Lyssie Il y a 3 mois et 3 semaines
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Les premières brises de l’automne sillaient les allées couvertes de neiges dans la Sainte Cité. À Ishgard, la vie suivait son cours, mais chaque jour, chaque lune, la ville retrouvait un peu plus de sa splendeur d’antan grâce aux efforts des nobles, des roturiers et des aventuriers. Ce n’était pas pour déplaire à Lenore qui observait depuis son grand balcon son évolution. Sept lunes déjà qu’elle avait déplacé la plupart de ses affaires de sa villégiature de Brumée à son domaine principal, elle n’avait pas vu le temps passé.
Depuis qu’elle avait quitté l’Académie de Magie de Sharlayan, elle n’avait eu de cesse de préparer son retour à Ishgard avec sa famille, sa dame de compagnie toujours aussi exemplaire et dévouée ainsi que son nouvel allié, messire Foresther. Elle passait de longues heures matinales au Conservatoire avec Anaëlle à travailler sa voix et son lyrisme, son regard se perdant par moment en direction de la fenêtre ; l’après-midi elle se consacrait à la gestion de la Rose des Vents qui pouvait jouir de nouvelles opportunités à ne plus savoir quoi en faire quand ce n’était pas les premières esquisses de ses plans au sein de la vie ishgardaise ; il n’y avait réellement que le soir où elle pouvait retrouver mari et enfants dont le regard fatigué trahissait des journées bien remplies. Alexander avait déjà entamé sa toute première rentrée la lune précédente et au vu des premiers résultats, Derek pouvait déjà être fier d’avoir élevé un fils aussi doué si l’on se référait au classement au sein du scolasticat. Lenore souffla un léger rire, déviant son regard du balcon au miroir de sa coiffeuse.
"Maîtresse se perd dans ses pensées ?
- Je repense à ces dernières lunes."

Anaëlle se trouvait debout derrière elle, coiffant minutieusement les longs cheveux de Lenore avec une brosse à cheveux en poils de sanglier. Victoria n’était jamais loin, sagement en train d’essayer d’attraper les oiseaux tournant au-dessus de son berceau sous l’attention bienveillante des gouvernantes. Sans son frère dans les parages, son « repère » n’était plus et il avait fallu redoubler d’efforts pour contenir ce poupon déjà bien énergique.
Face à Lenore, les documents financiers de la Rose et les journaux éorzéens captaient de nouveau son intérêt maintenant qu’elle pouvait profiter d’un peu de temps pour elle.
"Je ne vous ai pas encore avertie, Maîtresse, mais nous devons préparer une rencontre pour bientôt. Il nous faudra prochainement rencontrer un baron.
- Un baron ?
- Ruuj et Maëlle sont à la recherche de certaines légendes. Il existerait un vallon surplombé par une région aérienne. L'explorateur HautCastel aurait atteint cet Eden."

Cela ne pouvait pas mieux tomber. À ses yeux, la présence de cette famille sur l’archipel de Norvente pourrait s’avérer être une mine d’or autant pour la Rose des Vents et sa volonté à découvrir le monde depuis que l’équilibre y a été rétabli, que pour les Riverhood s’ils voulaient gagner du terrain politique. C’était sans compter sur la curiosité et cette envie de déceler les secrets de Ruuj avec cette mystérieuse légende de la Princesse tombée du ciel qu’ils pourront bientôt jouir de cette opportunité.
"Très bien. Que sais-tu de cette famille ?
- La mesnie est loyale, relativement discrète. Leur devoir l'impose, après tout. L'héritier m'apprécie et nos intentions concernant l'archipel volant ne sont pas mauvaises donc, à ses dires, nous pourrions avec quelques bons arguments obtenir un passe-droit. Les arguments en question seraient bons à préparer, j'ai listé quelques notes au sujet de leur famille, nous pourrons la survoler ensemble.
- L’héritier t’apprécie ?
questionna Lenore en tournant son regard inflexible par-dessus son épaule. Anaëlle rougit.
- Son éminence a bien entendu. Mais n'allez pas croire surtout que vous me vendrez pour une paire d'îles volantes et des secrets millénaires !
- C’est pourtant tentant."

Lenore n’était pas connue pour son humour, pourtant Anaëlle ne réprima pas son rire. Il faut dire qu’après autant de temps passé à ses côtés au cœur d’Eorzéa, sa jeune suivante n’avait encore jamais connu de "saison" ; une chose que Lenore avait toujours condamné.
"Vous savez que je l'accepterais si vous me le demandez.
- Il me faut d'abord voir le gentilhomme. Jamais je ne te donnerai au premier venu."


