[Lenore] Tome IV - Au travers des ténèbres
Lyssie
Il y a 10 mois et 1 jour
Sharlayan, berceau de la connaissance et du savoir sous toutes ses formes, était de loin une magnifique ville, peut-être même la meilleure aux yeux de certains. Avec ses nombreux sites quasi-touristiques -si l'on en oubliait les habitants qui gardaient constamment leur nez plongé dans un livre entre deux conversations-, ses longues avenues pavées d'un marbre blanc qui se confondait avec une légère pellicule de neige tombant par moment et ses fontaines à ne plus savoir quoi en faire, le cadre qu'offrait Sharlayan à sa population et les étrangers qu'elle surveillait était on ne peut plus fascinant. Oui, il n'y avait pas meilleure ville pour profiter du calme de la Mer du Nord, propice à la recherche et aux découvertes sous l'oeil bienveillant de la grande statue de Thaliak, Dieu du savoir, seigneur des rivières et protecteur de la cité de Sharlayan.
Néanmoins il était une femme qui ne l'entendait pas de cette oreille au coeur du Noumène, grande bibliothèque rivalisant avec celle de Gubal.
"Non, non et non !"
Tous les regards se braquèrent droit sur l'Ordonnatrice de Riverhood en proie à une frustration qui dépassait de peu le contrôle duquel elle avait toujours aspiré. A côté d'elle se trouvait Anaëlle, docile comme à son habitude, et Revna un peu plus loin, lui aussi en train de dévorer un livre en quête d'un savoir plus grand. Les autres voguaient à leurs occupations au travers de toute la ville et Derek gardait avec lui Alexander, ayant un "litige personnel" au sujet d'une tétine à régler.
"Maîtresse ne trouve point son bonheur au sein de ce nid truffé d'informations ?
- Il doit se trouver ici... Brienne nous a fait savoir qu'il était ici."
Elle rangea machinalement l'énième ouvrage qu'elle avait saisi plus tôt, perdue dans ses propres pensées. Le Pacte de la Vérité, source de toutes ses convoïtises, était jalousement gardé par ces grands élézens en robe blanche, mais pourquoi ? En quoi cette ouvrage était si important pour le garder hors de la vue des visiteurs ? Il n'y avait pas assez de luminosité pour dévoiler le visage de Lenore, mais son aura elle-même bouillonnait d'une impatience mise à rude épreuve. Le regard aussi froid que déterminé, elle tourna les talons pour rejoindre le comptoir principal, suivie de près par Anaëlle, le visage préoccupé par l'état de sa Maîtresse.
Personne ici ne tenait les murs ; chacun y allait de son gré à lire, ranger les ouvrages qui osaient traîner sur les mini-étagères ou encore à regarder les derniers enregistrements de la douane. Les pantins mécaniques faisaient parti du personnel de l'établissement, au même titre que ces gens qui allaient et venaient dans des endroits sous-terrain. Il n'y avait pas un seul instant où l'on ne pouvait pas regarder en contrebas des balistrades qui ferait saliver plus d'un sage. Une fois à bonne distance du comptoir, lorsque la dernière personne prit la porte, Lenore n'en démordait pas de son regard inquisiteur.
"Bonjour, j'aimerais savoir si vous aviez avec vous l'ouvrage intitulé "Le Pacte de la Vérité". Je ne le trouve pas ici."
Le pantin cligna des yeux une fois avant de se pencher sur le livre grand ouvert. Il n'y avait aucune inscription et elle savait à quoi s'attendre ; la magie allait encore une fois opérer pour accéder à sa demande. Hélas, l'erreur systyème lui arracha un regard froncé.
"Malheureusement, vous n'avez pas accès à cette archive. Veuillez nous en excuser.
- Par les Douze, pourquoi n'est-il donc pas accessible ? dit-elle, la voix haussée. On se payait sa tête, qu'elle se disait.
- Madame, fit l'élezen à côté de la machine le regard peu aimable, le Noumène garde ses secrets que nul étranger n'est en droit de savoir. A moins que le Conseil des Sages ne vous donne une autorisation, nous ne concéderons pas votre demande."
