[Lenore] Tome III - La Dernière Voix

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Lyssie Il y a 10 mois et 1 jour


Alexander s'était enfin endormi dans son berceau, à l'abri de toute lumière désagréable. Sa mère avait quitté la Rose des Vents sitôt le concert de Farah de terminé avec son époux, discrètement. Ce n'était pas son habitude de partir aussi tôt lors des grandes animations de la taverne, mais il lui fallait s'assurer que son fils ne manque de rien, ainsi choyé par sa dame de compagnie qui avait préféré rester à l'écart de tout bruit pour une fois.
"Douce nuit, petit louveteau."
Lenore couva le front d'Alexander d'un doux baiser, le plus chaleureux qu'elle pouvait donner. Elle avait congédié Anaëlle, elle avait bien mérité un peu de repos après autant de travail. Aucun remord ne lui rongea le coeur lorsque son esprit divagua sur leur excursion à l'Oeil du Loup. Il n'y avait plus aucun doute, le don de sa suivante complétait le sien. Là où la Dame voyait un futur sinistre, Anaëlle le matérialisait presque à sa guise pour revivre les moments marquant des endroits chargés d'éther et d'émotions. Elle fut presque désolée de lui infliger un tel spectacle, rien de ce qu'elle avait dû voir n'avait dû être simple à digérer. Mais la cantatrice n'était plus connue pour sa douceur depuis longtemps aujourd'hui.


Rien n'y faisait, elle ne parvenait pas à trouver le sommeil. Elle quitta les bras de son époux pour descendre à la cuisine, le regard flou. Dehors brillait une nuit sans lune, tout était obscure et seuls les lampadaires limséens parsemaient les allées et les ruelles de Brumée. Elle se servit un grand verre d'eau pour se calmer et penser à autre chose. Il serait mentir de dire que l'implication de Derek dans le Pacte de la Vérité ne la travaillait pas. Quels liens pouvait-il avoir avec eux ?


"Je vais voir mes parents sous peu, ils ont intérêt à tout m'avouer."


Elle entendait encore le ton implacable et impétueux de son époux lui résonner en tête. Qu'importe le lien qu'il pouvait avoir, il était désormais dans le même bateau, qu'il le veuille ou non. Le tout était de savoir où allait-il les mener.
Soudainement, une lumière blanche et vive attira son attention, par-delà son jardin. Le verre à la main, elle se rapprocha de sa porte vitrée et plissa les yeux. On aurait dit un grand loup blanc, au pelage blanc mais elle ne parvint pas à déceler son regard. Personne ne pouvait le rater, et pourtant, plus elle le regardait, plus elle sentit sa vision se flouter. Drôle d'ironie qu'un loup aussi blanc, à l'image de l'animal totem de sa maison, apparaisse au beau milieu de la nuit.
Sans plus tarder, elle sortit de la résidence sans prendre la peine de se voiler d'un châle. Il lui fallait suivre ce loup qui, à peine était-elle sortie, ce dernier quitta son champ de vision au détour d'un tournant. Alors, le pas militaire et rythmé par un coeur battant, Lenore suivit sa trace. Le froid de la nuit ne lui mordit pas la peau, pas plus que le vent qui lui caressait les joues. A cette heure-ci, tout le monde dormait dans le quartier de Brumée, mais seule la cantatrice demeura pieds nus à poursuivre un loup blanc à l'aura floue qui ne cessait de lui échapper.
Un tournant, un mur, encore un tournant. Cette course-poursuite n'en finissait pas à tel point que cela commençait à devenir ridicule...jusqu'à ce qu'à un dernier détour, le paysage de Brumée disparut sans laisser de trace, comme ce grand loup blanc, pour voir apparaître une importante silhouette, trop grande peut-être, la surplomber dans l'obscurité. Elle vit deux grands coudes, des mains féminines qui faisaient sa taille, une peau cadavérique...et une bouche fermée, sans sourire, sans rien. Elle crut sentir son coeur s'arrêter face à l'imposante figure qui avait tout sauf l'air d'être amical.


[size=6]"Je t'ai trouvée."[/size]


Lenore se réveilla en sursaut et en sueur dans son lit, en pleine nuit. Les cauchemars reprenaient une fois de plus. Heureusement, elle n'avait pas crié, ni réveillé qui que ce soit. Ou presque ? L'agitation d'Alexander suffit à lever la hyuroise de son lit pour arriver aussitôt à son chevet.
"Shhh, ça va aller, je suis là." fit-elle en le soulevant dans ses bras.
Il avait dû faire une mauvaise nuit, lui aussi. Ses gazouillements à répétition semblaient lui indiquer qu'il souhaitait parler, dire quelque chose. Cette chose en question, aussi impromptue et inattendue soit-elle, chassa tout doute et toute stupeur dans le regard terni de sa mère lorsque ce dernier dit pour la première fois...

"Mama !"
Lyssie Il y a 10 mois et 1 jour


"Avez-vous besoin de moi..?"
Le vent porta le murmure désespéré de Dorian jusqu'aux oreilles de la cantatrice qui lui faisait dos ainsi qu'à Azurée. La lumière des lampadaires habillaient le quartier de la Sainte Cité et à cette heure-ci, on entendait encore le brouhaha des ishgardais réunis autour des stands de sucreries en contrebas qui célébraient la Grande Célébration d'Azurée aux nombreuses festes. Lenore n'y prêtait plus attention depuis qu'ils s'étaient isolés du peuple.
Comment lui répondre sans le briser une énième fois ? Elle sentait son regard abattu se coller à sa silhouette, en quête d'une main tendue afin qu'il ne sombre pas dans la folie. Elle ne lui en voulait pas d'être ce qu'il était, un chevalier au coeur beaucoup trop bon jusqu'à devenir idiot. Il était d'une volonté inébranlable, elle pouvait bien lui reconnaître cela. Pour autant, elle ne pouvait plus s'autoriser un tel fiasco sous couvert de bonnes volontés trop nobles. Cela serait se freiner.
"J'ai besoin de vous et de votre utopie chevaleresque." répondit-elle de sa voix glaciale, sans coeur.
Si jamais elle avait parié qu'une lumière traverserait les pupilles émeraudes de son plus grand admirateur à cette réponse, elle aurait gagné. C'était tout ce qu'il espérait mais avant même qu'il n'ait pu dire quoique ce soit, son élan fut arrêté par la voix de la Dame.
"Mais vous me rejoindrez uniquement si vous tolérez les méthodes des autres. Je ne parle pas d'accepter. Suis-je claire ?"
Elle décala doucement sa tête sur le côté, donnant l'illusion de lui porter attention. Il était encore à bout de souffle, submergé par des idéaux et des ordres qui se contredisaient sans que la Dame ne s'en préoccupe. Puis, Dorian desserra sa main gantée en poussant un long soupir histoire de retrouver son souffle. Le froid d'Ishgard, aussi mordant soit-il, ne l'atteignait pas, pas plus que Lenore. Mais ce petit espoir, peut-être imaginé par le chevalier, réussit à concilier les deux ishgardais. Au moins pour un temps.