Après une heure à coiffer les longs cheveux de sa maîtresse, Anaëlle se tourna vers l’immense garde-robe de cette dernière pour lui préparer sa tenue du jour. Lenore ne fit pas attention à son image dans le reflet du miroir, trop occupée à relire ses écrits et ses chiffres. Ni une, ni deux, elle se releva de son siège, le parchemin enroulé et scellé d’un nœud rouge, pour l’apposer sur son bureau avant de se tenir debout face à son grand miroir. D’un geste lent, Anaëlle présenta la robe préférée de sa maîtresse, prête à être portée. Tout en serrant sa poitrine dans le corset noirâtre d’un geste ritualisé, lent et précis, elle ne put s’empêcher de croiser le regard ferme et ambitieux de Lenore.
"Quelles prétentions avez-vous pour les prochaines lunes, Maîtresse ?
- Dans un an, je me vois entrer dans la Chambre des Nobles. Cela veut dire préparer mon retour ici, préparer des événements spéciaux, des bals, préparer les vraies saisons. Par la même occasion, cela veut dire que je devrais m'écarter du terrain de la compagnie. De toute évidence, la compagnie a besoin d'un renouveau certain. Il me faut simplement choisir la direction du cap.
- Il pourrait être judicieux pour vous de vous écarter de sa direction directe, tout en restant son mécène et son membre. Vos affaires ne pâtiront pas de vos absences si elles sont ponctuelles."

Lenore souffla du nez, tandis qu’Anaëlle lui enfilait jupons après jupons.
"C'est ce à quoi je pensais. Je peux en rester la "présidente", mais le terrain doit être entre les mains d'une autre personne.
- Si cela vous permet de mieux gérer les affaires de la mesnie, je ne pense pas que nos compagnons s'y opposeront. Qu'en dit monsieur de Riverhood ?
- Je pense que cela ne changera pas pour lui s'il reste le second et, surtout, le trésorier."

La simple idée que Derek quitte un poste aussi adéquat avec ses compétences aurait pu presque la faire rire. Presque.
"Je pense surtout à toi. Que comptes-tu faire ? Je te sais aventurière dans l'âme.
- J'aimerai explorer le nouveau monde. Mais toutes les missions de la compagnie ne sont pas faites pour moi."

Tout en lissant les pans du dernier jupon, elle lui expliqua ses rêves, ses craintes et ses envies. Anaëlle, depuis qu’elle marchait aux côtés de sa maîtresse, profitait d’une vie de rêve au cœur d’Eorzéa. Elle avait pris goût aux voyages, aux découvertes, mais surtout aux mystères qu’elle découvrait chaque jour aux côtés de ses compagnons de la Rose. Néanmoins, elle avait également appris ses limites ; certaines missions trop dangereuses n’étaient pas faites pour elle. Elle était faite pour découvrir les merveilles du monde, pas combattre.
En l’écoutant, Lenore savait pertinemment qu’elle prenait la bonne décision de faire évoluer la Rose dans ce sens, peut-être même Victoria le savait elle aussi si l’on en croyait ses balbutiements qui attira sans plus tarder sa mère, judicieusement suivie d’Anaëlle qui laça le nœud dans son dos. Elle saisit avec douceur Victoria dans ses bras, la berçant devant la grande fenêtre du balcon. Au vu de la hauteur du soleil, il devait être dix heures du matin désormais.
"De toute évidence, l'équilibre a été rétabli depuis la fin de l'apocalypse et nous avons aidé à relancer l’économie des habitants d’Ori, de Tut’raa et de Myrendhil grâce à nos arches."
Quand sa fille fut endormie, Lenore s’approcha du grand berceau rempli de coussins et de peluches, cadeau des proches et des rares amis qu’elle possédait. Elle la déposa avec délicatesse pour la border ensuite, sous le regard attendri des gouvernantes et de sa suivante qui rassemblait leurs affaires. Elle embrassa le front de Victoria et lui caressa ses cheveux d’or.
"Nul besoin de rester les défenseurs d'une cause depuis longtemps gagnée."
D’un signe de tête vers les gouvernantes, celles-ci prirent le relais. Anaëlle suivit de près Lenore qui quitta la demeure, ajustant ses gants en soie blanc.


