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[Augustine] Petits récits éparses

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Augustine Dudevent Il y a 2 semaines et 2 jours
Ici seront recensés les petits récits du quotidien et de certains moments d'Augustine.

Spleen Augustinien

Pendant cinq jours, Augustine ne franchit pas le seuil de sa mansarde. Pas même pour descendre chercher du bois. Le froid, en geôlier invisible, avait pris ses quartiers entre les murs inclinés de sa chambre de bonne et elle s’y laissait mourir à petit feu, pelotonnée sous les couvertures, les yeux ouverts, fixant le plafond jauni par l’humidité comme s’il allait, d’un moment à l’autre, s’effondrer et l’engloutir. 


Le premier jour, elle regarda longtemps une page sans y lire un mot. Le deuxième, elle but un verre pour s’endormir. Le troisième, elle vida la bouteille. Elle ne se leva que pour cela. Attraper une flasque ou fouiller le fond d’un tiroir à la recherche d’un reste d’alcool. Elle mâchouilla un quignon de pain pour ne pas vomir trop vite, mais c’était l’absinthe ou le sommeil qui comptaient, et parfois l’un menait à l’autre. Les papiers jonchaient le sol autour de son lit comme des feuilles mortes : poèmes flous, pensées noyées, lettres commencées mais jamais adressées. Le vent frappait les vitres avec une régularité presque cruelle, comme un rappel que dehors, les choses continuaient à exister. Mais chez elle, rien ne bougeait. Rien ne battait. 


Les jours se heurtaient entre eux, indistincts, comme les verres vides sur le rebord de la table. Et la nuit, quand l’alcool peinait à engourdir assez vite ses nerfs, revenaient le vague à l'âme et ses vieux démons. Ce n’est qu’au cinquième jour, titubant vers la lucidité, que l’odeur du linge moisi la força à se redresser. Une pantoufle. Puis l’autre. Une gorgée d’eau. Et dans un effort bancal, elle ouvrit la fenêtre non pas pour s’échapper mais pour respirer autre chose que l’alcool et la torpeur.
Augustine Dudevent Il y a 2 semaines et 1 jour

Récit de journal intime


Les jours passent et s'empilent comme les feuillets raturés sur le parquet froid de ma chambre. J’ai la sensation de courir sans jambes, de grimper sans y entrevoir le sommet, d’écrire sans fin. Les piges s'enchaînent, mécaniques, fiévreuses comme si chaque ligne, chaque virgule, était un rempart contre mon effondrement. Il m’arrive de m’éveiller dans mon fauteuil, le dos ravagé par la douleur de l'inconfort, le goût d’absinthe encore sur les lèvres. Et l’ombre du Baron de Forgechêne dans le coin de la pièce, silencieuse, pesante, prête à m’arracher au peu de réalité qu’il me reste.


Car s’il venait, s’il venait vraiment, que trouverait-il ? Une impostrice parée d’encre et de mots volés, une menteuse de papier, une fille qui s’invente encore. Je voudrais fuir. Ou m’éteindre. Ou être vue. Je ne sais plus. J’ai décliné la proposition d’Éliane Desruvoix, poliment. L’idée d’un mécénat avec elle m’effraie plus qu’elle ne me rassure. Devoir écrire sous l’œil de quelqu’un, devoir produire même lorsque l’élan manque, me noue l’estomac. Je ne suis pas une machine à prose. Je crains l’exclusivité comme une chaîne d’or trop bien polie. Et pourtant… je me sens bien sôte de penser qu’un mécène puisse offrir sans rien attendre en retour. C’est un jeu de masques et de devoirs, n’est-ce pas ? Et moi, je suis déjà masquée. Peut-être que le baron de Forgechêne, dans sa suffisance noble saura mieux tolérer les caprices d’une artiste névrosée. Ou du moins faire semblant.

