Chargement en cours, veuillez patienter

[Ordre des Chasseurs] Chroniques

Accueil > Forum > Registre des Gévaudois > Chroniques > [Ordre des Chasseurs] Chroniques
Seluna Valsonge Il y a 2 semaines et 6 jours


Il fallait brûler pour renaître de ses cendres.


Depuis quelques lunes, le monastère de l’Ordre des Chasseurs subissait de profonds bouleversements. Après le deuil et le silence, venait le temps de la relève.
La nouvelle cheffe, Seluna, se durcissait de jour en jour. Consciente de l’ampleur presque insurmontable de sa tâche, elle se jura de réussir à tout prix. Car la faiblesse des limiers portait un écho funeste dans tout le vicomté. Si le seigneur des terres accordait encore au Cerbère le répit nécessaire pour lécher ses plaies, nul doute qu’il ne tolérerait pas une seconde de plus. Un Ordre fragile était un Ordre condamné.

Ainsi, le recrutement s’intensifia. Le retour de Valeryon insuffla un nouvel élan, et un souffle neuf parcourut les couloirs encore noircis par les cendres de leurs prédécesseurs.
Dans l’entrée austère, les danses martiales s’allongeaient. Chaque erreur se payait d’une sévérité accrue. Sous le regard implacable de Seluna, certains s’écroulaient d’épuisement avant même d’avoir le luxe de regagner leur couche.

Des douze novices accueillis en début de lune, il n’en demeura plus que six. Deux partirent à la première semaine. Puis deux accidents arrivèrent, et deux autres jeunes chasseurs en herbes firent face à une dure réalité, parfois fatale:  l’un, grièvement blessé au bras lors d’un entraînement en terrain réel sur sol gelé, dut se retirer. Un autre périt des suites d’une hypothermie dans les bois impitoyables du Val des Songes. Les deux derniers, frappés par cette tragédie, renoncèrent, préférant sauver leur vie plutôt que de se vouer au devoir.
Les six survivants, eux, se soudèrent à travers les épreuves. Le deuil les avait liés, et le souvenir de leur camarade tombé les poussait à se dépasser. Ils portèrent désormais son rêve comme un serment : ne jamais fléchir.

Là où les épées claquaient jadis maladroitement et où l’on réclamait trop vite une fourrure pour se protéger du froid, quelque chose changea. L’esprit s’aiguisa, le corps s’endurcit. Ceux qui n’étaient encore que de jeunes adultes en quête de sens trouvèrent peu à peu leur rythme, portés par la force des disparus.

Quant au clergé, ses rangs jadis décimés reprenaient vie. Aux côtés de sœur Lyselle se tenaient désormais deux clercs, un moine et une sœur combattante. Ensemble, ils s’échinèrent à rebâtir la bibliothèque de l’Ordre : copies, voyages, acquisitions par correspondance. Une véritable frénésie régna, et l’on débattit de ce qu’il convenait de restaurer fidèlement ou d’améliorer. Peu à peu, ils devinrent professeurs, confidents, allégeant des épaules trop lourdes et emplissant des esprits avides de savoir.

La route restait longue, et les effectifs demeuraient trop faibles. Mais Seluna, implacable, parut prête aux sacrifices nécessaires pour relever une nouvelle génération de chasseurs, et rendre à l’Ordre la force qui lui revenait.
Seluna Valsonge Il y a 1 semaine et 3 jours

La première leçon : la force.


Edward, instructeur de corps-à-corps.

La démarche féline, il tournait autour des novices. Les rangs se densifiaient peu à peu. Les pertes d’hier formaient les chasseurs de demain, et la promesse de reconstruction attirait, aux portes du monastère séculaire, de nouveaux visages pleins d’ambition.

Lui, c’était un chasseur. Un des trois, choisis par Célestin de Valsonge lui-même, avant même sa nomination officielle. Face aux flammes qui avaient dévoré la forêt, il n’avait pas vu la désolation : il avait vu sa chance. Sa chance de s’élever. Il avait signé. Il avait tué. Et il tuait encore, jour après jour, pour la reconnaissance du blason.

Plus jeune, il écrasait ses pairs pour mieux grimper — la compétition dans le sang, la prédation au fond du regard. Cruel, borné, fier. L’âge lui avait appris autre chose : la réussite tient d’un savant mélange de confiance, de compétences et d’opportunités. Et si, parfois, il fallait écraser des crânes sous ses bottes pour gravir l’échelle sociale… tant pis. Un sacrifice nécessaire.

« Toi. Et toi. »

Il désigna deux recrues : un petit brun freluquet, issu de la petite bourgeoisie si ses instincts ne le trompaient pas, et le grand blond, bourru, qui lançait de mauvais regards au premier depuis deux semaines.

Un silence tomba. On se jaugea du coin de l’œil, incertain. Il flottait dans l’air quelque chose d’indéfinissable — secrets de jeunesse, inimitiés naissantes. Était-il sage de mettre ces deux-là face à face ?

« Quoi ? Vous regardez quoi ? Vous préférez sans doute des échanges de coups sans conséquences, dans le respect des règles ? Non. À partir de maintenant, vous utiliserez mon cours pour régler vos problèmes entre vous. C’est simple : vous n’aurez qu’à me demander. Je suis certain que beaucoup d’entre vous n’osent pas régler leurs comptes par peur des représailles. Profitez-en. Faites-le ici. »

La moitié des visages se décomposa. Certains restèrent impassibles ; d’autres accueillirent la nouvelle comme la meilleure de la journée. Il laissa le silence s’étirer un peu plus.

« Aussi. Jeunes gens. Je vous déconseille de donner des envies de meurtre à vos frères d’armes. » Un léger sourire aux lèvres, il parcourut la rangée du regard ; chacun commençait à comprendre les tenants et aboutissants des duels qui allaient désormais se tenir dans ce cours.

« Et vous ne pourrez plus non plus vous abriter derrière l’autorité de ces murs pour emmerder ceux qui sont plus forts que vous. Il va falloir apprendre à respecter les capacités de chacun et ne pas sous-estimer vos frères. Il n’y aura pas de religieux pour donner raison aux petits cons face au néant. Car la seule loi qui vous attend dehors, c’est celle du plus fort. »

Utilisation des données

Nos partenaires et nous-mêmes utilisons différentes technologies, telles que les cookies, pour personnaliser les contenus et les publicités, proposer des fonctionnalités sur les réseaux sociaux et analyser le trafic. Utilisez les boutons pour donner votre accord ou refuser.