Debout devant les grandes portes du conservatoire, sous l’ombrelle blanche tenue par Anaëlle et protégée de deux chevaliers, Lenore gonfla sa poitrine d’air. Une nouvelle journée commençait, comme un nouveau chapitre dans son histoire. Comme une pensée fugace portée par le vent, elle entendit la voix de Dorian lui susurrer quelques mots.

"Vous êtes Ishgard."
Lyssie Il y a 3 mois et 3 semaines
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"Je me dis que vous non plus, je ne peux avoir votre main. Vous êtes mariée." fit Lucien en riant légèrement.
Dans les hauteurs d'Empyrée, il était plus simple d'observer la beauté du quartier résidentiel qui, il y avait tout juste deux ans, n'était qu'un ramassis de ruines. Sir Hautchemin l'avait trouvée songeuse face à ce tableau magnifique, mais pour le futur baron, c'était une autre beauté qui l'avait envoûté.
"Je doute être désirable, voyons, messire.
- Vous l'êtes, Lenore. De mon point de vue en tout cas et en tout respect que j'ai pour vous, mais je me limiterais à ça."

Ce qui faisait le charme de la noblesse ishgardaise résidait naturellement dans les confessions faites à demi-mot d'un gentilhomme envers une dame. Le romantisme à l'état pur faisait frémir les jeunes demoiselles en recherche de passion et d'amour et il fut un temps où Lenore en était friande elle aussi. Ils laissèrent planer un flottement, le vent soulevant la pélicule de neige amassée sur le muret en face d'eux. Ses avœux n'étaient pas sans lui rappeler ceux de Dorian, un au auparavant.

"Je vous aime !"

La vicomtesse ferma les yeux, son visage demeurant de marbre. D'une manière ou d'une autre, elle savait que sa beauté faisait tourner les têtes, que ce soit dans son maintien, sa grâce, ses idées ou son tempérament, si ce n'était pas tout cela en même temps. Derek le savait pertinemment également, ce n'était pas pour rien qu'il la mettait autant en avant. Elle finit par lui faire face, ne déviant pas le regard.
"Vous aimez jouer avec le feu.
- Jusqu'à maintenant je ne me suis pas brûlé, je sais où je dois m'arrêter."

Malgré tout, elle voulait saluer ce saut de l'ange, combien d'hommes osaient faire le grand plongeon ? Mais elle refusa ses avances en le remerciant, la main posée sur son cœur, le visage marqué par une déférence humble et mesuré. La dame était un exemple de fidélité et son cœur n'appartenait qu'à un seul homme, ce n'était pas bien étonnant. Il y répondit avec tout autant d'élégance, son humilité se mêlait à sa passion dans son regard.

Ils discutèrent un long moment en haut de ce promontoire, tandis qu'on installait petit à petit les décorations de la Fête des Étoiles à venir en contrebas. L'élezen s'était intéressé à son rêve, ses ambitions de faire partie de la Chambre des Nobles, il se portait même volontaire à l'assister dans ce voyage non sans obstable compte-tenu de son ethnie. Elle avait beau être vicomtesse et le pays avait beau s'ouvrir aux étrangers, les disparités et les différends entre élezens et hyurois demeuraient présents dans la caste nobliaire. Mais Lenore était prête à y faire face ; ce n'était pas le premier obstacle qu'elle braverait et cela ne sera ni le dernier. La dame avait de l'ambition, par pour une histoire de pouvoir, mais elle était connue pour être une visionnaire et depuis la fin de la guerre millénaire ainsi que de l'apocalypse, plusieurs questions géopolitiques restaient en attente, à commencer par la démographie ishgardaise qui allait pâtir de cette paix. La guerre apportait des problèmes, mais la paix n'en était pas exempte.
"Vu que nous avons des intérêts en commun pour notre nation, peut-être que nous pouvons envisager une sorte d'alliance." avait-il déclaré, aussi sérieux que sincère. Aux yeux de Lenore, Lucien comptait parmi le peu d'amis qu'elle avait. Dans un commun accord, ils se verraient dans les jours à venir pour convenir des termes de l'alliance, l'élezen stipulant bien à la dame dans un rire qu'il ne voudrait pas sceller cette alliance par un mariage. Cela avait réussi à arracher un léger rire de la vicomtesse.


