[Lenore] Tome V - L'Éveil du Cristal
Lyssie
Il y a 2 mois et 1 semaine
Spoiler : cliquez pour afficher
"Votre Grâce, que fait-on des roses blanches supplémentaires ?
- Il y en a trop. Mettez-les dans la serre."
Lenore regardait les décorateurs défiler, portant un à un les lourds pots de roses blanches. La serre de l'aile Est n’en manquerait pas, à ce rythme. Les fauteuils et tables en bois doré qu'elle avait commandés en plus finirent tout juste d'être placés, il fallut attendre pas moins de deux semaines pour les recevoir. Dans la soirée viendraient l'Akanthai et l'Escadron de l'Aigle, supervisés par son époux pour une visite des lieux qu'ils occuperont ce dimanche. Au centre de cette fourmilière d'ouvriers, elle se tenait droite, examinant chaque détail de cette vaste pièce, encore vide, qui n'attendait que l'afflux des invités pour la clôture du tournoi de Halone.
"Paltauquet, les banderoles, plus hautes !"
L’élezen obéit immédiatement, ajustant la hauteur des banderoles. Lenore zigzaguait entre les décorateurs, corrigeant ici un ruban, là un arrangement floral. Tout devait être parfait. Le personnel recruté pour cette occasion s’activait avec une efficacité presque mécanique. Ce n’était pas la précipitation qui guidait leurs gestes, mais l’assurance du travail bien fait. Ils travaillaient là depuis des semaines, depuis son retour du Tural, mettant tout en œuvre pour préparer cette soirée. Chaque jour qui la rapprochait de l'événement la rendait un peu plus nerveuse, mais elle s'efforçait à ne rien montrer.
"Je ne vous pensais pas si anxieuse."
Derek la ramena sur terre, venu se tenir à ses côtés. D'une main sur sa hanche, il la pressa contre lui.
"Anxieuse ? Moi ? souffla-t-elle tout en fixant l'élévation du grand lustre principal.
- Vous serrez vos gants avec une telle intensité que jamais je n'aurais cru ces fines mains capables d'une telle force."
Elle n'avait pas fini de se tourner en direction de son époux qu'elle sentit un boulet de canon lui passer entre les jambes pour se réfugier sous ses jupons. Alexander était encore en train de descendre avec l'aide d'une Mathilde exaspérée, mais Victoria, bien qu'elle ne comprenait rien à toute cette effervescence, adorait l'émoi et l'entrain que le changement de l'aile Ouest apportait.
"Navrée, mes seigneurs, la petite m'a complètement échappée des mains...
- Depuis que cette petite chipie sait marcher, elle n'en fait qu'à sa tête !"
Derek rit aux éclats en venant arracher des jupons de sa mère la petite maligne aux boucles d'or. Le sourire réprimé de Lenore ne parvint à dissimuler l'amusement dans son regard tandis qu'elle s'abaissa au niveau d'Alexander, bien plus calme que sa sœur, pour le prendre à son tour dans ses bras. L'idée de leur avoir appris à courir avant de marcher était une idée du père, qu'elle avait longuement qualifié de saugrenue et d'impossible, mais semblerait-il que cela eut fonctionné. Surtout pour Victoria qui s'en donnait à coeur joie.
La journée s'annonçait belle. Tout était sous contrôle, chaque élément soigneusement orchestré. Ils discutèrent toute l'après-midi des derniers préparatifs, un oeil sur chaque recoin de la salle, l'autre sur leurs enfants somnolant après un déjeuner bien copieux. Ils leur avaient promis une attention tout aussi particulière pour leurs prochains quartiers respectifs lorsqu'ils atteindront leur sixième année, de quoi les faire un peu rêver lors de la prochaine sieste à venir.
- Il y en a trop. Mettez-les dans la serre."
Lenore regardait les décorateurs défiler, portant un à un les lourds pots de roses blanches. La serre de l'aile Est n’en manquerait pas, à ce rythme. Les fauteuils et tables en bois doré qu'elle avait commandés en plus finirent tout juste d'être placés, il fallut attendre pas moins de deux semaines pour les recevoir. Dans la soirée viendraient l'Akanthai et l'Escadron de l'Aigle, supervisés par son époux pour une visite des lieux qu'ils occuperont ce dimanche. Au centre de cette fourmilière d'ouvriers, elle se tenait droite, examinant chaque détail de cette vaste pièce, encore vide, qui n'attendait que l'afflux des invités pour la clôture du tournoi de Halone.
"Paltauquet, les banderoles, plus hautes !"