Elle ferma ses mains au son d'un cuir frotté mais il fallait être sot pour croire qu'elle ferait des frasques. Lenore n'était pas de ceux qui feraient un scandale pour "si peu". Si sa première tentative ne fonctionnait pas, elle en tenterait une autre - ce n'était pas comme si le réceptionniste venait de lui donner la solution sur un plateau d'argent. Et avec elle, elle percerait également le mystère des secrets de Sharlayan.
Gagnant le balcon de la demeure de Paselle à l'heure où tout le monde dormait déjà, Lenore jeta au passage un oeil sur son nouveau manteau d'Ordonnatrice qu'elle avait porté la veille et qui trônait désormais sur le mannequin de la chambre d'invité que Brienne lui avait donnée pour son cours séjour à Sharlayan.
Malgré son échec, elle avait eu au moins le mérite d'avoir appris bien plus sur Sharlayan et son Histoire que n'importe qui peut-être. L'héraldique, les armoiries ou encore l'Histoire avec un grand H, elle y était familière à Ishgard où elle dévorait sans arrêt les livres qu'on lui donnait pour être à la hauteur de ce qu'elle était aujourd'hui. L'Histoire de Sharlayan était tout aussi fascinante que celle de son pays, bien qu'ici, la noblesse venait du savoir avant tout. Tous les récits qu'il lui avait été donné de lire et de vivre se confrontaient dans son esprit : la formation du Conseil des Sages entre un forum en plein air et une assemblée, l'arrivée des colons guidés par le célèbre Nyunkrepf, Père Fondateur de Sharlayan ou encore la pauvre histoire des colons qui s'étaient installés à l'arrière-pays dravanien. Ce n'était pas sans lui rappeler le nouveau modèle de gouvernance d'Ishgard qui, bien que différente, gardait cet esprit d'unité qu'elle appréciait tant.
Lenore s'appuya doucement sur la ballistrade et plongea son regard sur les quelques derniers étudiants venus lire leurs derniers cours au bord de la fontaine dans le parc juste en face de la résidence. La neige tomba de nouveau sur la ville la température avoisinant les zéro degrés mais qui n'atteignait pas l'Ordonnatrice au chaud dans son grand peignoir de laine de karakul. Le temps passait et dans deux jours, la soutenane aurait enfin lieu.
"Vous êtes là. fit une voix grave et familière derrière elle qui ne tarda pas à la rejoindre pour la prendre dans ses bras de dos. Derek paraissait lessivé, Alexander devait sans nul doute lui avoir encore fait voir des vertes et des pas mûres.
"J'ai fini de rédiger la réponse à la demande de Karasu.
- Qui était ?
- De préparer au plus vite la délégation diplomatique pour la soutenance prochaine."
Le blondinet souffla un rire du nez, tout en collant sa joue contre la tête de sa femme. Il la savait agacée de devoir attendre aussi longtemps maintenant qu'elle se voyait refusée l'accès au livre qu'elle cherchait depuis si longtemps. Même après avoir trimé pendant des lunes entières, elle n'y avait toujours pas accès.
"En tout cas, vous n'avez pas attendu pour faire quelques emplettes, souffla-t-il d'un rire de nouveau pour changer d'atmosphère. Vous me coupez l'herbe sous le pied, comment puis-je vous combler de cadeaux si vous achetez déjà tout ?
- Ma foi, faites ce que vous avez l'habitude de faire. Surprenez-moi."
Cela en devenait presque un défi à relever. Evidemment, il le prit de cette manière, l'égo surdimensionné de son mari faisait l'unanimité parmi la Rose des Vents et même de sa réputation à Ul'dah. Ce n'était pour lui qu'un défi de plus et pas n'importe lequel. Derek étira un sourire joueur, s'amusant à entorrtiller les longues mèches de sa femme devenues plus claires, sans s'en rendre compte, autour de son index.
