volonté. Victoire d’une intention. Mais aussi — et surtout...
[b]La discorde[/b].
Un sourire fin, à peine perceptible, effleura le visage de Seluna. La neige amassée sur ses épaules tomba au sol lorsqu’elle se redressa, chancelante.
« Mais le véritable pouvoir que je possède, c’est celui de choisir de ne pas l’utiliser. »
Répéta-t-elle simplement, pour le vent, pour sa Déesse, qui venait d’allumer en elle une chaleur que seule la Foi pouvait offrir.[/quote]
Trois âmes déambulaient dans la forêt du Val des Songes.
Ils auraient pu enfourcher leurs chocobos et rejoindre sans tarder le manoir aux lourdes pierres du Cerbère. Mais Seluna avait proposé que le chemin, depuis l’entrée du territoire des Valsonges, soit parcouru à pied. Une manœuvre pour gagner du temps, du temps pour être ensemble.
Malgré la tension encore palpable au sein du groupe, cette marche vers la demeure familiale était ponctuée de moments plus doux, de quelques réminiscences heureuses.
Parmi eux, deux âmes longtemps séparées semblaient enfin se retrouver. Et si l’on pensait que ce coup porté à la tête de la Maison Rouge et Noire allait l’achever, c’était sans compter sur ce lien si particulier que les chasseurs partagent entre eux.
Ils marchaient dans la forêt dangereuse du Val, sans que ni Seluna, ni Cyric, ni Ombeline ne soient envahis par la peur. Peut-être encore grisés par une victoire qu’on pouvait lire à la fois en demi-teinte… et en triomphe. Après tout, un être aimé avait été sauvé. N’était-ce pas là l’essentiel ?
« Qu’importe demain. Nous avons tout à reconstruire. Ce que je croyais perdu… n’est en réalité qu’une opportunité de recommencer, et de corriger ce qui doit l’être. Et… je compte sur vous. Sur vous deux. »
C’est ce qu’avait déclaré Seluna alors qu’ils traversaient Brumdelin, le village natal de la sorcière aux yeux lilas.
« … Je vous demande de me faire confiance. Nous avons reçu un coup. Mais un coup destiné à nous donner de l’élan, à nous, la nouvelle génération. J’en suis persuadée. »
Et si l’ambiance au sein du trio oscillait entre mélancolie et légèreté, elle trahissait surtout la force d’une fraternité : une fraternité qui renaissait pour certains… et naissait pour d’autres.
« Combattre et protéger. L’Ordre sera, tant que l’horreur sera. »
Mais pour l'heure, Cyric, Seluna et Ombeline allaient retrouver le manoir du Val des Songe. Il fallait retrouver le baron nommé si brutalement, ainsi qu'une Lyselle en proie à ses tourments. Il fallait que le cerbère lèche ses plaies avant que l'heure de reprendre les lames ne sonne.
[quote]Seluna Valsonge
[img]https://i.imgur.com/CxOtZJQ.png[/img]
Trois âmes déambulaient dans la forêt du Val des Songes.
Ils auraient pu enfourcher leurs chocobos et rejoindre sans tarder le manoir aux lourdes pierres du Cerbère. Mais Seluna avait proposé que le chemin, depuis l’entrée du territoire des Valsonges, soit parcouru à pied. Une manœuvre pour gagner du temps, du temps pour être ensemble.
Malgré la tension encore palpable au sein du groupe, cette marche vers la demeure familiale était ponctuée de moments plus doux, de quelques réminiscences heureuses.
Parmi eux, deux âmes longtemps séparées semblaient enfin se retrouver. Et si l’on pensait que ce coup porté à la tête de la Maison Rouge et Noire allait l’achever, c’était sans compter sur ce lien si particulier que les chasseurs partagent entre eux.
Ils marchaient dans la forêt dangereuse du Val, sans que ni Seluna, ni Cyric, ni Ombeline ne soient envahis par la peur. Peut-être encore grisés par une victoire qu’on pouvait lire à la fois en demi-teinte… et en triomphe. Après tout, un être aimé avait été sauvé. N’était-ce pas là l’essentiel ?
« Qu’importe demain. Nous avons tout à reconstruire. Ce que je croyais perdu… n’est en réalité qu’une opportunité de recommencer, et de corriger ce qui doit l’être. Et… je compte sur vous. Sur vous deux. »
C’est ce qu’avait déclaré Seluna alors qu’ils traversaient Brumdelin, le village natal de la sorcière aux yeux lilas.
« … Je vous demande de me faire confiance. Nous avons reçu un coup. Mais un coup destiné à nous donner de l’élan, à nous, la nouvelle génération. J’en suis persuadée. »
Et si l’ambiance au sein du trio oscillait entre mélancolie et légèreté, elle trahissait surtout la force d’une fraternité : une fraternité qui renaissait pour certains… et naissait pour d’autres.
« Combattre et protéger. L’Ordre sera, tant que l’horreur sera. »
Mais pour l'heure, Cyric, Seluna et Ombeline allaient retrouver le manoir du Val des Songe. Il fallait retrouver le baron nommé si brutalement, ainsi qu'une Lyselle en proie à ses tourments. Il fallait que le cerbère lèche ses plaies avant que l'heure de reprendre les lames ne sonne.[/quote]