L’élezen obéit immédiatement, ajustant la hauteur des banderoles. Lenore zigzaguait entre les décorateurs, corrigeant ici un ruban, là un arrangement floral. Tout devait être parfait. Le personnel recruté pour cette occasion s’activait avec une efficacité presque mécanique. Ce n’était pas la précipitation qui guidait leurs gestes, mais l’assurance du travail bien fait. Ils travaillaient là depuis des semaines, depuis son retour du Tural, mettant tout en œuvre pour préparer cette soirée. Chaque jour qui la rapprochait de l'événement la rendait un peu plus nerveuse, mais elle s'efforçait à ne rien montrer.
"Je ne vous pensais pas si anxieuse."
Derek la ramena sur terre, venu se tenir à ses côtés. D'une main sur sa hanche, il la pressa contre lui.
"Anxieuse ? Moi ? souffla-t-elle tout en fixant l'élévation du grand lustre principal.
- Vous serrez vos gants avec une telle intensité que jamais je n'aurais cru ces fines mains capables d'une telle force."
Elle n'avait pas fini de se tourner en direction de son époux qu'elle sentit un boulet de canon lui passer entre les jambes pour se réfugier sous ses jupons. Alexander était encore en train de descendre avec l'aide d'une Mathilde exaspérée, mais Victoria, bien qu'elle ne comprenait rien à toute cette effervescence, adorait l'émoi et l'entrain que le changement de l'aile Ouest apportait.
"Navrée, mes seigneurs, la petite m'a complètement échappée des mains...
- Depuis que cette petite chipie sait marcher, elle n'en fait qu'à sa tête !"
Derek rit aux éclats en venant arracher des jupons de sa mère la petite maligne aux boucles d'or. Le sourire réprimé de Lenore ne parvint à dissimuler l'amusement dans son regard tandis qu'elle s'abaissa au niveau d'Alexander, bien plus calme que sa sœur, pour le prendre à son tour dans ses bras. L'idée de leur avoir appris à courir avant de marcher était une idée du père, qu'elle avait longuement qualifié de saugrenue et d'impossible, mais semblerait-il que cela eut fonctionné. Surtout pour Victoria qui s'en donnait à coeur joie.
La journée s'annonçait belle. Tout était sous contrôle, chaque élément soigneusement orchestré. Ils discutèrent toute l'après-midi des derniers préparatifs, un oeil sur chaque recoin de la salle, l'autre sur leurs enfants somnolant après un déjeuner bien copieux. Ils leur avaient promis une attention tout aussi particulière pour leurs prochains quartiers respectifs lorsqu'ils atteindront leur sixième année, de quoi les faire un peu rêver lors de la prochaine sieste à venir.
Assise devant son bureau, Lenore savourait un rare moment de tranquillité. Derek recevait en ce moment même l'Akanthai et l'Escadron de l'Aigle. Elle les avait aperçus un peu plus tôt, agglutinés devant le grand portail à se saluer et commenter la beauté des jardins. Un demi-sourire satisfait se dessina sur ses lèvres en les sachant si nombreux. Ils étaient quatorze, si son compte était exact. Les invités afflueraient bientôt de toutes les contrées voisines, et il était rassurant de savoir qu'une équipe aussi grande veillerait à leur sécurité.
Tout était fini, mais il lui restait pourtant tant à faire. Au-delà du bal à venir qui était l'événement de la saison, les audiences de ses vassaux n'avaient eu de cesse de s'enchaîner depuis que les Valsonge et les Valdis s'étaient mutuellement rapprochés. Les deux maisons se tournaient autour comme des vautours, avides de savoir plus interdits les uns que les autres, mais elle devait d'abord penser à ses vassaux, coûte que coûte. Malgré la situation de l'Oeil du Loup, toujours en reconstruction, elle avait fait le choix d'avancer un peu d'argent pour le Monastère Valsonge. Revoir Célestin lui avait demandé du courage, mais le revoir avec une aussi piètre estime de lui-même n'avait fait que la pousser à agir pour son bien et celui de sa famille. Cette dette, il la lui revaudrait en temps et en heure. Pour l’instant, l’entraide était de mise, mais elle ne pouvait en dire autant du don pharamineux d’Adalheid.