Le lendemain, dans sa salle de bain et profitant de l'eau bouillant de sa grande baignoire, rien ne pouvait briser la quiétude du Repos du Loup, pas depuis que son époux avait enfin créé un lien avec leur fils, un lien qu'elle avait désespérément espéré voir un jour, aussi étonnant que cela pouvait lui sembler. Elle écoutait Anaëlle répéter pour son concert de ce soir, bercée par le talent de sa dame de compagnie. Il ne lui manquait plus qu'un miracle se produise pour l'apocalypse qui approchait de plus en plus et tout aurait été parfait.
Avec sa "trêve" avec Dorian, elle pouvait se sentir chanceuse de compter ce coordinateur de vie pour les prochains mercredis de la Rose des Vents. Aussi têtu et utopiste était-il, les clients adoraient Dorian, il était presque une attraction à lui-même. Si elle avait eu un coeur, elle aurait pu regretter leur conflit. Depuis quelques lunes aujourd'hui, le chevalier n'avait de cesse de confronter la cantatrice sur ce qu'elle avait pour habitude d'inspirer autrefois, jusqu'à contaminer les gens autour de lui, comme ce cher Warblade, de faire comme lui. Heureusement, elle avait pu mettre les points sur les i assez rapidement avec ce deuxième.
De par leur histoire, Dorian était celui qui avait le plus de raisons à se heurter à son coeur de glace. Il l'avait vu pleurer lors du scandale avec Judal, il l'avait vu chanter, sourire, profiter des petits plaisirs mais surtout, il l'avait entendu rire, un rire éclatant et rayonnant. Aujourd'hui, il ne voyait plus qu'une femme austère, intransigeante et sans coeur. Elle ne pouvait pas lui en vouloir d'essayer, même si cela voulait dire le voir sombrer dans un désespoir interminable puisque pour lui, c'était un cauchemar de la voir aussi différente d'auparavant.
Pas plus d'un miracle par jour, Dorian.
Peut-être qu'elle retrouverait un jour ce sourire tant recherché par les siens. D'ici là, son devoir la rappelait constamment à l'ordre. Le projet Elysée progressait à un bon rythme, la Rose des Vents rassemblait de plus en plus de personnes talentueuses ou désireuses d'apprendre. La dernière recrue avait l'air de ravir Derek, elle ne serait pas étonnée de voir une uldienne. Quant à elle, elle attendait de voir cette hingashienne pleine de bonnes volontés.

Elle ferma les yeux et posa sa tête en arrière, profitant des mélodies de sa suivante pour l'apaiser. C'était peut-être la première fois qu'elle profitait d'un véritable repos au sein de sa résidence. Elle aurait voulu que cela ne s'arrête jamais.

Mais le loup blanc guette toujours.
Lyssie Il y a 10 mois et 1 jour


L'air était chargé en éther. Un éther indéchiffrable tant par son opacité que par les migraines qu'il provoquait sur chaque malheureux qui voulait s'essayer à en percer les mystères. Sous l'ordre de la Grande Ordonnatrice, ils avaient été cinq à la suivre jusqu'aux confins du monde, sur cette fameuse île de leurs visions, une île où nulle lumière ne pénètre l'intérieur, où les ronces criaient leur souveraineté et où le silence des animaux n'envisageait rien de bon. De tous, c'était Revna le moins concerné par cette sordide histoire de Pacte de la Vérité, mais Lenore serait folle d'empêcher un scientifique de s'intéresser à ce phénomène étrange.
Cela faisait maintenant quelques longues minutes qu'ils attendaient le retour de Dorian devant cette forêt sombre et peu accueillante. Lenore avait rongé son frein pour l'affront de son époux afin de ne pas créer plus de dissonance qu'il n'y en avait déjà. Mais lui et son égo... Jusqu'à défier les propres ordres de sa supérieure hiérarchique, une insurbodination qu'elle se chargerait de rectifier une fois rentrés.
"Il ne revient toujours pas."
Le plan était simple : s'induire d'une potion spéciale du grand viera afin d'entrer dans la forêt et voir ce qu'il se passerait. Il ne fallait pas faire plus de deux pas, ce n'était qu'un test. Et pourtant, l'illusion de la forêt ne laissait aucune vision sur le chevalier ishgardais. Lenore sentait l'anxiété de sa dame de compagnie gagner du terrain, ce n'était pas bon, pas plus que la colère de son époux qui contrastait avec la froideur de Balian. Ils attendaient, encore et encore...jusqu'à ce que l'ombre du blondinet s'échappe de la forêt pour s'aplatir devant eux, essoufflé, son heaume d'enlevé, paniqué. Il n'en fallut pas plus à Anaëlle pour se jeter sur lui.
"Dorian !
- Eh merde... Vérifiez s'il a des blessures
, soupira Derek.
- Ah...ahh... L'huile ne fonctionne pas !"
Le bond de Dorian avait été si soudain qu'il en fit sursauter et hurler le pauvre scientifique aux grandes oreilles. Lenore, quant à elle, restait méthodique et attentive malgré les émois de ses compagnons de voyage. De ce qu'elle voyait, Dorian n'avait rien de grave à proprement parlé. Il n'avait aucune blessure apparente, hormis l'absence de son casque. Seul son éther avait été drastiquement ponctionné, comme attendu. L'île aspirait tout éther, cela en devenait bien trop dangereux.
"Il y a quelqu'un à l'intérieur. Une sorte d'élezenne étrange... Elle m'a reconnu.
- Reconnu ?
- Tu vas bien, Dorian ?
- Je vais bien, c'était juste...vraiment rapide. Les oreilles pointues, la peau sombre, grisâtre. Les cheveux entièrement blancs.
- Donc pour le moment, nous ne pouvons pas entrer."

Le soulagement de Derek se lisait dans sa voix. Tout le monde était rassuré de revoir Dorian en un seul morceau, bien que Lenore s'était un instant écartée du groupe, son esprit ruminant les moindres détails dans sa tête. Rien n'allait, ici. De l'île jusqu'aux migraines à répétitions qu'ils avaient s'ils osaient s'intéresser à l'île de manière éthérée. Lenore le sentait, il y avait autre chose d'autre ici... Mais qu'est-ce qui l'avait attirée à venir sur cette île ? Et surtout, avec les autres ?
"Elle a essayé de me tirer avec elle. D'où mon casque."
Soudainement, elle entendit l'écho de la voix de Dorian résonner dans sa tête, si fort qu'elle en plia le genou au diapason des autres qui subirent la même chose, excepté Revna. La pression lui était de plus en plus insupportable, comme si on souhaitait la suffoquer dans son propre esprit. Des images défilaient devant ses yeux, et cette voix se manifesta...


"Tu es revenue, Fille des Mirages. Ta place est parmi nous."


Agenouillée à terre, les cheveux dans le vent, elle ne voyait plus qu'un loup noir resplendir de toute sa noirceur au coeur de la forêt ténébreuse. Il l'appelait, continuellement, comme un envoûtement duquel elle résista tant bien que mal. Ce loup, elle l'avait déjà vu...mais blanc. C'était l'emblème de sa maisonnée, l'incarnation de l'animal totem de sa famille. Que faisait-il ici ? Était-ce le même que celui de ses visions ? Celui de sa maisonnée ? Avait-il seulement un lien avec elle ?


Sans l'aide de Revna, ils auraient sûrement perdu Derek. Le trajet du retour fut jonché de questions, d'incompréhension... Si Lenore avait vu un loup noir l'appeler, d'autres avaient vu des sirènes, des dragons ou un homme à la peau bleutée. Rien à voir de ce qu'elle avait pu voir. Elle passa outre les hurlements de colère de son époux, qui étaient compréhensibles sur le coup.
Accoudée sur le bastingage du bateau de Yoritomo-sama, elle releva ses pupilles de diamant sur l'île qui s'éloignait un peu plus chaque seconde. Qu'importe ce que cacherait cette île, son instinct ne lui avait pas dit d'y aller pour rien. Ils en apprendraient plus une fois leur autorisation à Sharlayan d'accordé, ce n'était plus qu'une question de temps. Elle sentit les fines mains de sa dame de compagnie se presser contre son bras gauche, elle était à la fois terrifiée et obsédée par cette île.