La foule en délire sembla la ramener des années en arrière lorsqu'Ishgard était friande de ce type d'événements. Maintenant qu'ils étaient en paix, tournois et bals reprenaient de plus bel à la Sainte Cité, si bien que l'ouverture aux étrangers voyaient le public se parsemer d'ethnies haut en couleur. Et parmi ce tableau, elle ne pouvait en être que plus satisfaite. Elle avait salué quelques amis et autres personnes qu'elle estimait, certains vinrent la voir pour lui offrir leurs respects. Mademoiselle de Galland, plus précisément, l'avait un tant soit peu éclipsée des siens pour lui dire qu'elle avait été la première personne à lui venir en tête lorsqu'elle cherchait une personne de grâce et d'éducation pour le majordome qu'elle souhaitait lui donner.
"Je sais que vous n'en ferez pas un trophée, vous."
C'était une belle soirée, la meilleure ces derniers jours, elle reflétait toute la beauté d'Ishgard. Le visage inflexible qu'elle affichait ne parvenait pas à dissimuler l'étincelle de fierté pour celle qui avait œuvré à une Ishgard plus ouverte. Les siens hurlaient leurs encouragements à Lucien "le pâtissier", ses alliés les Loups les avaient rejoint avec le même état d'esprit, Derek qui restait un uldien malgré tout était venu l'accompagner et semblait apprécier la joute, le sourire aux lèvres. Même Akira, venu la saluer comme si rien ne s'était passé, n'avait su gâcher la fête lorsqu'elle l'ignora et passa devant lui. Non, pas même un névrosé qui faisait honte à sa femme, qui valait bien mieux que ça à ses yeux, n'aurait su le faire.

Dans le fiacre avec sa dame de compagnie, Derek et son "gardien" Delavigne, tout était soudainement plus calme. Les lumières chatoyantes de la Sainte Cité s'engouffraient à tour de rôle dans l'habitacle, la neige tapaient doucement contre les fenêtres. Si Derek et Laurence retraçaient les combats de la soirée avec enthousiasme, les petits regards d'Anaëlle vers le chevalier Delavigne la trahissait auprès de Lenore qui se contenta d'observer sans rien dire.

"La saison arrive plus tôt que prévu" pensa-t-elle.
Lyssie Il y a 3 mois et 2 semaines
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La neige tombait lentement en continu sur les toits des différents manoirs de la Sainte Cité tandis que Lenore regardait Victoria jouer avec son grand frère au travers de la fenêtre. Jouer était un bien grand mot, à deux ans à peine la petite fille se contentait de rire lorsqu’Alexander, aussi expressif qu’une cuillère en bois, se prenait en pleine tête la neige qu’elle lui lançait. Deux ans déjà… Le temps semblait lui glisser entre les mains.
Tant de choses se succédaient, voilà qu’elle profitait d’un peu de sérénité. Elle avait répondu à l’enquête de messire Delavigne qui mettait tout en œuvre pour laver son nom des griffes de la famille Gavreau. La récente “altercation” avec les Valsonge l’avait aussi rendue nerveuse. Toute cette agitation pour des menaces en l’air qui avaient même poussé l’Escadron de l’Aube à s’en mêler jusqu’à braver leurs droits d’exercer, mais ce qui l’importunait était tout autre ; que venaient faire ces chiens à la capitale ? Même Derek avait su trouver cela bizarre.
“Quelle est cette histoire de Valsonge, Lenore ?”
Après des années dans l’ombre, il avait fallu qu’ils sortent de leur niche. Elle s’était tellement habituée à les contenir en dehors de la ville qu’elle en avait oublié la colère que cela lui provoque lorsqu’ils sillonnaient les pavés de pierre de la haute société. Rustres, impatients, ils avaient tout d’une famille de roturiers à qui on avait donné un titre et elle aurait volontiers souhaité qu’ils restent dans leur coin. Leur retour sur la scène politique ne signifiait rien de bon pour Lenore, cette famille pathétique et irresponsable ne méritait, à ses yeux, aucune empathie, ni seconde chance, pour l’affront qu’ils avaient commis. En y pensant, elle ne se rendit pas compte qu’elle tremblait de la main droite à force de serrer l’accoudoir. Il faut dire que bien qu’ils s’agissaient de ses vassaux, leur histoire avec les Riverhood ne brillait plus depuis quelques générations.

“Maîtresse ?”
La voix d’Anaëlle l’interrompit dans ses pensées. Anaëlle tenait un violon, la mine inquiète.
“Nous devions répéter… Vous souvenez-vous ?
- Oh, c’est vrai… Allons-y.”

Son regard se porta une dernière fois sur ses enfants sous la surveillance d’Adeline, une gouvernante, avant qu’elle ne se lève pour se diriger vers le salon à musique du manoir Riverhood, par habitude plus que volonté quand son esprit, troublé, n’arrivait à faire le vide. Cruelle ironie pour une femme qui a toujours su faire preuve d’une inflexibilité immuable.