Tout était fini, mais il lui restait pourtant tant à faire. Au-delà du bal à venir qui était l'événement de la saison, les audiences de ses vassaux n'avaient eu de cesse de s'enchaîner depuis que les Valsonge et les Valdis s'étaient mutuellement rapprochés. Les deux maisons se tournaient autour comme des vautours, avides de savoir plus interdits les uns que les autres, mais elle devait d'abord penser à ses vassaux, coûte que coûte. Malgré la situation de l'Oeil du Loup, toujours en reconstruction, elle avait fait le choix d'avancer un peu d'argent pour le Monastère Valsonge. Revoir Célestin lui avait demandé du courage, mais le revoir avec une aussi piètre estime de lui-même n'avait fait que la pousser à agir pour son bien et celui de sa famille. Cette dette, il la lui revaudrait en temps et en heure. Pour l’instant, l’entraide était de mise, mais elle ne pouvait en dire autant du don pharamineux d’Adalheid.
Elle soupira, le regard posé sur le document cacheté de l'emblème de Bertin. Cette somme couvrait l'entièreté des biens matériels et humains de Gévaudan tout entier. Jamais elle n'aurait espéré acquérir une telle somme auprès de ses alliés à qui elle n'avait demandé que des matières premières, comme avec le Lys d'Or, mais venant d'une famille aussi influente que la sienne avec qui le Loup Blanc n'était pas allié et qui ne demande rien en retour, si ce n'est donné 25% de ce don -déjà pensé pour les dépenser- à ses vassaux ? C'était absurde, au pire une insulte ou une provocation. Sait-elle au moins dans quelle situation délicate nous met-elle par ce simple geste ? Elle savait Adalheid naïve et profondément bonne, mais si elle disait vrai, le geste fut longuement étudié par son père le vicomte de Bertin et elle ne pouvait pas en dire autant de cet homme dont le père fut des pieds et mains pour "acheter" sa femme auprès d'une autre maisonnée en ruines. Contrairement à dame Pérelle de Bertin, elle n'était pas une propriété à acheter, ni elle ni sa mesnie par ailleurs. Après les Valdis, devra-t-elle faire un bras de fer avec les de Bertin ? |
Officiellement, les Riverhood n'avaient aucune dette envers les Bertin. Officieusement, cependant, ces derniers pourraient toujours le rappeler quand cela leur conviendrait. Lenore n’aimait pas cette situation, se sentir, même hypothétiquement, prisonnière d'une dette fantôme. Au fond, elle était prête à tout pour s’en libérer.
Un mariage arrangé entre la jeune Bertin et l'héritier des Valsonge aurait pu résoudre bien des problèmes, tout comme l'union du capitaine de Bertin avec son limier, Seluna. Hélas, ni l'un ni l'autre ne semblait possible. D'un côté, Lenore ignorait ce qui retenait Adalheid d’épouser Célestin. Malgré ses nombreuses excuses – son désir de rester la "petite fille modèle de son père" –, Lenore n’était pas dupe. Le regard d’Adalheid la trahissait, tout comme ses réactions : son cœur brûlait pour Célestin. De l'autre côté, le mariage d'Ermengard et Seluna soulevait d’autres problèmes, à commencer par la mère du capitaine, qui détestait viscéralement Seluna. Les rumeurs et la longue réputation de chasseuse de cette dernière avaient ancré un ressentiment profond chez la dame Bertin, qui avait manifesté depuis longtemps son opposition à leur union. Mais si Seluna devenait une Bertin, et donc vicomtesse, la situation se compliquerait encore pour Lenore.
Parmi tous ses vassaux et alliés, Seluna était celle en qui Lenore avait une confiance absolue. Sa loyauté, indéfectible, la rendait indispensable. Jamais elle la remettait en cause ; elle exécutait toujours au doigt et à l'oeil chaque ordre qu'elle lui donnait. "La chienne de garde des Riverhood", comme l'avait si gentiment surnommé cet idiot de Kurusu trop consumé par ses croyances insensées, portait paradoxalement très bien son surnom. D'un regard sur la Griffe du Loup trônant au-dessus de la cheminée, des images de la dernière bataille à Gévaudan lui traversaient l'esprit et la voix de Seluna lui revint en tête, un soir de tournoi.
Un mariage arrangé entre la jeune Bertin et l'héritier des Valsonge aurait pu résoudre bien des problèmes, tout comme l'union du capitaine de Bertin avec son limier, Seluna. Hélas, ni l'un ni l'autre ne semblait possible. D'un côté, Lenore ignorait ce qui retenait Adalheid d’épouser Célestin. Malgré ses nombreuses excuses – son désir de rester la "petite fille modèle de son père" –, Lenore n’était pas dupe. Le regard d’Adalheid la trahissait, tout comme ses réactions : son cœur brûlait pour Célestin. De l'autre côté, le mariage d'Ermengard et Seluna soulevait d’autres problèmes, à commencer par la mère du capitaine, qui détestait viscéralement Seluna. Les rumeurs et la longue réputation de chasseuse de cette dernière avaient ancré un ressentiment profond chez la dame Bertin, qui avait manifesté depuis longtemps son opposition à leur union. Mais si Seluna devenait une Bertin, et donc vicomtesse, la situation se compliquerait encore pour Lenore.