"Fille des Mirages", que cela pourrait-il signifier ?
Lyssie Il y a 10 mois et 1 jour


Lenore quitta enfin les loges du Voile Doré, suivie de près par Anaëlle et Asgaut qui portait son sac de rechange. Avant de partir, elle avait pris soin d'annoncer son départ à l'un des hôtes afin de ne pas inquiéter la gérante des lieux. Son concert avait ravi et epoustouflé tout l'établissement ainsi que leurs clients pour sa réouverture. Elle entendait encore le bourdonnement des applaudissements résonner telle une mélodie à ses oreilles, le regard des clients pétillaient d'une admiration sans nom, bientôt troqué par celui fatigué et vide de son époux et de son futur partenaire de chant, Dorian.
"Rentrons au Repos du Loup.
- Bien, Madame."
répondirent simultanément les deux domestiques, la mine inquiète.
Encore une fois, sa voix, bien qu'entière, avait su perturbé la quiétude de certains clients, gênés par les visions qu'elle avait pu leur donner. Derek, Dorian et en prime, Revna qui travaillait en tant que hôte dans l'établissement. Ses chants avaient toujours été très apprécié de son public mais depuis quelques temps, ces derniers commençaient à gêner la promotion de sa carrière. Qui sait combien de temps pouvait-elle encore tenir comme ça avant que ses détracteurs ne reviennent lui causer des torts ?
Minuit passé, le trajet de retour fut presque passé dans le silence complet. Anaëlle s'amusait à tresser les cheveux de sa Dame qui regardait en silence au travers de la fenêtre du fiacre, Asgaut mena les chocobos en direction de la résidence secondaire en humant un air marin et Aiko, profitant d'un moyen de transport rapide, grifonnait frénétiquement quelques mots sur un carnet que Lenore ne cherchait pas à regarder. C'en était de trop. Si à l'avenir cela venait à se reproduire au Voile Doré, elle en perdrait peut-être son contrat et elle avait besoin de sa musique, de sa scène, de l'endroit où elle se sentait le mieux. Ni les doux mots de sa dame de compagnie, ni l'appel de Dorian ne parvenaient à la faire changer d'avis. Il en était assez de subir ses propres pouvoirs ; il était temps de maîtriser sa voix.




"On maintient la note, encore. Encore ! Et on la fait vibrer lorsqu'elle touche sa fin."
Le cadre était on ne peut plus enchanteur. Loin des averses que rencontrait la Noscéa depuis quelques jours, ce jour-là régnait une chaleur particulière et cette partie du jardin du Repos du Loup était plus fraiche, cachée sous l'ombre des grands arbres et pergolas aux grappes de raisins mûrs qui pendaient sur la terrasse blanche de la résidence.

Assise devant celle-ci, sur un fauteuil en osier près de la mer, Lenore écoutait avec attention les progrès de Dorian autour d'un bon thé vert sous un soleil fort agréable en cette après-midi de repos dans le jardin de la résidence. La fin de semaine était propice à ses cours de chant qu'elle donnait déjà à sa jeune pupille Meleth qui avait enfin porté leur fruit. Elle lui avait promis un concert en duo pour la Fête des Etoiles de cette année, espérant au fond que l'apocalypse n'entraverait pas leur projet. Pour l'heure, elle avait un autre duo à former et le sérieux du hyurois était la chose la plus difficile à garder lors de leurs répétitions.
"Non... Encore, recommencez.
- Votre Grâce...!"

Elle aurait pu parier percevoir le désespoir naître dans le regard de son élève. Il avait beau avoir un fort potentiel, il avait des difficultés à garder une voix grave et harmonieuse, sa voix tendant à être plus légère. Pourtant, il s'exerçait sans cesse, répétant les techniques qu'elle lui avait enseigné. Quoi qu'elle pouvait en penser, il apprenait vite, même si ses chants étaient encore un peu timides et manquaient en puissance et en maîtrise. Il progressait un peu plus chaque jour, en prenant confiance en lui, tout en gardant sa joie de vivre si précieuse. Depuis leurs derniers éclats de voix, Dorian avait cessé de l'importuner avec ses idéaux utopiques et chevaleresques et ils ne se voyaient plus que dans le cadre du travail ou de ses cours. Lenore pouvait enfin avoir du repos, si tant elle ne croisait pas le regard impétueux de son mari qui se refusait à lui parler depuis quelques soleils, tout comme elle.
Anaëlle, protégée du soleil sous le vestibule laissé ouvert pour l'occasion et admirative du duo que formaient sa Maîtresse et l'élu de son coeur, tenait dans ses bras le petit Alexander qui écoutait les divers chants du hyurois. A de rares moments, l'on pouvait voir Lenore sourire faiblement, mais pas moins sincèrement, à son fils quand il la regardait, mais rien ne saurait destabiliser la rigueur et l'intransigeance de son fils. A huit lunes à peine, il commençait à avoir un fort tempérament.
"On ne chante pas avec sa gorge, mais tout son corps, Dorian. Ne crispez pas celui-ci, laissez tomber vos bras le long du corps."
Son attention se porta à nouveau sur son élève qui souriait doucement, en l'espace d'un instant, il s'était senti revivre en voyant un sourire brisé le visage de marbre de celle qu'il admirait. Un regard doux, attendri, qui ne tarda pas à troquer pour un sérieux véritable lorsque la Dame lui intima de poursuivre.

Le grand Asgaut arriva juste à temps avec le plateau et les petits amuses-gueules en forme de chocobulle. Derrière lui, Anaëlle tut sa petite jalousie passagère que de voir le grand matou lui "voler son travail" en fermant la porte d'entrée pour aller s'occuper du bain du jeune louveteau. Dorian s'arrêta pour venir s'asseoir sur le deuxième fauteuil en osier, couvert d'une nappe blanche, le souffle un peu court. L'odeur chocolatée enivrait les narines du hyurois ; le réconfort après l'effort n'avait jamais été aussi savoureux.
"Monsieur progresse vite." grommela Asgaut en servant de nouveau les tasses de sa Maîtresse et de son invité. Il récupéra les petites assiettes ayant servi à manger une bonne tarte meringuée, le tout sans jamais en frosser une. Malgré ses immenses mains de Hrothgar, il était délicat et savait ce qu'il faisait. Dorian, à ce compliment, crut rougir.
"Ce n'est pas si mal, en effet, répondit Lenore de son habituelle voix glaciale.
- Allons, allons... Je ne fais que suivre votre apprentissage, Votre Grâce.
- L'essence d'un chant parfait naît de nos propres émotions. Mes enseignements ne font que vous aider, ils ne font pas tout."

Tout comme lorsqu'elle se produisait sur scène, Dorian crut apercevoir, pendant quelques secondes, un éclat de passion brûler dans le regard de Lenore, cette même passion qui faisait vibrer son coeur et pour qui il avait juré fidélité et protection. Il n'était pas difficile pour la Dame de déceler ces moments où le hyurois se perdait dans ses pensées en la regardant, un moment où elle ne tardait pas à le rappeler à la réalité d'une voix ferme et avisée. Peut-être que ses attentions à son égard ne passeraient pas inaperçues aux yeux de son époux qui, bien que distant, gardait toujours un oeil sur sa femme.
Mais alors qu'ils profitaient d'un cours de chant sous l'éclat du Père Soleil, l'initiative de Dorian coupa court à l'enseignement, laissant place à l'improvisation.

"J'ai...une composition à vous faire écouter."
Lyssie Il y a 10 mois et 1 jour


La lumière de la lune faisait scintiller l'eau claire de la mer. Les étoiles dansaient autant dans le ciel qu'à la surface des vagues qui venaient s'échouer sur le sable blanc, baignant les pieds du couple à chacun de leur passage. Loin du camp, ils parvenaient tout de même à entendre les rires et la musique en contrebas bien plus loin, déduisant facilement qu'ils jouaient encore à des jeux autour du feu de joie. L'air tropical faisait s'égoutter quelques rares gouttes d'eau, celles-ci dansant par moment avec la brise fraiche qu'apportait la mer.
Sous les cocotiers, la vue sur la mer était imprenable. Personne ne viendrait les chercher ici, pas ce soir. Ils avaient leur petit cocon, loin d'une quelconque responsabilité, loin du monde et des problèmes qu'il apportait. S'il était une vision du Paradis pour le couple, nul doute qu'il ressemblerait à celle-ci.
"Il y avait longtemps que nous n'avions pas entendu le silence.
- Il y avait longtemps que nous avions cessé de l'écouter."