Et pourtant, quelque chose me tient droite. Cette tombe effacée, ce nom gratté à la lame : Marie-Louise V., me hante. Elle ne mérite pas l’oubli. Personne ne le mérite. Ou alors, peut être que si ? Alors je cherche. Je fouille. Je questionne les morts comme les vivants, la plume trempée dans l'encre, mes lèvres dans l’absinthe, dessinant des silhouettes à travers les silences de l’Histoire. Je dois aller au bout de ce mystère qui m'ôte autant de nuits que d'envie de me nourrir. J'attends, l'oreille pendue à ma porte, l'arrivée providentiel d'un messager des Durandaires. Que je puisse aller explorer leurs archives et exhumer un semblant de vérité. Je dois retrouver cette mystérieuse rousse boiteuse... Cet femme qui, avant moi, menait peut être cette enquête. Ou bien est ce ma principale suspecte et celle vers qui je doive me mettre à la poursuite ?


Voilà qu’une autre folie me saisit : écrire sur la guerre, encore. Mais pas les chants de gloire, ni les récits d’étendards plantés dans les dépouilles des vaincus. Non. Écrire sur ceux d’en face. Les bottes impérieuses et les regards perdus, les orphelins d'Ilsabard et les conscrits glacés de Garlemald. Ecouter les espoirs perdus de leur jeunesse et les désillusions amères de leurs anciens. Un second volet peut-être, une suite à Les vaincus n’ont pas de tombe. Portraits croisés, encore, mais cette fois à travers les cendres ennemies : désertions muettes, cicatrices rentrées, veuves sans sépulture, noms rayés avant même d’être honorés, aspirations et idéal eux aussi baignés de mensonge. Au final, sommes nous si différents d'eux ? Pas de héros ici, non. Seulement des silences. Des ruines. Et le besoin viscéral de tendre l’oreille là où l’Histoire détourne les yeux.

Augustine Dudevent Il y a 1 semaine et 5 jours

Récit de journal intime


Il faudra bien que je parvienne un jour à mettre de l’ordre dans ce chaos. Cette semaine fut une comète : brève, incandescente, et marquant en moi quelque chose d’irréversible. Deux piges publiées, et reçues avec quelques éloges, plus que se que j'aurais imaginé. Ceux qui n’avaient que leurs poings, chronique rageuse, viscérale, douloureuse a résonné bien au-delà de ce que j’espérais. Et Et pourtant, il revint, plus douce, plus tendre, a touché quelques âmes. On me l’a dit.

Mais ce n’est rien face à la nouvelle : Osymandias Forgechêne m’a offert son mécénat. Je tremble encore d’avoir signé. Son regard n’était ni pressant, ni condescendant, juste… juste humain. Ou peut-être plus que cela. Un homme du monde qui sait voir les vacillantes que nous sommes, nous autres plumes sans encriers fixes. Il m’a parlé comme à une égale. Et moi, pauvre sotte, j’ai senti mes murs se fendre. Une joie titanesque, oui. Et une terreur indicible. Vais-je tenir ? Vais-je être digne ? J’en ai pleuré dans l’allée en quittant son manoir. De joie, d’effroi, d’une gratitude si immense qu’elle m’enlace encore.

Dans la même vague, l’Institut Riverhood a répondu favorablement à ma demande. L’idée même qu’ils m’ouvrent leurs portes me paraît absurde. Mais j’ai accepté. Je pars. Pour le Gévaudan. Loin de tout. Loin d’Ishgard et de ses rues que je connais par cœur. Loin de l’absinthe et de l’agitation. Là-haut, le silence, le froid et, je l’espère, la place pour penser. Peut-être pourrais-je guérir ? Même si je sais déjà que le fracas me manquera. La ville est une douleur constante, mais c’est une douleur vivante. Au final, je vais plutôt emporter ma fée verte avec moi.