Parmi tous ses vassaux et alliés, Seluna était celle en qui Lenore avait une confiance absolue. Sa loyauté, indéfectible, la rendait indispensable. Jamais elle la remettait en cause ; elle exécutait toujours au doigt et à l'oeil chaque ordre qu'elle lui donnait. "La chienne de garde des Riverhood", comme l'avait si gentiment surnommé cet idiot de Kurusu trop consumé par ses croyances insensées, portait paradoxalement très bien son surnom. D'un regard sur la Griffe du Loup trônant au-dessus de la cheminée, des images de la dernière bataille à Gévaudan lui traversaient l'esprit et la voix de Seluna lui revint en tête, un soir de tournoi.
"Je ... je ne suis pas certaine que je puisse avoir un impact. Pas un sans que vous me brisiez le coeur.
- Mais encore ?
- Cela n'est pas évident ? Il suffirait que vous promettiez à leur mère de m'interdire d'épouser leur fils pour la rendre heureuse."
- Mais encore ?
- Cela n'est pas évident ? Il suffirait que vous promettiez à leur mère de m'interdire d'épouser leur fils pour la rendre heureuse."
Les sourcils de la vicomtesse froncèrent et elle se mordit la lèvre inférieure ; il y aura sacrifice, qu'importe la voie qu'elle empruntera. Les Valsonge étaient, en réalité, des cadeaux empoisonnés pour quiconque les marieraient. Néanmoins, il lui restait encore quelques cartes à jouer. Personne n'avait dit que le sacrifice se ferait forcément chez ses vassaux qui avaient d'ores et déjà tant sacrifié pour leur suzerain, mais ça, sa fille qui dormait paisiblement dans son berceau à côté de son bureau ne pouvait pas le comprendre.
Après avoir rangé ses documents, Lenore emporta Victoria jusqu'à sa chambre pour la replacer dans son berceau principal, non sans une caresse sur ses cheveux d'or déjà si long pour un bambin de deux ans. De retour dans ses quartiers, elle trouva sa chemise de nuit en soie étendue sur le lit, prête à être portée. Tout en nouant la ceinture immaculée tel un rituel, lent et précis, elle entendit l'écho des hommes de l'Akanthai et de l'Escadron de l'Aigle quittant la demeure. Enfin un peu de calme.
Après avoir rangé ses documents, Lenore emporta Victoria jusqu'à sa chambre pour la replacer dans son berceau principal, non sans une caresse sur ses cheveux d'or déjà si long pour un bambin de deux ans. De retour dans ses quartiers, elle trouva sa chemise de nuit en soie étendue sur le lit, prête à être portée. Tout en nouant la ceinture immaculée tel un rituel, lent et précis, elle entendit l'écho des hommes de l'Akanthai et de l'Escadron de l'Aigle quittant la demeure. Enfin un peu de calme.
Il était déjà tard lorsque, errant le long des couloirs, elle se dirigeait vers la salle de bal, vide et silencieuse. Elle ne trouvait pas le sommeil. Maudit soit son époux, même s’il avait raison ; l'anxiété la rongeait. Être seule au centre de cette vaste salle offrait quelque chose de magique. Elle profitait de la quiétude et de la fraîcheur de l’endroit, imaginant les histoires qui marqueraient cette soirée. Dans le coin droit, elle voyait déjà Karzale et Célestin en train de discuter autour d’un verre. Près de la cheminée, messire de Mainzanet captivait les demoiselles de son charisme naturel, tandis que dame Clématis et dame Hauterive prenaient place à l’une des grandes tables. Et là, sur la scène, elle se voyait chanter pour la première partie de la soirée, avant que Lucien n'attende son moment pour faire son grand discours.
On attendait beaucoup plus d'invités pour cette édition, ce qui l'avait poussée à redoubler d'efforts, à ne négliger aucun détail. Son anxiété ne faisait qu’augmenter, car tout était en jeu pour sa réputation, et la Gazette ne lui ferait certainement pas de cadeau, tout comme Dame Nation.
"Votre Grâce," prononça une voix familière, une voix qu’elle n’avait pas entendue depuis son retour du Nouveau Continent.