Pour leurs premiers jours à Sharlayan, elle avait eu son lot de surprises et de déceptions. La Cité du Savoir renfermait une quantité astronomique d'informations sur tout et n'importe quoi, jusqu'à même rester secret sur des choses importantes. Même Brienne ainsi que sa famille restaient muets. Là où elle venait chercher des réponses, c'étaient d'autres questions qui arrivaient en masse, jusqu'à ne plus savoir où se donner de la tête. Ne restait qu'à elle d'en trouver les réponses à nouveau...
...quitte à devoir jouer sur un terrain plus grand.
Lyssie
Il y a 10 mois et 1 jour
"Nous demandons à y avoir accès, pour la survie de tous."
La voix de Lenore ne trembla pas face à cette demande qui suscita bien plus d'indignation que de réelle considération. Au coeur des Rostres, les messes-basses entre les membres du Conseil des Sages ne cessèrent jusqu'à créer un véritable brouhaha de murmures incompréhensible et indicernable. La délégation diplomatique de la Rose des Vents avait su vendre parfaitement toute leur épopée sur l'Archipel d'Ori, si bien que les hautes instances s'étaient toujours exclamées entre deux échanges, les questions étant toujours dirigées sur les ressources de ces îles, étrangement. Et pourtant, malgré la validation de leur soutenance, rien ne pouvait justifier à première vue ce jugement dans le regard des membres du conseil.
Brienne, à côté de Dorian, ne s'était jamais montrée aussi interdite et Lenore n'était pas la seule à le constater. Quelque chose se passait sans qu'ils ne puissent comprendre, cela en devenait éreintant pour l'Ordonnatrice qui touchait du bout des doigts son objectif. Barnier, le Président, ferma quelques instants les yeux avant qu'il ne prononce sa sentance.
"...C'est non."
Dorian garda les yeux clos pour accuser le refus, là où Ruuj et Diana continuèrent de garder leur calme. Pour Lenore, c'était comme si tous ses efforts n'avaient servi à rien, balayés d'un seul coup de vent. Son regard se refroidissait à mesure qu'elle dévisageait les conseillers. Elle ne pouvait pas échouer ici, pas comme ça...pas après autant nuits blanches et de sacrifices.
"L'on pourrait croire que cette mascarade touche tous les aventuriers ces derniers temps, cela en devient agaçant et prévisible."
La voix du grand Fourchenault Leveilleur s'éleva parmi celle des autres. D'un regard, Lenore crut voir un instant le légendaire Louisoix un peu plus jeune, levé de sa chaise et le regard inquisiteur, mais il ne ressemblait en rien aux écrits de son père. Le Président ne l'interrompit pas.
"Ce qui reste hors de portée des étrangers et des Preux reste en dehors de leur portée. Notre décision ne changera pas, tours de l'apocalypse ou non.
- Serait-il possible d'avoir au moins la justification à ce refus ? demanda Ruuj, la voix à la fois légère et ferme.
- Nous avons d'autres choses à faire que de vous accorder les précieux dossiers de notre belle cité. Ce pacte, ainsi que le reste du savoir interdit, est devenu notre propriété depuis plusieurs générations. Il sert à d'autres desseins."
Plus l'échange avançait, plus le regard de l'Ordonnatrice répondait d'une injustice palpable. Elle qui touchait son but, elle qui n'avait jamais cessé de travailler et qui s'était presque surmenée, la voilà au point de départ, coincée devant les portes de l'objet de toutes ses convoitises. Cela voulait dire qu'elle ne saura jamais comment ses ancêtres avaient fait pour contre-carrer Nyx, ni comment mettre fin à la folie de cette dernière depuis l'apparition des tours. Les signes de l'apocalypse étaient là... Alors pourquoi les sharlayanais faisaient la sourde oreille ? A ses yeux, rien n'avait de logique.
"Permettez, membres du conseil, que je réclame une alternative légère qui, je l'espère, saura correspondre aux valeurs de notre cité."