Et puis… Il y a eu l’Ambassade. L’ambassade garlemaldaise. Je ne pensais jamais mettre un pied là-dedans. J’ai failli rebrousser chemin trois fois avant l’entrée. La peur m’a saisie à la gorge quand je les ai vus : ces visages qu’on m’avait appris à haïr. Sans casque. Sans fusil. Sans panoplie de conquérants. Rien que des femmes, des hommes, des jeunes gens aux mains tremblantes et aux voix calmes. Des survivants. Des exilés. Des êtres humains. J’ai parlé, j’ai écouté, j’ai pris des notes pour Les vaincus n’ont pas de tombe Tome II. Et j’ai compris. Compris dans mes os que la guerre n’a pas de camp propre, que la douleur ne connaît pas de bannière. J’étais terrifiée. Et en paix. Un instant.

Tout va trop vite. Tout semble trop grand. Mais cette semaine, je ne me suis pas effondrée. J’ai marché, plume en main, au bord de l’abîme. Et peut-être, pour la première fois depuis longtemps, j’ai avancé sans regarder en arrière.
Augustine Dudevent Il y a 6 jours et 17 heures

Récit de journal intime



J’ai rencontré aujourd’hui Aulène Riverhood. Une femme à l’allure droite, mais dont les yeux, par instants, laissent filtrer un éclat presque maternel. L’entretien s’est déroulé sans froideur, mais avec cette rigueur qu’impose l’expérience. Et me voilà désormais acceptée au sein de l’Institut. C’est étrange, presque irréel. J’ai l’impression d’avoir franchi une porte que j’observais depuis trop longtemps de l’extérieur.

Mes premiers pas dans cette ville qu’ils appellent l’Œil du Loup m’ont déroutée. Tout est si calme que le silence en devient presque une matière, et je ne sais pas encore si je peux m’y fondre. Ici, tout le monde semble se connaître. Les regards que l’on m’a lancé sont ceux qu’on réserve aux étrangers. Un mélange de curiosité et de méfiance. L’auberge, au moins, sert de l’absinthe. Mais lorsque j’en ai demandé un verre, on m’a regardée comme si je réclamais une drôle d'excentricité.

Aujourd’hui, j’ai recroisé Sir Ermengard Bertin. Nous devons poursuivre nos échanges, pour qu’il me livre ses récits et ses impressions des conflits qu’il a traversés, matière précieuse pour l’annexe de Les vaincus n’ont pas de tombes. Il parle avec tant de désuétudes et ses tics de langage m'amusent.

J’ai aussi rencontré Artorias de Sylvefer, jeune chevalier qui semble vouloir croquer la vie comme s’il craignait qu’on lui retire l’assiette. J’ai autant peur pour lui qu'il m'attendrit. Un cœur aussi ardent et jeune peut vite se laisser dévorer par les ténèbres et l’horreur que le monde sait déployer sans prévenir.

Et puis, il y a Liselotte de Clarevaux, l’écuyère d’Ermengard. Bonne âme, mais… fragmentée. Brisée, assurément. Elle parle comme si elle l'était la protagoniste d'un conte de fée, prisonnière d’un royaume invisible où les choses sont plus belles qu’ici. J’ai lu de la presse plus scientifique l'existence des blessures invisibles que la guerre contre Garlemald a laissées dans certaines têtes : aucun remède connu n’efface ces cicatrices-là. Je me demande lesquelles Liselotte porte. Elles doivent être si terribles qu'elle s'en voit forcée de s'affubler de ce drôle de masque de chocobo et que son esprit a décidé de baisser le rideaux sur la réalité pour accepter une rêverie éveillée diamétralement plus douce.

Et moi… j’attends. Aucun journal ne m’a sollicitée pour une pige cette semaine. Toute l’attention est tournée vers Harleen, ses incendies, l’assaut final, et la liste funèbre des nobles tombés. Les jours passent, et j’ai cette impression familière : que ma plume pourrait se dessécher avant d’être appelée. J’essaie de croire que le calme est une opportunité, mais j’entends déjà, dans ce silence, grincer les portes d'une langueur monotone.

Augustine Dudevent Il y a 5 jours et 12 heures

Récit de Journal intime


Je croyais, naïvement, qu’aucune méchanceté mondaine ne pouvait me surprendre ; et encore moins me toucher, personnellement. Qu’il y a, dans la petitesse humaine, un plafond de verre que même les plumes les plus vipérines ne sauraient briser. Ce matin, Dame Nation m’a prouvé le contraire.

