“Quand j’étais petite, j’avais peur des créatures du néant...
Je les ai vu arracher ma mère, à mes mains impuissantes,
Rien ne me rendra jamais ce qu’ils m’ont pris.”
Trois lunes avaient passé depuis qu’Ombeline avait prêté serment au Monastère.
Novice parmi les Chasseurs, elle s’adaptait vite, ses pas avaient trouvé refuge dans la bibliothèque du monastère, là où reposaient les traités oubliés, les grimoires ternis par la poussière, les prières écrites à la main dans un alphabet désué évoquant des magies interdites et anciennes.
Elle aimait particulièrement les pages décrivant les rituels de la magie du temps, des étoiles, des pactes impies et des signes lunaires.
Plongée dans ses lectures, il arrivait parfois qu'un murmure échape à ses lèvres.
Chaque soir, à la même heure, Ombeline quittait le cloître pour retrouver les ruines du jardin qui entouraient le Monastère. Là, sous la voûte étoilée, elle s’asseyait en silence. Elle ne priait pas,
elle écoutait.
Les vieilles pierres disaient des choses aux oreilles patientes. Et la lune, haute et souveraine, lui répondait.
Certaines sœurs affirmaient qu’elle lui parlait à voix basse.
Nul ne saurait remettre en cause sa dévotion à l'Ordre et à ses principes. Mais on s'interrogeait néanmoins, parfois, car l'Ordre sait combien la frontière qui sépare la dévotion de la démence peut être ténue, et fragile.
Car Ombeline était pourtant une jeune femme douce.
Toujours un mot pour consoler, une main posée sur l’épaule, une attention même discrète.
Mais sur le champ de bataille, elle devenait une autre.
Ce soir-là, le ciel était limpide, griffé de constellations familières. Ombeline marchait entre les immenses arbres de la forêt du Val, tenant entre ses doigts son collier, le seul vestige de sa mère.
Elle se souvenait...
Brumdelin…
Les hurlements dans la nuit. Le sang sur la neige. L’expression du visage de sa mère...
Et quelques années plus tard, cette silhouette, floue, qui avait pris l’apparence de cette dernière…
Elle avait couru, bêtement. Croyant encore. Espérant naïvement.
Mais ce n’était pas sa mère. C’était une chose. Une abomination imitatrice.
Elle se souvenait de l’odeur, la fausse chaleur, le sourire trop large, puis cet abominable bras se levant pour l’emporter.
Et puis le Chasseur de l'Ordre Celui qui, ce soir-là, lui avait sauvé la vie. Elle tomba inconsciente sans qu’elle ne pu voir son visage alors qu’il marchait vers elle.
C’est là, que la petite fille apeurée avait fait un vœu, un serment silencieux que nul autre que son âme n'avait entendu :
Elle aussi sauverait quelqu’un. Un jour. Elle serait une Chasseuse de l’Ordre.
Un bruissement la sortit de ses pensées.
Quelque chose s’était glissé entre les arbustes. Un imp. Petit, malingre, pensant trouver là une proie facile. Il aurait dû fuir en voyant l’éclat pâle de l’astrolabe tournoyer autour d’elle comme une lune noire.
Ombeline se leva lentement, et ses yeux se voilèrent d’un éclat violacé.
Un murmure s’éleva de ses lèvres. Les anneaux de l’astrolabe vibrèrent.
Le sort fusa : les ailes de la créature se froissèrent dans un bruit humide, clouant la bête au sol.
Elle marcha vers lui sans hâte, les pupilles dilatées comme si le monde autour n’existait plus.
Elle pensa à ce démon.
Elle ne voyait pas vraiment celui qui rampait face à elle. Ce qu'elle voyait dans chaque démon, chaque créature impie, c'était le visage de celui qui avait volé la vie de sa mère.
Elle tendit la main, les yeux de l'ignoble petite créature furent les premier à céder sous la force de la gravité...
Un cri aigu, se perdit dans les pierres, tandis que l'abominable chose se recroquevillait sur elle même, se déformait, sa peau se déchirait, ses os craquaient les uns après les autres, jusqu'à ce que le petit démon ailé ne soit plus qu'un répugnant amalgame informe de chair, d'os et d'entrailles nauséabondes.
Un silence pesant s’installa. Ombeline ferma les yeux, son cœur battait vite, trop vite. Ses mains tremblaient, pas de peur, pas de fatigue, mais de honte.
Un goût amer lui remontait à la gorge.
Elle avait aimé le voir souffrir, durant un instant.
Un frisson la traversa…
Elle recula, heurtant une pierre, elle aurait voulu vomir, pleurer, mais rien ne venait.
Puis elle rentra au monastère, sans dire un mot, le regard un peu plus lourd.
“Quand j’étais petite, j’avais peur des créatures du néant...
Désormais, c’est à moi de les arracher à notre monde…
Mais rien ne me rendra jamais ce qu’ils m’ont pris.”
[quote]Ombeline
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[i][b]“Quand j’étais petite, j’avais peur des créatures du néant...