La répartie de Lenore décrocha un bref rire à son époux de sa voix gutturale et fière, les yeux braqués sur la voie lactée qui ne cessait de les captiver. Tête contre son torse, elle était blottie contre lui, apaisée par les caresses qu'il lui offrait sur sa chevelure boisée. Après une aussi grande journée, elle pouvait enfin se relâcher, ne penser à rien, cruelle ironie quand ce voyage devait être, initialement, un moyen pour tout le monde de se relaxer. Lenore ne pouvait chasser le naturel, elle veillait sur les siens quoi qu'il arrive.
"Vous n'avez encore aucun signe ?
- Aucun."

Elle l'entendit soupirer calmement, bercée par les vrombissements de sa respiration. Depuis leur dernière discussion, après la lourde tempête au sein du Repos du Loup, Derek avait été particulièrement insistant sur la nécessité d'avoir ce deuxième enfant, plus que Lenore elle-même. La possessivité dans son regard n'avait jamais autant brûlé d'envie.
Il finit par étirer un sourire narquois, coulant un regard sur son épouse. En un clin d'oeil, il se retrouva au dessus d'elle à la surplomber, ses mains bloquant les siennes, nez contre nez. Il savait qu'elle avait horreur de son égo, surtout en ce moment. Mais c'était plus fort que lui.
"Voyons, pas-
- Ici ? Allons, Lenore. Nous sommes perdus au bout du monde et les autres sont en train de festoyer. Il n'y a pas plus caché que ça !"

Ce qu'il pouvait l'insupporter avec ses grands airs de "monsieur-j'ai-la-solution-à-tout". Fort heureusement, la nuit obscure dissimulait la rougeur sur ses pommettes laiteuses, seuls signes que la Dame au coeur de glace était bel et bien humaine, malgré elle. Elle redressa ses pupilles brillant sous les rayons de lune, croquant le portrait de son époux dans la plus pure des manières. Si jamais l'Apocalypse venait l'enlever, alors oui, autant profiter de tous les instants donnés, jusqu'à la dernière seconde, jusqu'à ce qu'il lui donne un dernier cadeau.


Cette nuit-là, leur amour n'avait jamais été aussi pur et sincère. Pour eux, pour Alexander, avoir une invitée en plus dans la famille ne serait pas de trop, autant pour ce cadeau qu'il lui offrait, que pour le don que la Dame aura à transmettre à celle-ci. Elle l'avait senti plus fort, inscrivant l'amour qu'il lui portait de toutes les manières possibles, car la simple pensée de la voir avec un autre s'il n'était plus de ce monde l'insupportait.

Oui, jamais leur amour n'avait été aussi pur et sincère à ce moment précis.
Lyssie Il y a 10 mois et 1 jour


"Voici les derniers rapports, Maîtresse. J'ai également pu classé les dernières informations sur le Pacte de la Vérité et l'Île Tiky. Désirez-vous une autre collation ?"
On voyait encore la rosée du matin poindre aux abords des fenêtres du bureau de l'Ordonnatrice. Une fois annoncée, Anaëlle s'inclina avec une déférence singulière devant la Dame plongée dans ses paperasses. Chaque trait de sa plume résonnait à l'unisson avec le son de l'horloge qui n'affichait même pas encore l'heure du déjeuner. A sa droite, une tasse vide où des résidus de café marquaient le fond de celle-ci.
"Inutile. Néanmoins, envoie une invitation à dîner aux Kurusu.
- Mais..."

La Vicomtesse fusilla soudainement du regard la jeune suivante en proie aux doutes quant à cette volonté de la dame de vouloir organiser une telle rencontre, alors même qu'elle venait de rayer dans son carnet le nom de l'Escale de Llymlaen comme potentiel partenaire de la Rose des Vents. Il n'y avait rien d'étonnant à cela, depuis que Derek avait affiché publiquement leur affection pour le Voile Doré, ils s'attendaient à être autant appréciés que jugés selon les relations de tout un chacun. L'avenir allait décider pour eux.
Anaëlle baissa le menton, docile et honteuse d'avoir douté des mots de sa Maîtresse au cours d'un bref instant. Elle ne comprenait pas cette démarche, puisque la veille, la jeune dame de compagnie avait presque trouvé cette entrevue ridicule. Les desseins de la Grande Ordonnatrice étaient plus nébuleux que prévu.
"J'enverrai cela dans la journée, Maîtresse."
Encore une fois, elle s'inclina, les mains croisées sur sa longue robe plissée. Lenore avait peut-être été un peu dur envers elle, mais d'aucuns osaient penser que cela n'égalait que la hauteur de l'affection qu'elle lui portait dans son coeur de glace, surtout depuis son agression au sein de leur propre demeure. Un écart qu'elle ne laisserait plus passer, ainsi était ce qu'elle se répétait en revenant à sa paperasse, tandis qu'Anaëlle récupéra la tasse en cristal de roche sur son plateau.

Le temps passait et Anaëlle n'avait toujours pas gagné la cuisine, ni même son bureau, stagnant la gorgée nouée devant le bureau de sa Maîtresse. Même concentrée sur son travail, il n'était pas difficile pour Lenore de déceler le mal-être chez sa protégée, si bien qu'elle leva de nouveau sa plume pour la laisser tremper dans son encre. Ses pupilles cristallines, froides et inflexibles, se posèrent alors sur celles de la hyuroise dont l'émotion se lisait sans mal.
"Exprime-toi, Anaëlle.
- Je...,
commença-t-elle les yeux humides, Maîtresse, Dorian n'est toujours pas rentré et ne donne toujours pas de nouvelles..."
Anaëlle serra ses menottes autour du plateau d'argent, se mordillant la lippe. Il n'en fallut pas plus à Lenore pour répondre à la détresse de sa dame de compagnie, faisant écho à ses propres doutes qu'elle dissimulait sous sa froideur habituelle. Se redressant de son fauteuil, elle emporta avec elle son long manteau à cape qu'elle ne tarda pas à vêtir. Sa suivante faisait de son mieux pour ne pas fléchir, pas devant sa Maîtresse qu'elle essayait par tous les moyens de rendre fière.
"Organise une réunion d'urgence et créer un mandat au nom de la Rose des Vents. Un des nôtres demeure introuvable et en proie à la mort à chaque instant, il faut que cela se fasse et vite.
- B-bien, Maîtresse."

Aussitôt dit, aussitôt fait. Anaëlle s'était jetée sur son bureau pour rédiger le mandat comme la procédure le voulait, mais à ses yeux, c'était bien plus que ça, comme pour Lenore qui quitta le bureau pour rejoindre celui de son époux. Son regard était si froid qu'il pourrait refroidir n'importe qui.
Idiot de Belmont ! Je vous annonce une prophétie, et vous voilà à disparaître alors que tout pourrait vous tuer ! Si seulement je le pouvais, je vous enfermerai dans une cage pour que plus jamais vous n'ayez à nous faire autant de frayeur. Vous aurez raison de moi, un jour. Idiot, idiot, idiot !


La venue fracassante de la grande Ordonnatrice dans le bureau de son second heutra soudainement le calme tant apprécié par ce dernier, penché sur les revenus de la compagnie. Le temps qu'elle monte les escaliers pour le rejoindre, un vent ombrageux fit vaciller un court instant les flammes des bougies avoisinantes. Lenore trouva son second et époux surpris de la voir ici, bien qu'alerte. Si elle était présente, si elle s'était déplacée, ce n'était sûrement pas pour rien. Surtout pas dans cette tenue.