Diana la sortit de ses pensées quand une flopée de grandes têtes pensantes braquèrent leur regard sur la nouvelle naturalisée sharlayanaise, de quoi faire peser une certaine pression sur ses épaules. Elle se mit aux côtés de Lenore, le regard avisé.
"Dame de Riverhood souhaite accéder à un savoir qui ne devrait quitter les esprits agrées par Sharlayan. Vous m'avez fait cet honneur. Ce qui manque à la Rose des Vents est une direction, un guide dans leurs actions. Permettez-moi d'accéder au Pacte de la Vérité en tant que votre dévouée citoyenne, et sceller ce savoir dans mon esprit par un sort de secret mémoriel. Ainsi ne pourrais-je jamais dévoiler les secrets du pacte..."
Son regard se porta sur Lenore, elle-même soutenant ce dernier. Non... Allait-elle se sacrifier, elle aussi ?
"...Mais je saurai aider ceux qui ont permis à Sharlayan de trouver toujours plus de savoir."
A ces mots, le gasouillement en arrière-plan ne s'estompa pas, au contraire, il s'intensifia drastiquement. Laisser une nouvelle venue avoir accès à ce compartiment malgré la condition n'était-ce pas une violation des lois malgré tout ? Lenore ouvrit un peu plus les yeux sans faire craquer son masque de glace. Ce sacrifice...jamais elle ne l'oublierait. Brienne, quant à elle, fuya les regards des membres de la Rose des Vents, elle leur avait menti en leur disant qu'ils allaient obtenir ce pacte si facilement...mais pour quelles raisons ? Cette cité n'était pas qu'un lieu où le savoir se partageait, c'était aussi un nid à secrets.
"Il est hors de question que cela puisse fuiter d'une quelconque manière, dame Evans. Vous n'êtes pas sans savoir que nous travaillons d'arrache-pied depuis bien plus longtemps que votre ridicule naturalisation en nos terres !
- Allons, allons." s'éleva une nouvelle voix, plus rauque et plus mature, dans l'aile gauche de l'assemblée.
C'était celle du recteur de l'Académie de Magie, monsieur Montichaigne, aussi connue pour sa bienveillance et son savoir infini. Il calma aussitôt la situation, malgré la claque que venait de se prendre Diana.
"Inutile d'être aussi insultant que cela. Nous avons, après tout, reçu de précieuses informations grâce à ces aventuriers. Il ne faudrait pas les grâcier de cette manière, dit-il avant de se redresser de son siège. Je pense que vous l'aurez bien compris, membres de la Rose des Vents. Nous sommes sur un tout autre sujet et il est vrai que notre priorité n'est en aucun cas celui de nous occuper des tours de l'apocalypse. Nous ne faisons pas dans la violence."
Les messes-bassent cessèrent, bien que Dorian et Karasu échangèrent à voix basse, là où l'Ordonnatrice ne quitta le regard de ce recteur sous aucun prétexte. Et s'il était bel et bien à la hauteur de ce qu'on disait sur lui ?
"...Cela dit. Il serait bien irrespectueux de ne pas vous accorder une récompense pour l'épine que vous venez de nous retirer du pied. L'idée de dame Evans n'est pas si mauvaise. Elle serait la seule à y avoir accès et aussi après avoir lu les informations... Je m'occuperai personnellement du verrouillage de sa mémoire."
Toute l'assemblée s'indigna dans la surprise d'une telle annonce, ce n'était pas sans lui rappeler la formation de la république à Ishgard qui causa, au début, de l'indignation. Encore aujourd'hui, elle savait que la réforme de l'Eglise visant à s'adapter à ce nouveau système politique était toujours au point mort. C'était un risque sans précédent que prenait ce sharlayanais, jusqu'à créer le doute en Lenore, une nouvelle fois. Décidemment, cette soutenance était pleine de surprises.
Barnier tapa de son marteau en acajou sur la table pour avoir de nouveau l'attention. Tout le monde se tut.