La lire me fut d’abord un exercice de curiosité mauvaise, comme on regarde par la fenêtre un orage approcher. J'admets, j'avoue, en avoir été une lectrice des plus assidue. Mais au fil des phrases, c’est une pluie d’aiguilles : pleurnicheuse attitrée des lettres ishgardaises… âme fanée… livres bons à allumer un feu. Et moi, clouée à ma chaise, le cœur battant dans mes tempes comme si l’on m’avait giflée devant une salle comble.

Qu’elle s’attaque à ma plume, passe encore. Il y a dans la critique, même injuste, une part que je sais encaisser. Mais qu’elle traîne ainsi dans la boue mes amitiés, qu’elle transforme ma correspondance avec Amos en spectacle grivois pour salons en mal d’ivresse, voilà qui dépasse la simple cruauté pour toucher à l’infamie. Amos, traité comme un bibelot parfumé qu’on soupèse en ricanant… et moi, réduite à une pièce mal cousue sur une robe démodée. Décrite comme une femme si misérable que je m'éprends du premier homme lui souriant.

Le pire n’est pas d’avoir été lue ainsi par ses fidèles : c’est de savoir que, demain et dans les jours prochains, au marché ou à l’auberge, je croiserai des regards qui auront vu ces mots. Que dans les rues de la "Sainte" Cité on me jugera avec ce venin frais aux lèvres.

J’aimerais dire que j’en ris. Que je hausse les épaules. Mais non. J’ai honte. Honte comme si, par ma seule existence, j’avais donné corps à leurs médisances. Une part de moi voudrait disparaître de la surface de la terre, se terrer sous les couvertures et attendre que le monde oublie jusqu’à mon nom. Mais je sais aussi que me cacher, c’est leur donner raison, c’est graver dans le marbre ces rumeurs.

Et alors je me demande si j’en aurai la force… La force d’affronter les regards qui, demain, se feront complices de ce texte. La force d’endurer les chuchotements, les demi-sourires et les phrases murmurées juste assez fort pour atteindre mes oreilles. Je ne veux pas me venger ; je doute d’en avoir l’opportunité, et encore moins l’énergie. Peut-être que tout ce que je peux faire, c’est marcher tout droit, comme si cela ne m’atteignait pas et prier, oui prier, pour que personne ne voie que je tremble.
Augustine Dudevent Il y a 3 jours et 16 heures

Récit de Journal Intime


Sans le baume vert, sans la fumée blanche, mes nuits se sont changées en gouffres. Le sommeil m’y précipite d’un seul bloc, et je chute dans des visions d’acier, de flammes, de visages noyés dans le sang et la brume. J’en ressors chaque matin haletante, les draps collés à ma peau par une sueur glaciale, les doigts crispés comme si j’avais serré une arme. Le froid de ma mansarde me mord aussitôt, mais il ne suffit pas à chasser cette chaleur malade qui brûle à l’intérieur.

Ma bourse, maigre et honteuse, pend au clou comme un cadavre sur la potence. Quelques lettres écrites pour d’autres mains, une rupture couchée sur papier pour un cœur trop lâche, et puis… rien. Rien qui emplisse l’assiette autrement qu’avec un quignon de pain dur, une soupe où flotte à peine l’ombre d’un légume, et ce fromage aux reflets gris que même les rat, pourtant légion actuellement, semblent dédaigner. Le voyage jusqu’au Gévaudan a mangé le reste : on ne voyage pas sans payer la route et la fatigue.

Je vis dans une lente extinction. La chandelle baisse chaque soir plus tôt, non par lassitude, mais par économie. Et lorsque l’ombre recouvre tout, je me retrouve seule, nue, face à la certitude que la nuit n’est pas un refuge mais une embuscade. Là dans l’obscurité je les entends les voix, les bottes, les râles et je me surprends à envier les morts, qui eux au moins dorment sans rêve.

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