"Dorian est porté disparu."
Lyssie Il y a 10 mois et 1 jour


"Lenore... La salle se remplit vite..."
Les clients n'avaient pas encore fini de s'installer que dans les coulisses derrière le rideau de la grande scène de la Rose, Dorian se mordillait nerveusement la lippe. Derrière lui, assise devant la coiffeuse, Lenore admirait les dernières retouches sur sa robe tout droit commandée auprès du Palace Rouge. Les finitions étaient magnifiques, on pouvait voir les broderies incrustés dans la soie rappelant les motifs de lys, caractéristiques de la noblesse de la Sainte Cité.
"Vous vous attendiez à moins de monde ?
- Euh, bah... Non, enfin... Si, peut-être...
, il soupira finalement. Je ne suis pas comme vous, Votre Grâce. Et pourtant, j'ose prétendre chanter à votre égal, ce soir."
Elle pouvait le voir, ce sourire à la fois idiot et sincère dans son reflet au travers du grand miroir. Ce soir, ils allaient enfin concrétiser un projet de longue date, un duo de chanteurs homme-femme qui allait autant leur attirer les foudres que déchaîner les passions, même si cela avait failli être annulé par les méfaits du Collectionneur sur Dorian. Elle n'avait plus rien à craindre pour le moment...oui, pour le moment. Le plus dur allait être de lui avouer qu'il s'agirait du premier et du dernier concert qu'ils feraient ensemble, elle ressentait encore le regard lancinant et jaloux de son époux se poser sur elle depuis les hauteurs de l'établissement. La jalousie de l'Aigle jamais n'avait été aussi foudroyante à quelques minutes du concert.
"C'est à vous, Lady Lenore, le Rossignol."
Ruuj pénétra dans les loges habillée de son sourire délicat, elle avait fini la première partie de la soirée avec ce fameux poème de la Rose et du Rossignol qui, et personne pouvait le contester, ressemblait trait pour trait à Lenore et Dorian. Ce dernier, rapidement sommé par la Dame de voiler son visage de son masque, étira le sourire le plus crispé qu'il lui avait été donné de voir.
"Si vous êtes paralysé, suivez le rythme.
- Puis-je..suivre votre voix ?"
demanda timidement le hyurois masqué.
Elle avait acquiescé, s'illustrant de nouveau comme un phare dans ses ténèbres. Les lumières s'abaissèrent, ne laissant briller que la faible lueur des bougies de la Veillée des Saints installée plus tôt que prévu cette année. L'ambiance se réchauffait et tous les yeux se braquaient sur les premières notes de la voix de Lenore qui transcendèrent l'assemblée, suivies aussitôt de son partenaire de chant. Oui, ce soir serait une belle soirée, quelqu'en soit la fin.


La pluie d'ovations marqua la fin du concert, très bien reçu par le public qui partit aussi vite que les employés, il était tard après tout. Lenore et Dorian s'étaient inclinés par trois fois, comme le voulait la tradition, avant de s'éclipser en coulisses encore sous l'émotion. Enfin, surtout Dorian qui s'extasiait en ressentant le frisson grisant de la satisfaction, là où Lenore avait quitté son jeu d'acteur pour redevenir la Dame de Cristal, aussi froide et inflexible qu'elle l'avait toujours été.
"Maîtresse, Dorian, je... C'était..."
Anaëlle s'était empressée de venir féliciter les deux chanteurs. Lenore se souvint l'avoir vu non loin de la scène, les yeux pétillant, tout comme Kiyona qui en avait presque oublié de faire le service. Ruuj avait enflammé la piste de danse comme jamais elle ne l'avait fait, malgré les fausses notes de son ami le Rossignol, mais ce qui était de base de l'admiration dans le regard d'Anaëlle devint ni plus ni moins qu'un sermon envers ce dernier.
"...C'était une catastrophe, Dorian. Tu as osé bégayer dans ta propre chanson, en plein concert avec Maîtresse !
- Q-quoi ? Mais je n'étais pas si horrible, si..? Votre Grâce ?"
demanda le hyurois d'un air de chien battu.
Le sermon ne dura pas plus de quelques minutes avant que les deux ne quittent l'établissement, le sourire comblé aux lèvres. Lenore fut l'une des dernières à partir, après s'être attardée sur le cristal qui était tombé de son sac à main lorsqu'elle souhaitait le récupérer. Une simple piqûre de rappel quant à la condition des propriétés de sa voix et de cet endroit de cristal et de glace qu'elle avait vu, quelques semaines auparavant, dans les montagnes du Coerthas, proche de la constellation d'Halone. Elle salua Kiyona partie rejoindre les bains de la Rose après une bonne journée de travail, puis dame Za' qui avait voulu la saluer, avant de refermer la porte de l'auberge derrière elle.

Les nuits étaient devenues plus fraiches dans le Thanalan depuis l'equinoxe d'automne et à cette heure-ci, plus personne ne dévalait les rues pavées de pierres et de frondaisons rougies par la couleur de la saison. Les arbres commençaient à peine à perdre leur habit de feuilles, emportées par un vent froid et annonciateur jusqu'au Pleincoeur, où quelques semaines plus tôt encore on pouvait y voir la place remplie d'habitants venus profiter des bains de la Coupe sous une chaleur étouffante.
Debout devant la petite éthérite, Lenore releva son attention sur un beau ciel étoilé. L'esprit léger, elle s'était sentie complète et unie par une autre voix, ce soir-là. Unique mais intense, elle devait désormais penser à la suite des opérations pour elle et les siens. Sous ce même ciel, une autre civilisation avait capté son attention et il n'était plus qu'une question de temps avant de leur faire une proposition alléchante. Il ne lui fallait plus qu'un projet digne de sa demande et ce n'était pas les idées qui lui manquaient.



Cela faisait maintenant une heure que le cristal flottait devant elle, lévitant lentement dans le creux de sa dextre. En contrebas de l'étage récemment construit, la Rose des Vents ne portait plus aucune trace de la soirée qu'il y avait eu la nuit précédente, de l'odeur de l'alcool jusqu'aux assiettes à moitié finies ne restait qu'un sol lavé et ciré dans l'auberge paisible qui petit à petit se faisait une place parmi les grands noms dans le milieu des aventuriers. Mêlés aux clients bien matinaux, Derek discutait une fois de plus avec ce cher Cremium Solarium, là où Ruuj gardait un oeil à la fois sur Revna de plus en plus enfermé dans son mutisme ainsi que sur Kiyona venue se réchauffer les mains autour d'un bon chocolat chaud.
Tout ce brouhaha matinal porta de plus en plus fort à mesure que les heures avançaient, mais il en fallait plus pour Lenore, penchée sur de nombreux ouvrages ouverts sur la grande carte du monde, qui se refusait à la stagnation depuis les récentes attaques sur ses hommes.

Le poids du Collectionneur commençait sérieusement à se faire ressentir sur les épaules de tout le monde, surtout sur les siennes. D'abord cet homme en Orient, puis Junko et enfin, Dorian. Elle était fière d'Anaëlle qui avait su se défaire des griffes du Collectionneur. Quand son regard s'attarda sur les îles proches de Thavnair, il n'était plus une question de doute, mais de certitude pour la Grande Ordonnatrice. Revna allait sûrement être la prochaine cible de ses méfaits, des méfaits qui n'avaient d'objectif que cet artefact, "Le Dernier Rêve", potentiellement enfoui au fond de cette maudite île qu'ils avaient tenté d'atteindre une dernière fois sous l'impulsion de Revna, résultant à un échec. Pour lui, du moins. Lenore savait désormais qu'elle n'était pas liée à l'Île Sempiternelle par voie éthérée et elle pouvait compter sur cet étrange sphère immaculée de blanc et de bleu, qui accaparait son attention depuis quelques semaines aujourd'hui, pour canaliser la puissance des effets de sa voix sur son public.
Elle glissa inconsciemment son index sur les cimes du Coerthas, se ressassant encore et encore cette petite expédition aux confins des neiges pour la récupérer. Ce qu'elle pensait être le plus difficile dans ce voyage s'était avéré finalement être plus facile qu'elle le pensait. Les difficultés pour gravir les montagnes, vite compensées par la galanterie des hommes pour porter leurs sacs ; la peur de se retrouver face à une incarnation glacée de son époux, au final elle avait bien fait d'y aller accompagnée de sa suivante, Revna, Dorian et Victor ; et enfin l'énigme de plonger la sphère, brisée par un coup d'épée de Victor, dans l'eau de source à côté pour la recoller. Cette excursion fut si...pleine de surprises.
"Madame, votre thé."
Anatole, toujours présent dans les ombres, déposa la tasse en cristal de roche devant Lenore quand à l'entrée de la Rose, du monde s'amassait de plus en plus autour d'une nouvelle présence.
"Diana !"
Sofia avait eu tôt fait de poser ses fioles sur le comptoir pour se ruer dans les bras de son ancien mentor, faisant attention à ne bousculer personne. Lenore délaissa ses recherches pour porter son attention vers le coeur de la Rose où les aventuriers de la compagnie se réunissaient en masse autour de la hyuroise pour tenter de capter son regard. Lorsque cela arrivait, certains rougissaient ou pire, vacillaient sous le charisme et l'éloquence de la grande chercheuse. Elle n'était pas de la famille de son époux pour rien, faisant même honneur à celle-ci depuis qu'elle avait obtenu un pass-droit pour Sharlayan grâce aux fruits de son travail. De tous, ce fut Victor qui s'exprima le plus, jusqu'à repousser tout ce monde pour saisir dans ses bras sa bien-aimée. Ce tableau arracha presque un sourire à Lenore qui toutefois demeura en retrait.