"... Dorian."
Ses rêveries avaient masqué les pas du métis, qui, voyant sa meilleure amie se retourner, s'élança vers elle pour la prendre dans ses bras comme jamais auparavant. Surprise, il y eut un long silence, avant qu'elle ne renferme ses bras autour de lui dans une étreinte chaleureuse pour celui qui se mit à trembler sous l'éclat d'un sanglot silencieux.
On attendait beaucoup plus d'invités pour cette édition, ce qui l'avait poussée à redoubler d'efforts, à ne négliger aucun détail. Son anxiété ne faisait qu’augmenter, car tout était en jeu pour sa réputation, et la Gazette ne lui ferait certainement pas de cadeau, tout comme Dame Nation.
"Votre Grâce," prononça une voix familière, une voix qu’elle n’avait pas entendue depuis son retour du Nouveau Continent.
"... Dorian."
Ses rêveries avaient masqué les pas du métis, qui, voyant sa meilleure amie se retourner, s'élança vers elle pour la prendre dans ses bras comme jamais auparavant. Surprise, il y eut un long silence, avant qu'elle ne renferme ses bras autour de lui dans une étreinte chaleureuse pour celui qui se mit à trembler sous l'éclat d'un sanglot silencieux.
Pas un mot ne fut prononcé, pas dans les premières minutes. Elle le laissa pleurer pendant quelques instants, le sentant remercier Halone pour la seconde chance qu'elle ait pu lui laisser pour la revoir, elle. Son âme-sœur. Celle avec qui son âme ne peut exister sans que la sienne existe également. Leur destin lié, Lenore ne pouvait plus l'ignorer. Ses prières avaient été entendus. Il posa finalement son front contre le sien, les yeux larmoyant et les mains lui tenant l'épaule et l'arrière de la tête dans un geste doux. "Tu m'avais tellement manqué... - Moi aussi Dorian... Moi aussi." Tant de questions restaient en suspens sur sa prétendue renaissance, mais pour ce soir, elle se contenterait de lui et seulement lui. Pleurant à chaudes larmes, elle voulait le traiter d'idiot, elle voulait lui en vouloir... mais pour quelles raisons, au fond ? Il était là, bien vivant, les mêmes souvenirs, la même personnalité, ne pouvait-elle pas seulement s'en contenter ? |
Loin des regards indiscrets, ils échangèrent longuement, partageant leurs rêves et leurs espoirs. Dorian lui accorda sa confiance, la laissant mener les vérifications qu’elle jugerait nécessaires pour s’assurer qu’il n’y avait rien de suspect. Mais cette nuit-là marqua un renouveau. Le Rossignol et Lady Lenore étaient prêts à chanter de nouveau, à résonner en harmonie. Le Chevalier Citrouille et la Dame de Givre avanceraient ensemble, comme autrefois, affrontant les obstacles main dans la main, bien que la "Dame de Givre" n’avait plus rien de glacé. Le temps et l’ouverture à de nouveaux horizons érodèrent la carapace de froideur qu’elle avait si longtemps portée. Ce retour de Dorian dans sa vie n’était pas anodin. Alors que l’automne enveloppait Eorzéa de ses couleurs fauves, pour Lenore, cela signifiait...
... la fin de l'hiver.
Lyssie
Il y a 1 mois et 3 semaines
Spoiler : cliquez pour afficher
Le bal avait battu son plein jusque tard dans la nuit. Ce n’est qu’au petit matin qu'on lui annonça que près de la moitié des invités avaient dansé jusqu'au levé du jour. Elle avait espéré accueillir autant de convives que lors du précédent bal de Valsonge -quatre-vingts, tout au plus- mais, contre toute attente, ils avaient été plus d'une centaine à répondre à l'invitation. De toute évidence, ce fut un franc succès, aussi bien pour la Maison du Loup Blanc que pour les partenaires ayant contribué à l’organisation.
"Les dernières banderoles ont été décrochées, madame. Nous avons terminé de tout ranger.
- Bien. Faites appel à un émissaire, j’ai plusieurs courriers à faire transmettre.
- Tout de suite, madame."