"S'il vous plaît, reprenez votre calme ! Inuile de faire autant de frasques. Ce que soulève monsieur Fourchenault est loin d'être impertinent - il est même prudent. Cela dit, monsieur le Recteur pointe ici une contrepartie qui n'est pas irréfléchie pour autant, toujours aussi prudent...et respectant notre part du marché. J'en appelle ainsi à un vote de l'assemblée : ceux qui sont pour le compromis de monsieur le Recteur lèvent la main."
Lenore n'était pas la seule à retenir son souffle. Diana, Dorian, Ruuj et Karasu sentirent une sueur froide leur passé dans le dos, tout allait se jouer sur ce vote... Ce dernier vote. Alors, plusieurs mains se levèrent petit à petit. Une, deux..dix...trente... Il fallait avoir l'oeil pour pouvoir compter toutes ces mains levées sans jamais se tromper. Dorian se retourna plusieurs fois, lui-même se prenant la tête à compter quand la voix de Barnier adressa le résultat du vote.
"...Cinquante-et-une voix en faveur de Montichaigne, contre quarante-neuf pour monsier Fourchenault. Vous avez l'accord du Conseil, dame Evans, pour entrer dans les archives du Noumène et lire le Pacte de la Vérité."
La voix de Lenore ne trembla pas face à cette demande qui suscita bien plus d'indignation que de réelle considération. Au coeur des Rostres, les messes-basses entre les membres du Conseil des Sages ne cessèrent jusqu'à créer un véritable brouhaha de murmures incompréhensible et indicernable. La délégation diplomatique de la Rose des Vents avait su vendre parfaitement toute leur épopée sur l'Archipel d'Ori, si bien que les hautes instances s'étaient toujours exclamées entre deux échanges, les questions étant toujours dirigées sur les ressources de ces îles, étrangement. Et pourtant, malgré la validation de leur soutenance, rien ne pouvait justifier à première vue ce jugement dans le regard des membres du conseil.
Brienne, à côté de Dorian, ne s'était jamais montrée aussi interdite et Lenore n'était pas la seule à le constater. Quelque chose se passait sans qu'ils ne puissent comprendre, cela en devenait éreintant pour l'Ordonnatrice qui touchait du bout des doigts son objectif. Barnier, le Président, ferma quelques instants les yeux avant qu'il ne prononce sa sentance.
"...C'est non."
Dorian garda les yeux clos pour accuser le refus, là où Ruuj et Diana continuèrent de garder leur calme. Pour Lenore, c'était comme si tous ses efforts n'avaient servi à rien, balayés d'un seul coup de vent. Son regard se refroidissait à mesure qu'elle dévisageait les conseillers. Elle ne pouvait pas échouer ici, pas comme ça...pas après autant nuits blanches et de sacrifices.
"L'on pourrait croire que cette mascarade touche tous les aventuriers ces derniers temps, cela en devient agaçant et prévisible."
La voix du grand Fourchenault Leveilleur s'éleva parmi celle des autres. D'un regard, Lenore crut voir un instant le légendaire Louisoix un peu plus jeune, levé de sa chaise et le regard inquisiteur, mais il ne ressemblait en rien aux écrits de son père. Le Président ne l'interrompit pas.
"Ce qui reste hors de portée des étrangers et des Preux reste en dehors de leur portée. Notre décision ne changera pas, tours de l'apocalypse ou non.
- Serait-il possible d'avoir au moins la justification à ce refus ? demanda Ruuj, la voix à la fois légère et ferme.
- Nous avons d'autres choses à faire que de vous accorder les précieux dossiers de notre belle cité. Ce pacte, ainsi que le reste du savoir interdit, est devenu notre propriété depuis plusieurs générations. Il sert à d'autres desseins."
Plus l'échange avançait, plus le regard de l'Ordonnatrice répondait d'une injustice palpable. Elle qui touchait son but, elle qui n'avait jamais cessé de travailler et qui s'était presque surmenée, la voilà au point de départ, coincée devant les portes de l'objet de toutes ses convoitises. Cela voulait dire qu'elle ne saura jamais comment ses ancêtres avaient fait pour contre-carrer Nyx, ni comment mettre fin à la folie de cette dernière depuis l'apparition des tours. Les signes de l'apocalypse étaient là... Alors pourquoi les sharlayanais faisaient la sourde oreille ? A ses yeux, rien n'avait de logique.