Encore aujourd'hui, Diana était la seule personne que Lenore considérait comme son égal, même après son départ à la fin de l'Ordre Rivesthern. Belle, intelligente et avec un sens des priorités respectable, il n'était pas bien compliqué de comprendre les raisons de son statut de mentor et de chef médecin au sein de l'ancienne compagnie libre de chasseurs de démons, encore moins de son passage à Sharlayan. C'était une grande chercheuse, une vraie bourreau de travail pour qui Lenore tenait en respect et sa réputation n'avait pas terni en voyant tout ce monde l'entourer. Au final, c'était comme si elle n'était jamais partie, malgré le fait qu'elle allait devoir faire la connaissance des nouvelles recrues.
Son retour est une aubaine pour la Rose...comme une occasion rêvée de voir plus loin.
Son regard revint aussitôt sur la grande carte du monde sur laquelle elle prit ses aises, s'y asseyant, ses mains tenant toujours sa tasse de thé. Elle songea à ce qu'avait dit son mari la veille, quant à cette possibilité d'avoir une opportunité de briller aux yeux des sharlayanais qui occupaient son esprit plus que de raison. Lenore était une femme forte, mais elle avait toujours été une femme ambitieuse pour qui rien n'arrêterait ses rêves.
Et elle effleurait de peu le sommet de ce rêve.

Lyssie Il y a 10 mois et 1 jour


Le grand renard aux queues masquées avait fini par s’évaporer en une fumée blanche vers le ciel, laissant le groupe venu assister à l’entraînement des tengus tout pantois. Tout le monde était fatigué et certains, dont l’Ordonnatrice qui se releva péniblement du sol terreux, avaient subi de nombreuses brûlures sur tout le corps. Elle posa un dernier regard sur les morceaux du miroir brisé sur le sol reflétant la moitié de son visage avant de se tourner vers les deux tengus qui attendaient plus loin pour s’occuper des blessés.

Elle avait été la première à partir une fois la deuxième épreuve finie, aussi silencieuse que jamais, son bras droit marqué par de sévères brûlures. Comme à leur habitude, les tengus s’occupèrent d’elle et des siens l’ayant suivie après coup et comme d’habitude, elle fut plongée dans une réflexion muette. Ou peut-être était-elle encore plus marquée qu’avant ?
Le noir du deuil, la solitude et cet écran blanc.
C’était tout ce qu’elle avait vu dans le reflet du miroir. Un funeste destin où l’attendrait la solitude après avoir vu ses proches mourir les uns après les autres, comme si elle était immunisée de la mort par le rôle de messagère qu’elle endossait depuis toujours. Parmi l’équipe, il n’y avait que Ruuj qui pouvait réellement se targuer de la comprendre. Si l’une allait finir seule par sa longévité, l’autre serait condamnée à regarder les siens mourir selon la Volonté Divine. Il lui sembla revenir plusieurs années en arrière, à l’époque où elle ne savait toujours pas ce qu’elle était et où elle avait dû apprendre à maitriser son don et son rapport à la mort. Une chose qu’elle avait toujours combattu.
Une vive douleur au bras la tira de ses pensées, c’était Anaëlle qui s’affaira à bander le bras de sa Maîtresse, la tête basse, la mine tiraillée entre la honte et la peur de la voir un jour disparaître, l’abandonnant à son sort. Elle était encore plus ébranlée qu’elle, perturbée par sa propre vision.
"Il vous faut vous reposer, Maîtresse…
- Tu en as bien plus besoin que moi. Va rejoindre ta couchette."

Elle était épuisée, mais ne manquait pas de veiller malgré tout sur sa suivante qui acquiesça docilement et s’exécuta, laissant Lenore contempler son bras bandé. Pour la première fois, ses talents de danseuse de Kriegstanz avaient eu tôt fait de lui être utile. Elle avait protégé, attaqué, tout cela en dansant sur la seule musique jouant dans sa tête : celle de l’environnement ambiant. Ses longs entraînements avec sa pupille portaient enfin ses fruits, comme ses nombreuses escapades non loin de la plage de Brumée pour y danser, mais elle n’était pas sotte de se croire invincible. Contrairement à ce que certains pouvaient penser d’elle, elle n’était pas un ange gardien, ni intuable. Elle n’était qu’un être humain aux services des Douze, et ce jusqu’à ce qu’ils se décident à ne plus avoir besoin d’elle. Elle n’était pas invincible, personne ne l’était. Et pourtant… Plus les années passaient, plus elle commençait à y croire, malgré elle.


Une fois soignée, elle s’arrêta au bord d’un promontoire dévoilant l’immensité de Yanxia qui poursuivait sa reconstruction. Le vent se leva dans les cheveux de l’Ordonnatrice qui contempla sans vraiment regarder ce tableau exotique ne lui appartenant pas.
Ils étaient les seuls à pouvoir contempler la rosée du matin briller sous les premiers rayons du soleil, dormant le jour et vivant la nuit. Il ne lui fallait que d’un regard par-dessus son épaule pour voir les siens se protéger du soleil de leur bras ou de leur veste, lui arrachant un bref rire intérieur. Ces trois jours et trois nuits au cœur de la vie des dieux tengus, sous l’invitation d’un clan oriental, leur donnaient l’opportunité de se préparer pour l’apocalypse à venir. Ils connaissaient déjà tous les fondamentaux, mais leur rappeler n’était pas un mal. Cela faisait parti de leur vie d’aventurier, comme de la sienne et il était de son devoir de veiller au grain pour leur sécurité. Telle était la lourde tâche qu'endossait l'Ordonnatrice.




Minuit sonna quand les portes du Repos du Loup se refermèrent derrière elle et Anaëlle qui portait ses maigres bagages de voyage. Ce n’était que bien après s’être assurée qu’Alexander dormait bien, après le départ de sa suivante dans ses quartiers, que Lenore regagna la chambre conjugale pour se refugier dans les bras de son mari qui n’était pas encore complètement endormi.
"Vous êtes enfin revenue.
- Je ne veux plus y penser. Pas maintenant. Pas encore.
- Alors trouvez le repos auprès de moi."
Pendant un court instant, elle pouvait sentir la chaleur de son étreinte la protéger de ses doutes, ainsi que l’odeur enivrante de ses sentiments lui faire perdre de vue tous les obstacles qui se mettront bientôt au travers de son chemin, sans pour autant complètement les oublier. Jusqu’ici, elle n’avait fait encore aucune erreur, tout se déroulait comme elle l’avait prévu. Ce weekend, elle irait enfin visiter l’Elysée pour s’imprégner de sa puissance, juste avant sa rencontre avec ce messire Chanthiver.

Elle pouvait enfin faire une bonne nuit de sommeil.
Lyssie Il y a 10 mois et 1 jour


A bien des égards, le Repos du Loup aurait pu lui faire oublier qu'elle vivait à Brumée. Le bois sombre et le papier peint de la maison de Borel n'étaient pas sans lui rappeler l'architecture de sa propre demeure à Ishgard, toujours dans ces tons ternes et froids du Coerthas. Seuls le son des mouettes et le chant de la mer lui rappelaient qu'elle était hors de la Sainte Cité, à vivre aux côtés de corsaire et d'aventuriers. Et en ce beau jour ensoleillé, un autre chant s'ajouta à ceux de la Noscéa.