Les lourds rideaux en velours tirés laissaient pénétrer la lumière naturelle dans la pièce, illuminant le piano posé au centre de la pièce. Lenore s’assit devant lui, les mains glissant sur le clavier tandis qu’Anaëlle se tint à ses côtés, violon sur l’épaule, son regard trahissant une certaine inquiétude qu’elle voila d’un léger sourire.
Et elles jouaient. Les deux femmes en symbiose laissaient parler leur musique et mêlaient instruments et voix pour ne faire qu’un. Depuis que messire Delacroix et son acolyte Alberick les avaient invité à se produire sur scène en duo, Lenore n’avait eu de cesse de travailler de concert avec Anaëlle pour composer plusieurs morceaux qui reflétaient leur essence et qui les correspondaient. Il faut dire que Lady Lenore avait levé le pied depuis un an et avait priorisé les récitals privés ; ce spectacle serait un moyen pour elle de revenir sur le devant de la scène, un beau retour en musique comme elle les aimait. Alors elle y mettait du sien, elle chantait avec une grande justesse leurs nouvelles compositions, exerçant sa voix comme elle l’aurait fait devant tout un public. Le public… Il ne l’avait pas oublié. Elle recevait encore nombre de lettres d’admirateurs quand ce n’était pas directement de vive voix qu’elle recevait des compliments, comme cet élézen bègue ou encore Lucien lui-même. Rien qu’à cette pensée, elle se sentit plus légère et plus à l’aise, comme portée par la joie de retrouver une scène qu’elle n’avait jamais voulu quitter. Pour beaucoup, Lenore était faite pour mourir sur scène. Ils n’avaient peut-être pas tort.

L’après-midi passa en musique. Lorsque la dix-huitième cloche sonna, ce fut la venue d’Eloise qui les coupa dans leur dernier élan ; elles devaient encore passer chez la modiste pour la commande de leurs nouvelles robes. Plus les lunes passèrent, plus elles ressemblaient à de véritables sœurs qui se partageaient leur garde-robe. De toute évidence, leur symbiose en musique reflétait bien leur lien indescriptible de vicomtesse à dame de compagnie.
"Par ailleurs, madame, fit Eloise, vous avez reçu une missive de madame Kikyo Kurusu."

De tous les noms, jamais elle ne s'attendait à entendre celui-ci.
Lyssie Il y a 1 semaine et 6 jours
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La vingt-troisième cloche fit sonner les carillons dans un bruit mélodieux et clair. Sur la table de la salle à manger, la dinde cuite fumait encore aux côtés des patates sautées qui baignaient doucement dans une sauce légère. Presque personne n'avait touché son assiette, pas même Lenore qui fixait avec une intransigeance sans pareille le commissaire Maltais en face d'elle.
"Ne jouez pas avec les mots avec moi, madame, fit-il d'un ton suspect. Votre réputation est celle d'une inquisitrice qui tranche dans le vif, pèse ses mots et ne parle que peu, si ce n'est jamais, sur des bases de rumeurs. Êtes-vous cette femme ?
- Je suis bien cette femme. Ainsi, j'ai dit ce que j'avais à dire."