Je les ai vu arracher ma mère, à mes mains impuissantes,
Rien ne me rendra jamais ce qu’ils m’ont pris.”[/b][/i]
Trois lunes avaient passé depuis qu’Ombeline avait prêté serment au Monastère.
Novice parmi les Chasseurs, elle s’adaptait vite, ses pas avaient trouvé refuge dans la bibliothèque du monastère, là où reposaient les traités oubliés, les grimoires ternis par la poussière, les prières écrites à la main dans un alphabet désué évoquant des magies interdites et anciennes.
Elle aimait particulièrement les pages décrivant les rituels de la magie du temps, des étoiles, des pactes impies et des signes lunaires.
Plongée dans ses lectures, il arrivait parfois qu'un murmure échape à ses lèvres.
Chaque soir, à la même heure, Ombeline quittait le cloître pour retrouver les ruines du jardin qui entouraient le Monastère. Là, sous la voûte étoilée, elle s’asseyait en silence. Elle ne priait pas, [i]elle écoutait.[/i]
Les vieilles pierres disaient des choses aux oreilles patientes. Et la lune, haute et souveraine, lui répondait.
Certaines sœurs affirmaient qu’elle lui parlait à voix basse.
Nul ne saurait remettre en cause sa dévotion à l'Ordre et à ses principes. Mais on s'interrogeait néanmoins, parfois, car l'Ordre sait combien la frontière qui sépare la dévotion de la démence peut être ténue, et fragile.
Car Ombeline était pourtant une jeune femme douce.
Toujours un mot pour consoler, une main posée sur l’épaule, une attention même discrète.
Mais sur le champ de bataille, elle devenait une autre.
Ce soir-là, le ciel était limpide, griffé de constellations familières. Ombeline marchait entre les immenses arbres de la forêt du Val, tenant entre ses doigts son collier, le seul vestige de sa mère.
Elle se souvenait...
[b]Brumdelin…[/b]
Les hurlements dans la nuit. Le sang sur la neige. L’expression du visage de sa mère...
Et quelques années plus tard, cette silhouette, floue, qui avait pris l’apparence de cette dernière…
Elle avait couru, bêtement. Croyant encore. Espérant naïvement.
Mais ce n’était pas sa mère. C’était une chose. Une abomination imitatrice.
Elle se souvenait de l’odeur, la fausse chaleur, le sourire trop large, puis cet abominable bras se levant pour l’emporter.
Et puis le Chasseur de l'Ordre Celui qui, ce soir-là, lui avait sauvé la vie. Elle tomba inconsciente sans qu’elle ne pu voir son visage alors qu’il marchait vers elle.
C’est là, que la petite fille apeurée avait fait un vœu, un serment silencieux que nul autre que son âme n'avait entendu :
Elle aussi sauverait quelqu’un. Un jour. Elle serait une Chasseuse de l’Ordre.
Un bruissement la sortit de ses pensées.
Quelque chose s’était glissé entre les arbustes. Un imp. Petit, malingre, pensant trouver là une proie facile. Il aurait dû fuir en voyant l’éclat pâle de l’astrolabe tournoyer autour d’elle comme une lune noire.
Ombeline se leva lentement, et ses yeux se voilèrent d’un éclat violacé.
Un murmure s’éleva de ses lèvres. Les anneaux de l’astrolabe vibrèrent.
Le sort fusa : les ailes de la créature se froissèrent dans un bruit humide, clouant la bête au sol.
Elle marcha vers lui sans hâte, les pupilles dilatées comme si le monde autour n’existait plus.
[i]Elle pensa à ce démon.[/i]
Elle ne voyait pas vraiment celui qui rampait face à elle. Ce qu'elle voyait dans chaque démon, chaque créature impie, c'était le visage de celui qui avait volé la vie de sa mère.
Elle tendit la main, les yeux de l'ignoble petite créature furent les premier à céder sous la force de la gravité...
Un cri aigu, se perdit dans les pierres, tandis que l'abominable chose se recroquevillait sur elle même, se déformait, sa peau se déchirait, ses os craquaient les uns après les autres, jusqu'à ce que le petit démon ailé ne soit plus qu'un répugnant amalgame informe de chair, d'os et d'entrailles nauséabondes.
Un silence pesant s’installa. Ombeline ferma les yeux, son cœur battait vite, trop vite. Ses mains tremblaient, pas de peur, pas de fatigue, mais de honte.
Un goût amer lui remontait à la gorge.
Elle avait aimé le voir souffrir, durant un instant.
Un frisson la traversa…
Elle recula, heurtant une pierre, elle aurait voulu vomir, pleurer, mais rien ne venait.
Puis elle rentra au monastère, sans dire un mot, le regard un peu plus lourd.
[i][b]“Quand j’étais petite, j’avais peur des créatures du néant...
Désormais, c’est à moi de les arracher à notre monde…
Mais rien ne me rendra jamais ce qu’ils m’ont pris.”[/b][/i][/quote]