Il y avait longtemps que Lenore n'avait pas touché à un piano. Dans les hauteurs du Repos du Loup, l'on pouvait entendre une valse poignante en trois temps, juste assez pour faire vagabonder son esprit lyrique. Derrière elle, Anaëlle débarassait avec soin la table où sa Maîtresse avait reçu le Baron Chanthiver. Quand Lenore la regarda par dessus son épaule, la dame de compagnie s'inclina avec déférence avant de partir en cuisine. Il y avait à peine une heure encore, elle se présentait, toute timide, face à ce grand élezen sous l'ordre de sa dame.
"Quand une porte se ferme, une autre s'ouvre." se dit-elle en poursuivant sa musique.
Rencontré sur la plage de Brumée, elle n'avait espéré guère plus de ce baron mais il serait mentir que de dire qu'il ne l'avait pas pris au dépourvu. Ce n'était ni sur un champ de bataille, ni lors d'une réception mondaine qu'il s'était fièrement présenté comme allié des Riverhood, mais seulement lors d'une rencontre fortuite. Rien à voir avec les grands airs des ishgardais dont elle avait perdu l'habitude de côtoyer à force d'être aussi loin d'Ishgard. Le prix de la politique néo-ishgardaise lui valait bien ça.
Au travers de cette alliance, il lui avait demandé de son aide afin que sa maison ne s'éteigne. Être le dernier de sa lignée n'était pas chose facile à vivre, elle en convenait, elle-même devait aujourd'hui compter sur sa propre famille pour étendre son influence. Le jeu de la cour n'avait jamais cessé d'être, même hors des murs de la Sainte Cité, les Delacroix le lui avaient rappelé cela. Toutefois, elle avait revu chez ce Chanthiver l'espoir d'y voir s'épanouir sa suivante, bien qu'il était encore trop tôt pour faire quoi que ce soit. S'il n'était guère intéressé par un mariage arrangé pour le moment, Anaëlle était à côté un prix inestimable, la clef d'une baronnie et une lumière dans les ombres. La Dame n'était pas connue pour sa précipitation. Après tout, elle n'avait pas cuisiné Dorian pour rien, avant de finalement comprendre que le regard qu'il posait sur elle était celui qu'il aurait dû porter sur Anaëlle.

Tout cela était encore trop tôt. Lenore pouvait au moins se contenter de voir un nouvel allié à ses côtés qui réservait bien des surprises. Amateurs d'arts, il était également bien doué avec sa lance, de quoi mettre à profit son savoir auprès d'elle. Qui sait ce qu'elle devra faire lors de cette apocalypse ? Les notes du piano l'apaisaient au fur et à mesure qu'elle jouait. Elle attendait avec impatience cette première excursion sur l'île de Tuhei qui pourrait plaire à ce baron en quête d'alliés. A terme, elle espérait entrevoir plus qu'un invité de marque, mais un véritable mécène.




"Il va falloir que vous leur montriez ce que vous valez.
- Je ne le sais que trop bien."

A l'heure où certains de ses hommes étaient partis à la recherche de Revna des suites d'une potentielle possession -ce fichu Collectionneur n'en était pas à sa dernière victime pour autant-, un vent plus frais faisait battre les grandes fenêtres vitrées du bureau de l'Ordonnatrice, protetrices des flammes des candélabres qui éclairaient faiblement le visage de Brienne. Le sérieux dont elle faisait preuve face à Lenore lui rappelait sans mal celui de messire Chanthiver quant à son désir de reconstruire sa maisonnée. Contre toute attente, elle avait l'art de convaincre autre que par des chiffres et des statistiques, à l'instar de l'image que l'on peut se faire des grands sages de Sharlayan.
"Vous vous doutez bien que je n'ai pas fait tout ce chemin pour que l'on me renvoie aussi facilement. Le temps presse et il n'est qu'une question de semaines à l'heure où je vous parle avant que le déluge ne s'abatte sur Hydaelyn.
- Tout ce temps, nous avons cherché, nous avons compris que quelque chose se tramait quelque part. Et maintenant, vous me dites que toute cette histoire refait surface à cause de ces maudites tours ?
- Elle y est étroitement liée, oui. Je ne peux rien vous dire de plus, je ne devrais même pas être là, ce sont des informations tenues secrètes. Mais toutes les brèches ont été ouvertes et là où certains pourront être plus faciles à fermer, celle-ci a besoin de vous."

Elle était pleine de surprise. Cette sharlayanaise avait bravé mers et interdits pour venir frapper à la porte de la Rose des Vents, elle était de ces rares savants qui gardaient encore un esprit ouvert sur le monde auquel ils appartenaient sans pour autant oublier leur mission principal. A l'image de Lenore, ses ambitions étaient encore plus grandes, presque trop grandes peut-être.
"Je ne vous demanderai pas de me dire ce que vous devez garder secret, dame Paselle, mais il n'est pas tous les jours que je puisse discuter avec une véritable sharlayanaise. Devrons-nous craindre le pire ?
- Oui, vous devriez. Et ce, depuis un long moment."

Sa gorge se noua, le regard presque fuyant. Lenore se leva du bureau, après avoir récupéré le vieux, mais précieux, morceau de papier soigneusement amené par son invitée, et se diriga vers le foyer crépitant juste derrière elle. Les informations sur ce minuscule bout de papier étaient maigres, mais pas moins importants. Par cet acte interdit, Brienne lui avait prouvé sa confiance et puis, Lenore savait depuis quelques lunes aujourd'hui que le nom "Paselle" n'était pas anodin dans toute cette histoire.

Craindre le pire, espérer le meilleur et prendre ce qui vient. S'il ne restait plus que quelques semaines devant eux, peut-être que ce voyage sur l'Archipel d'Ori serait leur meilleur choix. Elle allait devoir en parler à Derek, lui proposer de finalement les accompagner à bord de l'Elysée au lieu de rester à la Rose. Il fallait également qu'Alexander vienne avec eux, il était hors de question qu'elle le laisse aussi loin d'elle. Si déluge il y avait, ni les maisons, ni quoi que ce soit sur terre allaient suffire à les protéger. Au fond, elle était persuadée que vivre un temps sur l'Elysée n'était pas une si mauvaise idée afin de garantir à coup sûr leur sécurité. Hélas, quelque chose clochait, un minuscule petit détail resté flou qui n'avait son importance que dans la finalité.
"Qu'avez-vous à y gagner dans tout cela, dame Paselle ?"
Cette question méritait d'être posée. Là où les descendants du Pacte de la Vérité connaîtraient une partie du passé de leur famille, Brienne n'était qu'un nom annexe parmi toute cette alliance de patronymes. Lenore gardait en mémoire la méfiance naturelle de Dorian qui ne portait pas en son coeur cette grande élezenne. Celle-ci étira un sourire navré.
"Je suis une sage de Sharlayan, dame de Riverhood. Mon devoir est de préserver le savoir. Encore une fois, je ne peux tout vous dire sans que cela ne me porte préjudice, mais... A l'aide de ma famille, je pourrais appuyer votre demande d'accès à la Vieille Sharlayan. Il leur faut seulement...
- ...de quoi les épater, oui."

Lenore plia de nouveau le papier et le plaça devant Brienne avant qu'elle ne reprenne sa place, les mains croisées sur la surface boisée de son bureau.
"Nous avons reçu une mission de Sharlayan -si on peut appeler ça comme ça- qui consiste à cartographier un archipel complètement oublié du monde entier. L'Archipel d'Ori. Avec tout le savoir qu'a d'ores et déjà amassé la compagnie, ceci sera la cerise sur le gâteau avant de pouvoir boucler le dossier à envoyer à votre administration.
- Cet archipel a été le centre de beaucoup de discussions par le passé.
- En savez-vous quelque chose ?
- Et comment. Mon mari a été autrefois affilié à cette mission lui-même par le passé, mais son équipe n'a pu aboutir. Les îles d'Ori semblent n'être plus que l'ombre d'elles-mêmes..."