Le commissaire marqua un temps, assez pour poser sa propre réflexion tandis que la tension demeurait palpable dans la pièce sous les regards interdit d'Elias et de Laurence. Ce n'était pas un mythe : lorsque la dame parlait, ce n'était jamais pour rien. Jamais dans sa vie elle ne s'était abaissée au rang de ces petites dindes qui prenaient un malin plaisir à alimenter des racontars et ce n'était pas aujourd'hui que cela commencerait. Seluna était d'une nature frivole depuis toujours allant jusqu'à saboter ses propres fiançailles avec messire de Mainzanet. La proximité que messire de Vallière avec sa famille, et la manière dont Seluna lui avait raconté cette proximité, ne laissait place à aucun doute. Il y avait eu quelque chose entre eux, c'était simplement une question du bon sens.
"Mh. Soit. Je prendrai contact avec mademoiselle de Valsonge et la questionnerai sur la nature de sa relation avec messire de Vallière. S'il s'avère que vos propos soient justes, je veillerai à l'écarter de l'affaire."
Ce jeu de regard prit fin lorsque le commissaire prit son vin entre ses mains, faisant retomber la pression insoutenable. Lenore demeura de marbre, son esprit analysant toute la scène sans jamais sourciller ni montrer autre chose que du contrôle. Un faux pas et il pourrait encore une fois l'accuser de vouloir saboter l'affaire Riverhood-Valsonge, une enquête qu'elle cherchait elle-même à résoudre ! Que ne fallait-il pas entendre... D'ordinaire la dame n'était pas suspicieuse des agents de la justice, mais cette fois-ci l'image que lui renvoyait le commissaire ne lui inspirait que méfiance. Il savait des choses qu'il n'était pas censé savoir et elle allait le prouver ici et maintenant.
"Permettez-moi de rendre clair quelque chose ici, messires, madame, déclara le commissaire. Vous êtes peut-être de la noblesse, mais n'êtes aucunement décisionnaire. Bien au contraire, la famille Riverhood est visée directement d'une enquête, aussi jamais votre avis ne vous sera demandé. Ni sur l'expulsion de Vallière, bien que j'entende vos remarques, cette décision sera mienne."
Son regard lancinant se posa directement sur Lenore qui resta inflexible.
"Madame, si cette enquête mène à écraser l'ancien verdict à votre encontre, je m'assurerai personnellement que vous répondiez au nom de votre famille devant le tribunal. A l'inverse, j'en ferai de même avec messire de Valsonge. Mais n'oubliez pas qu'ici, les Riverhood sont visés et non appelés.
- Bien entendu. Cette rencontre visait à vous donner mon soutien quant à la réouverture de cette enquête."
répondit Lenore, la voix mesurée.
À sa droite, ce fut Laurence qui commençait à s'impatienter d'une telle tension environnante. Il délaissa sa fourchette pour élever sa voix.
"Nous ne comptions pas décider de quoi que ce soit. Nous sommes parfaitement aux faits des tenants et aboutissants de cette enquête. Simplement, d'aucun ne tolèrerait des personnes extérieures s'y mêlant et ayant déjà un parti pris ; vous comprenez aisément notre position, j'en suis certain. Ainsi, vous ferez convenablement votre travail d'enquête préalable sur ce messire, comme vous avez à coeur de faire le reste de cette enquête convenablement."
C'était sa chance, il fallait la saisir ! Lenore déposa à son tour sa serviette une fois s'être essuyée le coin des lèvres, déviant soudainement son attention du commissaire à son allié Delavigne.
"En effet. Par ailleurs, je suis ravie d'apprendre, messire Delavigne, que vous et Anaëlle aviez officialiser vos fiançailles auprès de vos familles respectives."
Le commissaire Maltais cligna des yeux, une sueur froide passant sur sa nuque. Il dévia son attention sur Laurence.
"Pour être tout à fait honnête madame, cela ne s'est pas encore produit. Nous en discutons et cela sera fait très prochainement, il va sans dire.
- Oh ? Eh bien,
dit-elle tout en tournant son attention sur le commissaire, vous êtes un commissaire particulièrement doué lorsqu'il s'agit de trouver des informations confidentielles et qui n'a jamais été prononcé nulle part."
L'assurance dont Lenore fit preuve était inégalée, plaçant l'élezen en échec. La veille, elle avait discuté avec sa dame de compagnie qui lui avait assuré qu'elle était la seule au courant de leurs promesses de fiançailles. Avec la confirmation de Laurence, elle avait désormais de quoi confronter l'étrange fixation du commissaire qui semblait faire à moitié ses devoirs.
"Je vous l'ai dit, madame. Les contacts jouent beaucoup dans les recherches.
- Il est donc étonnant que vous n'ayez pas fait de même pour messire de Vallière.
- Madame, je connais le penchant de messire pour les femmes. Je n'ai simplement pas eu connaissance de la potentielle relation avec mademoiselle de Valsonge. Une faute qui m'incombe, je vous le reconnais."

Il inclina de peu la tête sous la demande des convenances, assez pour satisfaire la vicomtesse qui ne chercha pas plus loin. Elle eut ce qu'elle voulait, montrer qu'il s'était lui-même rendu suspect dans cette affaire. Jamais elle ne l'oublierait, maintenant qu'ils étaient à quelques jours de la réouverture officielle de l'affaire.


Il était presque minuit lorsque Lenore faisait les cents pas devant la cheminée, son esprit travaillant comme jamais si l'on s'en référait à l'allure de sa marche et le maintien de ses mains qui ne cessaient de se frotter l'une contre l'autre. De quoi faire sourire Elias, amusé par ce qu'il voyait, debout en face de Laurence.
"N'allez pas endommager le pigment de votre chevelure avec tout ce stress, ma Dame.
- Il est étrange qu'il se soit aussi bien renseigné sur vous deux, messires, et non sur de Vallière."