"Permettez, membres du conseil, que je réclame une alternative légère qui, je l'espère, saura correspondre aux valeurs de notre cité."
Diana la sortit de ses pensées quand une flopée de grandes têtes pensantes braquèrent leur regard sur la nouvelle naturalisée sharlayanaise, de quoi faire peser une certaine pression sur ses épaules. Elle se mit aux côtés de Lenore, le regard avisé.
"Dame de Riverhood souhaite accéder à un savoir qui ne devrait quitter les esprits agrées par Sharlayan. Vous m'avez fait cet honneur. Ce qui manque à la Rose des Vents est une direction, un guide dans leurs actions. Permettez-moi d'accéder au Pacte de la Vérité en tant que votre dévouée citoyenne, et sceller ce savoir dans mon esprit par un sort de secret mémoriel. Ainsi ne pourrais-je jamais dévoiler les secrets du pacte..."
Son regard se porta sur Lenore, elle-même soutenant ce dernier. Non... Allait-elle se sacrifier, elle aussi ?
"...Mais je saurai aider ceux qui ont permis à Sharlayan de trouver toujours plus de savoir."
A ces mots, le gasouillement en arrière-plan ne s'estompa pas, au contraire, il s'intensifia drastiquement. Laisser une nouvelle venue avoir accès à ce compartiment malgré la condition n'était-ce pas une violation des lois malgré tout ? Lenore ouvrit un peu plus les yeux sans faire craquer son masque de glace. Ce sacrifice...jamais elle ne l'oublierait. Brienne, quant à elle, fuya les regards des membres de la Rose des Vents, elle leur avait menti en leur disant qu'ils allaient obtenir ce pacte si facilement...mais pour quelles raisons ? Cette cité n'était pas qu'un lieu où le savoir se partageait, c'était aussi un nid à secrets.
"Il est hors de question que cela puisse fuiter d'une quelconque manière, dame Evans. Vous n'êtes pas sans savoir que nous travaillons d'arrache-pied depuis bien plus longtemps que votre ridicule naturalisation en nos terres !
- Allons, allons." s'éleva une nouvelle voix, plus rauque et plus mature, dans l'aile gauche de l'assemblée.
C'était celle du recteur de l'Académie de Magie, monsieur Montichaigne, aussi connue pour sa bienveillance et son savoir infini. Il calma aussitôt la situation, malgré la claque que venait de se prendre Diana.
"Inutile d'être aussi insultant que cela. Nous avons, après tout, reçu de précieuses informations grâce à ces aventuriers. Il ne faudrait pas les grâcier de cette manière, dit-il avant de se redresser de son siège. Je pense que vous l'aurez bien compris, membres de la Rose des Vents. Nous sommes sur un tout autre sujet et il est vrai que notre priorité n'est en aucun cas celui de nous occuper des tours de l'apocalypse. Nous ne faisons pas dans la violence."
Les messes-bassent cessèrent, bien que Dorian et Karasu échangèrent à voix basse, là où l'Ordonnatrice ne quitta le regard de ce recteur sous aucun prétexte. Et s'il était bel et bien à la hauteur de ce qu'on disait sur lui ?
"...Cela dit. Il serait bien irrespectueux de ne pas vous accorder une récompense pour l'épine que vous venez de nous retirer du pied. L'idée de dame Evans n'est pas si mauvaise. Elle serait la seule à y avoir accès et aussi après avoir lu les informations... Je m'occuperai personnellement du verrouillage de sa mémoire."