Lenore plissa les yeux un instant, prise dans une longue réflexion. Elle se doutait qu'il se passait quelque chose d'anormale là-bas si des sharlayanais avaient abandonné leur mission, mais le ton grave de Brienne inspirait le doute et l'incertitude. Néanmoins, l'élézenne sourit, contrastant avec la froideur de l'Ordonnatrice. Le dossier que construisait la Rose des Vents était plus qu'acceptable, il ne leur restait plus que cette excursion et un petit coup de pouce...

"Laissez-moi être votre cartographe là-bas."
Lyssie Il y a 10 mois et 1 jour


Elle ne s'attendait à rien et pourtant, elle avait tout de même été surprise autant par les paysages que par la population locale. D'abord ce village aux propriétés singulières ; des maisons flottaient dans les airs, comme ces nombreuses loupiotes qui éclairaient le village sans qu'on ne les tienne par quelconque poteau, puis il y avait eu également ces tapis volants et autres cerf-volants qui agissaient plus comme moyen de transport local plus qu'un véritable jeu pour enfants. Elle se devait de leur reconnaître leur ingéniosité, peut-être connaitraient-ils un jour leur secret.
De tous, B'rume avait été la première à s'émerveiller d'une population aussi vivante que les habitants de Tuhei, suivie de près par Sofia et Kiyona. Leur campement d'établi, ils avaient dû faire la rencontre de leur hôte, cela faisait partie de leur travail après tout, bien loin de cette pseudo-prophétie auquel ils semblaient avoir été rattachés. Décidemment, elle ne pouvait pas être tranquille, même à des yalms d'Eorzéa.

Lenore ne voyait que ça, des prophéties. Elle avait rongé son frein de ne pas paraître impolie face à ces habitants en quête d'aide et bien sûr, la nuit s'était passée sans encombre, sous les éclats de voix et la musique autour d'un festin de roi. Demeurant en retrait, elle avait vu Dorian se faire attraper par les amies de Pateamai pour se faire tirer dans une maison et en ressortir transformé ; il était digne d'un vrai tuheien avec ses nombreux ornements. A son image, Revna était resté dans son ombre, discret et attentif. Depuis son serment envers elle, bien qu'elle n'avait pas encore accepté, il ne la lâchait pas d'une semelle, un véritable protecteur comme elle en connaissait peu. Après tout, Yuan n'avait pas été vu depuis longtemps, elle avait presque oublié la sensation de se faire suivre par un homme autre que par son mari, ou pire, ce fichu Belmont qui n'en ratait pas une pour la supplier d'aider ce village.

Au petit matin, sous les rayons d'un soleil brûlant, cela faisait une bonne heure qu'elle était penchée sur la carte, celle-ci tenue par quatre petites pierres pour éviter qu'elle ne s'envole. Elle pouvait être fière de leur première approche avec ce peuple d'autochtones, cela allait irrémédiablement leur apporter des bénéfices. Elle glissa son index ganté sur les trois parties encore inexplorées ; ne restait plus que le Berceau des Lucioles, les Portes des Dieux et enfin, les Ailes du Monde, cette gigantesque montagne qui surplombait l'île à laquelle ils allaient s'aventurer le soir-même, guidés par Pateamai. Pendant un cours instant, son regard parut moins intransigeant. Cette expédition sembla lui rappeler celle qu'elle avait vécu en Orient avec Shinme et dame Kikyo, tout était, en un sens, rafraichissant et agréable, malgré les enjeux de ce voyage.
En bonne stratège, Lenore savait faire preuve de patience. Les siens allaient bientôt se réveiller et cette journée allait être chargée en découverte. Chacun son rôle, elle partirait aujourd'hui avec une partie de ses hommes, laissant le loisir à Diana de garder le campement et d'aider les autres qui ne parvenaient pas à enlever leur gueule de bois.
"Le Berceau des Lucioles semble être un endroit sacré pour les villageois, peut-être parce qu'ils y chassent ou car ce que nous souhaitons trouver quant à cette nouvelle magie se trouve là-bas... L'énorme luciole serait probablement venue de là. Les Portes des Dieux seraient sans nul doute un lieu de culte, ce qui pourrait expliquer les nombreuses sculptures de ce dragon, Ori... Ce qui m'intéresse, c'est ce lagon.
- Etrange, il semblerait que ce soit le seul endroit encore non-répertorié de l'île."

Lenore avait tout juste effleurer du bout de l'index ce fameux lagon qui attirait toute son attention que derrière elle, la voix de Brienne la sortit de ses pensées. L'élezenne souffla un rire amusé, s'approchant de l'Ordonnatrice pour lui tendre un café ; il était hors de question qu'elle parte sans son café dans son thermos isotherme. En prenant le café tendu, Lenore se rendit compte qu'elle avait parlé à voix haute sans s'en rendre compte.
"Il me tarde de le découvrir.
- Certains commencent à se réveiller de leur nuit difficile, il y a des chances que nous partons dans une heure s'ils y mettent de l'énergie."

A cette réflexion, Lenore passa un regard par dessus son épaule pour observer l'apparition de têtes pas très réveillée. Elle soupira, cela allait les retarder mais au moins avaient-ils reçu l'amitié des tuheiens en compensation. Le vent souffla de plus en plus, à lui faire relever la main pour tenir son couvre-chef apporté à l'occasion. Il était temps d'y aller et d'explorer l'île comme il le fallait, bravant l'impossible. Oui, à ses yeux, l'impossible n'était pas une finalité, mais un défi. Sans sa dame de compagnie, il lui était compliqué de lacer son corset ou encore, de fermer les sangles proprement mais ce n'était pas un exercice des plus désagréables ; elle apprenait par elle-même et cela lui plaisait.
"Prenez votre carnet, dame Paselle. Nous partons dans trente minutes."
Elle replaça de nouveau son chapeau et, sous le regard placide de l'élézenne, Lenore emboîta la marche jusqu'au centre du campement. Ils allaient la détester pour les réveiller d'une voix forte.

D'ordinaire, les hommes de Lenore adoraient les voyages. Le souffle du vent se dissolvait en une fraïcheur bienvenue, tandis qu'ils pouvaient observer au loin les villes et villages éorzéens en plus petit. Chacun était à son poste, si ce n'était pas dans la réserve pour compter le matériel, c'était à la barre ou proche de la proue pour observer à l'aide d'une longue vue la trajectoire qu'ils étaient en train de faire. Le brouhaha ambiant également n'était pas en reste, ils pouvaient être de vraies pipelettes.
Mais jamais un trajet retour n'avait été aussi silencieux que celui-ci. Sur le pont, Lenore pourait apercevoir le regard des siens empli d'étoiles et de rêves plein la tête. Cette expédition sur l'île de Tuhei avait été, pour ainsi dire, magique. à tel point que Dorian voulait resté là-bas pour garder un contact avec les habitants ainsi qu'un oeil sur le campement. Quand elle ne les regardait pas, elle réfléchissait à la prochaine île qu'ils allaient pouvoir visiter. La carte, un peu plus complète, avait été rangée dans son étui qu'elle gardait précieusement ; Ruuj et Brienne avaient fait un magnifique travail, comme tout le monde en réalité.

Seulement deux jours sans sa famille et cela lui avait paru être une éternité. Elle s'attendait à voir Anaëlle l'accueillir dès leur amarrage sous couvert d'inquiétude et de curiosité, à défaut d'un mari plus froid depuis leur dernier dîner avec les Delacroix. Elle rangerait d'abord les rapports avant de rentrer voir Alexander pour lui raconter son voyage, comme à sa dame de compagnie qui allait être tout aussi intriguée sans trop lui en dire, car elle serait au prochain voyage.
Ce n'était que le premier d'une longue série.

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