Tandis que Martine quitta le bureau de la vicomtesse, Lenore rangea dans des enveloppes les lettres de remerciements destinées à l'Akanthai et la Compagnie de l'Aigle. Sans eux, la soirée n'aurait jamais connu pareille réussite, ni cette qualité que les convives avaient unanimement louée dans le livre d'or qu'elle avait parcouru ce matin, un sourire satisfait aux lèvres. Et puis, il y avait tous les autres. Derek s’était assuré que la sécurité opère avec une vigilance accrue au vu des menaces pesant toujours sur leur famille. Ce matin-là, elle l’avait trouvé fredonnant dans son bain. Anaëlle, qui l’avait aidée à superviser le début de la soirée, rêvait déjà d'organiser un bal aussi prestigieux pour le prochain tournoi, espérant que les joutes chocoboesques prévues cet hiver se déroulent sans encombre. Quant au Kohaku Orchestra, quelle joie d’avoir chanté au côté d'un orchestre de cette envergure ! Le public avait été envoûté, et pendant ces quelques minutes sur scène, elle s’était sentie entière à nouveau. Jamais elle ne pourrait oublier cette sensation.
"Madame, vous m’avez demandée ?"
La voix de l’émissaire la tira de ses pensées. Il s'agissait d’un jeune élezen dans la vingtaine dont le nez, les joues, et les pointes de ses longues oreilles étaient rougis par le froid. Il arborait fièrement l’insigne de Riverhood sur ses gants.
"Apportez ces lettres à leurs destinataires avant la fin de journée.
- Fort bien, madame." acquiesça-t-il en s'inclinant.
Alors qu’elle lui remettait les deux missives, une troisième enveloppe, restée sur le coin du bureau, attira son regard. Elle avait failli l'oublier.
"Remettez également celle-ci," ajouta-t-elle en la tendant au messager.
L’élezen haussa légèrement les sourcils en apercevant le nom du destinataire : Conrad Valdis. Il n’avait aucun lien avec le bal, ni même avec l’organisation de la soirée. Son air perplexe n’échappa pas à Lenore, mais elle ne le relèva pas. Ce n’était pas à lui qu’elle voulait s’adresser réellement. L'héritière détenait des informations sensibles sur la directrice des Anges Pourpres, et si Conrad n’avait rien à voir avec la soirée, cette Laurelieu, en revanche, avait retenu l'attention de la sécurité tout au long de la soirée. Et par extension, la sienne également.
"Les dernières banderoles ont été décrochées, madame. Nous avons terminé de tout ranger.
- Bien. Faites appel à un émissaire, j’ai plusieurs courriers à faire transmettre.
- Tout de suite, madame."
Tandis que Martine quitta le bureau de la vicomtesse, Lenore rangea dans des enveloppes les lettres de remerciements destinées à l'Akanthai et la Compagnie de l'Aigle. Sans eux, la soirée n'aurait jamais connu pareille réussite, ni cette qualité que les convives avaient unanimement louée dans le livre d'or qu'elle avait parcouru ce matin, un sourire satisfait aux lèvres. Et puis, il y avait tous les autres. Derek s’était assuré que la sécurité opère avec une vigilance accrue au vu des menaces pesant toujours sur leur famille. Ce matin-là, elle l’avait trouvé fredonnant dans son bain. Anaëlle, qui l’avait aidée à superviser le début de la soirée, rêvait déjà d'organiser un bal aussi prestigieux pour le prochain tournoi, espérant que les joutes chocoboesques prévues cet hiver se déroulent sans encombre. Quant au Kohaku Orchestra, quelle joie d’avoir chanté au côté d'un orchestre de cette envergure ! Le public avait été envoûté, et pendant ces quelques minutes sur scène, elle s’était sentie entière à nouveau. Jamais elle ne pourrait oublier cette sensation.
"Madame, vous m’avez demandée ?"
La voix de l’émissaire la tira de ses pensées. Il s'agissait d’un jeune élezen dans la vingtaine dont le nez, les joues, et les pointes de ses longues oreilles étaient rougis par le froid. Il arborait fièrement l’insigne de Riverhood sur ses gants.
"Apportez ces lettres à leurs destinataires avant la fin de journée.
- Fort bien, madame." acquiesça-t-il en s'inclinant.
Alors qu’elle lui remettait les deux missives, une troisième enveloppe, restée sur le coin du bureau, attira son regard. Elle avait failli l'oublier.
"Remettez également celle-ci," ajouta-t-elle en la tendant au messager.
L’élezen haussa légèrement les sourcils en apercevant le nom du destinataire : Conrad Valdis. Il n’avait aucun lien avec le bal, ni même avec l’organisation de la soirée. Son air perplexe n’échappa pas à Lenore, mais elle ne le relèva pas. Ce n’était pas à lui qu’elle voulait s’adresser réellement. L'héritière détenait des informations sensibles sur la directrice des Anges Pourpres, et si Conrad n’avait rien à voir avec la soirée, cette Laurelieu, en revanche, avait retenu l'attention de la sécurité tout au long de la soirée. Et par extension, la sienne également.