Toute l'assemblée s'indigna dans la surprise d'une telle annonce, ce n'était pas sans lui rappeler la formation de la république à Ishgard qui causa, au début, de l'indignation. Encore aujourd'hui, elle savait que la réforme de l'Eglise visant à s'adapter à ce nouveau système politique était toujours au point mort. C'était un risque sans précédent que prenait ce sharlayanais, jusqu'à créer le doute en Lenore, une nouvelle fois. Décidemment, cette soutenance était pleine de surprises.
Barnier tapa de son marteau en acajou sur la table pour avoir de nouveau l'attention. Tout le monde se tut.
"S'il vous plaît, reprenez votre calme ! Inuile de faire autant de frasques. Ce que soulève monsieur Fourchenault est loin d'être impertinent - il est même prudent. Cela dit, monsieur le Recteur pointe ici une contrepartie qui n'est pas irréfléchie pour autant, toujours aussi prudent...et respectant notre part du marché. J'en appelle ainsi à un vote de l'assemblée : ceux qui sont pour le compromis de monsieur le Recteur lèvent la main."
Lenore n'était pas la seule à retenir son souffle. Diana, Dorian, Ruuj et Karasu sentirent une sueur froide leur passé dans le dos, tout allait se jouer sur ce vote... Ce dernier vote. Alors, plusieurs mains se levèrent petit à petit. Une, deux..dix...trente... Il fallait avoir l'oeil pour pouvoir compter toutes ces mains levées sans jamais se tromper. Dorian se retourna plusieurs fois, lui-même se prenant la tête à compter quand la voix de Barnier adressa le résultat du vote.
"...Cinquante-et-une voix en faveur de Montichaigne, contre quarante-neuf pour monsier Fourchenault. Vous avez l'accord du Conseil, dame Evans, pour entrer dans les archives du Noumène et lire le Pacte de la Vérité."
A croire qu'elle s'était habituée à la singularité de cette cité de marbre et de savants à la veille de son départ. Même à une heure aussi tardive, les rues grouillaient toujours d'étudiants venus acheter leurs derniers manuels auprès de ces kiosques mobiles, c'était comme si la vie ne s'arrêtait jamais ici, ils sacrifiaient leur temps libre pour un devoir qui leur était propre. Un sacrifice justifié, comme celui de Diana dont elle se souviendra tout le long de sa vie. Elle avait voulu lui montrer l’Érudit, cet endroit où l'on officialisait les Preux et qui était désormais son objectif.
Pendant un court instant, elle crut voir une nouvelle fois le fruit de sa dure labeure. De simples remerciements pour le chemin qu'elle leur traçait lui procuraient un bien fou, peut-être le seul qu'elle ressentait lorsqu'elle n'était pas dans les bras de son époux ou avec son fils. Cela la confortait dans ses idées et sa voie du sacrifice. Oui, elle aussi se sacrifiait pour eux, qu'ils le veuillent ou non, là était son devoir d'Ordonnatrice et de guide sprirituel, ce pourquoi les femmes Riverhood étaient entraînées.
"Vous êtes là. Comment ça s'est passé ?"
Du manoir des Paselle, Derek sortit avec Alexander dans ses bras, endormi. Anaëlle n'était pas loin avec Revna, attendant son retour avec impatience. Elle s'était perdue dans ses pensées juste devant le bâtiment sans s'en rendre compte, sûrement avait-elle besoin de souffler un peu après autant de pression. Lenore inspira et expira longuement. Elle pouvait enfin les rejoindre et passer une agréable nuit, elle s'entretiendrait avec Brienne dans la matinée.
Le lendemain matin, une fois avoir acquis une assurance auprès de la famille Paselle, ils partirent aussitôt pour la Coupe, les festivités de la Rose allaient pouvoir être organisées comme prévu malgré un calendrier bouleversé par les derniers retards. Elle allait pouvoir chanter à la gloire de la Fête des Étoiles qui battait son plein au coeur d'Eorzéa et partager, le temps d'un soir, un semblant de sérénité.
L'Apocalypse pouvait bien attendre quelques jours...
"Je vous remercie, Lenore, pour la chance que vous m'avez donnée."