De toute évidence, Lenore était tendue, cherchant mille moyens de trouver une solution ou une logique derrière autant de pouvoir chez cet homme de la justice. Ses suspicions avaient eu de quoi réveiller cette volonté de justice qui sommeillait en elle depuis longtemps.
"Ou soit, il possède un réseau d'informateurs, fit remarquer Laurence.
- Un réseau d'informateurs. S'il était si doué que ça, il aurait su bien plus de choses à mon sujet."
Elle s'arrêta en face du foyer où dansaient les dernières flammes. D'un regard par-dessus son épaule, elle observait longuement Elias qui s'attardait sur son collègue Delavigne, non sans se soucier de la méfiance qu'elle pouvait tout autant lui accorder. Avec la mort de son père dans un avenir proche, surtout si elle n'est pas naturelle, elle se demandait si elle pouvait véritablement compter sur lui.
Un soir comme un autre, dans la vie d'ishgardais.


Depuis l'entretien avec le commissaire, les journées passèrent lentement au sein du Repos du Loup qui voyait passer de nombreux déménageurs à l'emblème de la Sainte Cité. Armoire, commodes, lit simple de bonne facture, les rénovations ne se résumaient pas qu'au pavillon principal, mais s'étendaient également jusqu'aux salles annexes.
"Mettez cette commode en parallèle avec celle du fond.
- Allez les gars, on s’active."

Debout au milieu de la pièce qui accueillerait bientôt sa cousine de Valsonge, Lenore supervisait l’avancée de l’aménagement avec beaucoup d'intérêt. Seluna se reposait dans un des salons, accusant encore le coup de ses blessures insensées contre Warblade ; Derek passait l'entretien individuel d'Asa à la Rose des Vents et ses enfants jouaient gaiement dans les jardins sous la surveillance de Clothilde, de quoi lui laisser le temps de digérer les derniers événements, seule, au milieu des déménageurs qui allaient et venaient dans la future chambre.

Elle nageait entre deux eaux. Comme elle l'avait prédit, le retour des Valsonge à la capitale avait amené bien des problèmes à sa famille, à commencer par la rouverture de vieilles blessures : l'affaire Riverhood-Valsonge. Toute sa vie elle n'avait cherché qu'à connaître la vérité, mais cette fois-ci, c'était différent. Quelque chose, voire quelqu'un, tirait les ficelles derrière tout cette histoire, même derrière messire de Vallière qu'elle avait imaginé être le maître chanteur. À côté, leur arrivée rendait de plus en plus nerveux Elias qui s'évertuait à se dire intègre, mais la dame n'était pas dupe. Sa rancoeur et son désir de vengeance n'étaient autre qu'une autre bombe à retardement, elle le savait, elle l'avait déjà vécu. Forestain et Valsonge, toutes deux baronnies à l'ambition trop grande et elle, vicomtesse de Riverhood, observait cet échiquier au loin, attendant le moindre faux mouvement pour agir. Cette histoire avait au moins le mérite d'avoir repoussé les Gavreau.
Elle soupira en silence, son regard se perdant quelques instants sur les innombrables tissus de soie bleu et aux motifs de lys blanc. Cela n'était pas sans lui rappeler son ami Lucien qu'elle voyait de plus en plus souvent ces derniers temps, notamment pour discuter de la sécurité du prochain tournoi de Halone en unissant la Garde Blanche, sa milice, à la Garde Dorée de l'élezen lors des événements. Une première coopération depuis leur alliance officielle ; sans se rendre compte un faible sourire ornait ses lèvres à cette simple pensée. Le seul.

Lenore s'approcha des tissus pour les toucher d'une main, jaugeant leur qualité. Ce n'était pas pour Seluna, mais bien pour le pavillon qui avait retrouvé de sa splendeur en mélangeant habilement les couleurs de la Noscéa à celles de sa maisonnée. Pavillon qui, depuis quelques semaines désormais, voyaient passer de nombreux noms importants. Delavigne, Lacourteil, Hautchemin, Forestain, Bertin, Valsonge... Malgré tout, la dame avait toujours su bien s'entourer.