Dame Nation, la Gazette, le Vagabond Soyeux... Depuis la fin du tournoi de Halone, les journaux et la presse à scandales s'en donnaient à cœur joie dans leurs parutions mensuelles, ce qui se révélait fort divertissant. Lenore n'était pas de celles qui vibraient pour la moindre rumeur bien qu’elle appréciait rester informée, surtout des disparitions et événements étranges, dans l’éventualité où sa famille devrait intervenir pour des raisons paranormales. Peut-être était-ce l'engouement du dernier bal qui l’avait poussé à accorder plus d’attention aux sujets animant la Sainte Cité ces derniers temps. Entre l’esclandre des Kurusu, qui avaient encore une fois provoqué l’ire de toute une nation, ou le vainqueur du tournoi pour qui elle avait chanté, les nouvelles ne manquaient pas. La "peste" grandissant dans les bas quartiers de la Brouillasse retenait surtout son attention. Elle espérait voir cette menace écartée avant la Fête des Étoiles, bien que sa crainte s’apaisa un instant en lisant les premières actions du Temple pour contrer le fléau. Bien des histoires lui passaient au-dessus de la tête, surtout ces fables fantaisistes sur les amours interdits de la haute société qui avaient tant fait rire son époux. Qui donc avait pu s’ennuyer à ce point pour imaginer une liaison entre elle et son limier ? Ce qu’il ne fallait pas lire !
Lenore leva les yeux vers la grande place lorsque le fiacre s'arrêta au centre de l'Oeil du Loup. La neige avait laissé place à un soleil froid posé sur le village meurtri qui se remettait encore de l'attaque de spectres survenue la veille. Une lune déjà que les travaux avaient commencé, et les attaques ne faiblissaient pas.
"Maman, c'est quoi ?"
Du haut de ses trois ans, Alexander avait déjà la taille pour observer depuis la fenêtre les corps à moitié recouvert par la neige, rapidement imité par Victoria dont le front atteignît à peine la vitre. Anaëlle la rattrapa aussitôt pour la poser sur ses genoux et lui brosser les cheveux. Elle ne devait pas voir cela, pas plus qu'Alexander, bien que son regard ne fut pas voilé par sa mère.
"Ton peuple en souffrance, petit louveteau. Il y en aura d'autres, mais aujourd'hui, il pleure."
Le garçonnet ne comprenait qu'à moitié ses mots, mais juste assez pour que son regard s'endurcisse petit à petit.
"Des méchants.
- Des démons, mon fils. Ton peuple est entouré de démons et chaque nuit, ils leur font du mal. Mère et Père font tout pour que cela n'arrive jamais, mais c'est impossible. Il y a toujours des failles qui surgissent."
Elle parlait autant des failles du néant que des brèches dans leur sécurité, mais elle en avait déjà trop dit. Alexander, enfant précoce, comprenait beaucoup pour son âge, bien qu’il ne fût pas encore conscient du poids de son destin. Ce n'était pourtant pas tant lui qu'elle surveillait d’un œil, mais plutôt sa petite sœur, déjà captivée par les histoires qui l’entouraient. Et dans leur fief comme à la capitale, des histoires comme celles-ci ne manquaient pas. Ils avaient déjà entendu parlé des frasques des soeurs Valsonge, du mariage d'Anaëlle et de Laurence, et même de l'histoire de la guerre millénaire et de la chute du clergé au travers des livres à illustrations pour enfant qu'ils feuilletaient chaque soir avant de s'endormir. Mais de toutes les histoires, celles de leur propre village captivaient l'attention de l'aîné avec cette fascination naïve des enfants face à un jouet qu’ils ne se lassent jamais de regarder.
"Chaque chose en son temps. Tu auras tout le loisir de les rencontrer quand ce jour viendra.
- ... D'accord."
Le garçon hocha la tête avec sérieux avant de revenir s'asseoir à côté de sa mère, faisant face à Anaëlle et Victoria. Lenore sourit légèrement avant de poser sa main sur celle de son fils. Non loin de la statue d’Aleister de Riverhood, les ouvriers et les habitants continuaient de reconstruire les maisons et le mur qui ceinturait le village.
"Alexois, rentrons à la maison.
- Bien, madame." fit la voix étouffée du cocher qui tira sur les rennes pour faire avancer les chevaux.
De retour à la demeure familiale, Lenore délesta son sac à main, ainsi que son manteau et ses gants, aux domestiques avant de se diriger vers son bureau en cette fin de journée. Sur son bureau, une pile de lettres l’attendait déjà. Elle posa un regard attentif sur ces missives, tout en songeant aux réponses de la famille Priscus, de Vilauclaire, de Valdis, ou encore de la commandante Gelson.
Une semaine s’était écoulée depuis l’envoi de ses courriers, des réponses qui pourraient stabiliser son fief et assurer la protection de ses vassaux, alors que l’insécurité y atteignait des niveaux alarmants. Elle avait mobilisé les agents de la tour sur tous les fronts, autant à la capitale en quête d'informations sur cette prétendue vampire que sur Gévaudan pour scruter la moindre faille du néant, mais cela n'était pas suffisant.
Lenore leva les yeux vers la grande place lorsque le fiacre s'arrêta au centre de l'Oeil du Loup. La neige avait laissé place à un soleil froid posé sur le village meurtri qui se remettait encore de l'attaque de spectres survenue la veille. Une lune déjà que les travaux avaient commencé, et les attaques ne faiblissaient pas.
"Maman, c'est quoi ?"
Du haut de ses trois ans, Alexander avait déjà la taille pour observer depuis la fenêtre les corps à moitié recouvert par la neige, rapidement imité par Victoria dont le front atteignît à peine la vitre. Anaëlle la rattrapa aussitôt pour la poser sur ses genoux et lui brosser les cheveux. Elle ne devait pas voir cela, pas plus qu'Alexander, bien que son regard ne fut pas voilé par sa mère.
"Ton peuple en souffrance, petit louveteau. Il y en aura d'autres, mais aujourd'hui, il pleure."
Le garçonnet ne comprenait qu'à moitié ses mots, mais juste assez pour que son regard s'endurcisse petit à petit.
"Des méchants.
- Des démons, mon fils. Ton peuple est entouré de démons et chaque nuit, ils leur font du mal. Mère et Père font tout pour que cela n'arrive jamais, mais c'est impossible. Il y a toujours des failles qui surgissent."
Elle parlait autant des failles du néant que des brèches dans leur sécurité, mais elle en avait déjà trop dit. Alexander, enfant précoce, comprenait beaucoup pour son âge, bien qu’il ne fût pas encore conscient du poids de son destin. Ce n'était pourtant pas tant lui qu'elle surveillait d’un œil, mais plutôt sa petite sœur, déjà captivée par les histoires qui l’entouraient. Et dans leur fief comme à la capitale, des histoires comme celles-ci ne manquaient pas. Ils avaient déjà entendu parlé des frasques des soeurs Valsonge, du mariage d'Anaëlle et de Laurence, et même de l'histoire de la guerre millénaire et de la chute du clergé au travers des livres à illustrations pour enfant qu'ils feuilletaient chaque soir avant de s'endormir. Mais de toutes les histoires, celles de leur propre village captivaient l'attention de l'aîné avec cette fascination naïve des enfants face à un jouet qu’ils ne se lassent jamais de regarder.
"Chaque chose en son temps. Tu auras tout le loisir de les rencontrer quand ce jour viendra.
- ... D'accord."
Le garçon hocha la tête avec sérieux avant de revenir s'asseoir à côté de sa mère, faisant face à Anaëlle et Victoria. Lenore sourit légèrement avant de poser sa main sur celle de son fils. Non loin de la statue d’Aleister de Riverhood, les ouvriers et les habitants continuaient de reconstruire les maisons et le mur qui ceinturait le village.
"Alexois, rentrons à la maison.
- Bien, madame." fit la voix étouffée du cocher qui tira sur les rennes pour faire avancer les chevaux.
De retour à la demeure familiale, Lenore délesta son sac à main, ainsi que son manteau et ses gants, aux domestiques avant de se diriger vers son bureau en cette fin de journée. Sur son bureau, une pile de lettres l’attendait déjà. Elle posa un regard attentif sur ces missives, tout en songeant aux réponses de la famille Priscus, de Vilauclaire, de Valdis, ou encore de la commandante Gelson.
Une semaine s’était écoulée depuis l’envoi de ses courriers, des réponses qui pourraient stabiliser son fief et assurer la protection de ses vassaux, alors que l’insécurité y atteignait des niveaux alarmants. Elle avait mobilisé les agents de la tour sur tous les fronts, autant à la capitale en quête d'informations sur cette prétendue vampire que sur Gévaudan pour scruter la moindre faille du néant, mais cela n'était pas suffisant.
Bientôt, elle devrait se rendre elle-même sur le terrain.