La pluie d'étoiles filantes dans le ciel noir accompagnait celle de la neige qui recouvrit petit à petit les pas de Lenore et d'Elias marchant au cœur de la capitale jusqu'à s'arrêter au niveau du banc de la fontaine proche de l'école d'astromancie. Il était tard et le regard creusé de Lenore témoignait d'une grande fatigue, mais pas assez pour ne pas profiter d'un peu d'air frais avant le coucher.

Elias lâcha le bras de la dame pour pousser délicatement la neige amassée sur le banc, préparant une place pour la vicomtesse qui n'attendit pas pour s'y asseoir, un soupir d'aise en guise de remerciements. Elias en fit de même et s'assit à côté d'elle.
"Des entretiens individuels, donc ? demanda-t-il, la voix enjouée.
- En vue d'une restructuration et d'un changement de cap pour la compagnie, il faut bien que j'écoute les miens pour connaître leurs avis, leurs envies et savoir si nous partageons toujours les mêmes rêves. Je ne veux pas leur priver de leur liberté."
Elias laissa échapper un léger rire, amusé par le choix de mots de son amie.
"Lenore, voyons. Vous dirigez cette compagnie depuis sa création, vous savez comme moi que l'on ne commande pas à coup de liberté. Vous donnez des ordres, c'est votre rôle d'Ordonnatrice, dit-il avant de marquer un temps. J'adhère aux idées proposées par Aiko depuis longtemps déjà, mais sans faire officiellement partie des rangs de la Rose, je n'étais pas légitime de m'exprimer."
Les pupilles de cristal de Lenore s'attardèrent un instant sur le pavé recouvert d'un manteau blanc alors que des bribes de sa conversation avec Aiko revinrent peupler son esprit. Cette raenne à la loyauté plus qu'admirable lui avait avoué être frustrée de voir que la dame n'usait de la Rose des Vents pour ses affaires et convictions personnelles, telle une véritable petite milice. Mais Lenore était formelle, elle n'aimait pas cette vision. Ce n'était pas sa milice, ni même une armée pour commencer.

Deux ans après l’apocalypse, la paix avait plongé la Rose et son quotidien dans une accalmie bien méritée. Ses enfants eux-mêmes avaient profité de leur mère bien plus souvent malgré une maladie passagère qui l’avait empêchée de poursuivre ses répétitions. Mais elle le savait, la nature humaine demandait toujours plus. La sienne pour commencer ; son attention se portait bien plus sur la cour ishgardaise et ses intrigues désormais. Ses devoirs ne faisaient que s'accumuler, entre les complots et les alliances, elle peinait à trouver du temps pour se focaliser sur la Rose et ses futures objectifs. Des objectifs qui avaient déjà su trouver leurs fins. Les arches s'étaient transformées en comptoirs de commerces maintenant qu'il n'y avait plus besoin de "casque bleu", les affaires marchaient comme sur des roulettes et cela ramenait assez d'argent à la Rose.
L'appel de l'Ouest se faisait de plus en plus fort parmi le domaine des aventuriers, à commencer par Kikyo qu'elle avait accepté de revoir au Dernier Rempart à Sharlayan. Malgré les différends entre les deux établissements, Kikyo lui avait proposé une collaboration somme toute intéressante et inattendue : l'aider à retrouver une cité engloutie proche du Nouveau Monde qui nécessitait également la présence de Lhei et de ses amis. Lenore lui en avait voulu pendant longtemps de l'avoir traitée comme si elle n'était personne à ses yeux, alors que la demi-raenne n'arrêtait pas de la considérer comme une amie. En pensant à Derek, elle se disait que les femmes aussi pouvaient être des idiotes lorsqu'il s'agissait d'amour. Mais depuis le temps, l'eau avait couler sous les ponts et jusqu'à ce qu'elles se rencontrent de nouveau, elle n'avait ressenti que de la pitié à son égard de la voir prisonnière d'un homme qui l'isolait plus qu'il ne l'aimait, à ses yeux du moins. Au fond, elle était contente de l'avoir revue et d'avoir fait la paix autant avec son cœur qu'avec elle.

Lenore et Elias parlèrent un long moment sur ce banc tout en contemplant les étoiles. L'avenir de la Rose se dessinait de plus en plus avec ses desseins ishgardais, elle en était tout aussi convaincue que lui. Elle repensa à cette période où il était à Garlemald, une période aussi stressante qu'enivrante pour ses propres ambitions. Avec ce changement de cap, nul doute qu'elle façonnerait une autre facette de sa compagnie, jusqu'à faire d'elle une pierre angulaire dans l'ouverture d'Ishgard envers les étrangers.

"Un bataillon d'exploration, alors..."

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