Pendant un court instant, elle crut voir une nouvelle fois le fruit de sa dure labeure. De simples remerciements pour le chemin qu'elle leur traçait lui procuraient un bien fou, peut-être le seul qu'elle ressentait lorsqu'elle n'était pas dans les bras de son époux ou avec son fils. Cela la confortait dans ses idées et sa voie du sacrifice. Oui, elle aussi se sacrifiait pour eux, qu'ils le veuillent ou non, là était son devoir d'Ordonnatrice et de guide sprirituel, ce pourquoi les femmes Riverhood étaient entraînées.
"Vous êtes là. Comment ça s'est passé ?"
Du manoir des Paselle, Derek sortit avec Alexander dans ses bras, endormi. Anaëlle n'était pas loin avec Revna, attendant son retour avec impatience. Elle s'était perdue dans ses pensées juste devant le bâtiment sans s'en rendre compte, sûrement avait-elle besoin de souffler un peu après autant de pression. Lenore inspira et expira longuement. Elle pouvait enfin les rejoindre et passer une agréable nuit, elle s'entretiendrait avec Brienne dans la matinée.
Le lendemain matin, une fois avoir acquis une assurance auprès de la famille Paselle, ils partirent aussitôt pour la Coupe, les festivités de la Rose allaient pouvoir être organisées comme prévu malgré un calendrier bouleversé par les derniers retards. Elle allait pouvoir chanter à la gloire de la Fête des Étoiles qui battait son plein au coeur d'Eorzéa et partager, le temps d'un soir, un semblant de sérénité.
L'Apocalypse pouvait bien attendre quelques jours...
Lyssie
Il y a 10 mois et 1 jour
Ses oreilles sifflaient encore. A terre, elle touchait de ses mains charcutées les gravillons laissés après l'explosion de ce Béhémot qui leur avait mené la vie dure, peut-être un peu trop à son goût. En récupérant ses éventails, elle fit face à Revna, inconscient et amoché à ses côtés et soudainement, tout lui revint en tête. La ménagerie, les bêtes sauvages, la recherche de Kaoli Soma et ce grand Béhémot contre qui ils s'étaient combattus avant qu'il ne s'autodétruise. Qu'importe la largeur du poteau derrière lequel ils s'étaient cachés pour éviter un trop grand impact, le souffle violent avait balayé toute la ménagerie faisant un nombre important de dégâts. Revna l'avait protégée coûte que coûte en qualité de gardien et par ce serment, elle s'attela à lui prodiguer les premiers soins jusqu'à l'arrivée du reste de l'équipe.
Derrière elle, sa suivante était entre les mains de trois de ses hommes, elle n'avait pas à s'en faire plus que de raison. Karasu s'approcha d'elle et plia le genou, essouflée mais en bonne santé.
"Madame, nous l'avons trouvé...mais il est encore subjugué.
- Amenons-le loin d'ici et appelons Sofia. Son porxie fera le reste."
La raenne acquiesça, obéissante. Il leur avait fallu plus d'une heure pour quitter les lieux et rejoindre Yedlihmad mais le plus important était qu'ils avaient enfin mis la main sur le "gardien" du fragment du Dernier Rêve. Ne leur restait plus qu'à lui soutirer les informations et repartir aussitôt. Deux personnes attendaient des secours également sur l'Archipel d'Ori des suites de l'apparition d'Alastor - même à un instant aussi critique, elle n'avait le droit à aucun répit.
"Il paraît qu'une mission est menée à l'instant où je vous parle à la Tour de Zott !
- Nous arrivons !"
Sitôt le fragment de récupéré, la terre avait tremblé et dans la hâte, ils étaient partis en direction du Nord-Ouest au pas de course, même Lenore qui se détestait à cet instant précis. Contrairement aux autres, elle devait courir pour deux et malgré l'aide de Dorian, rien ne pouvait palier à la douleur qu'elle ressentait dans le bas ventre. La troisième lune commençait à peser lourd, elle avait déjà bien poussé ses limites jusqu'aux avertissements d'Alice. Pourtant, elle ne pouvait pas passer à côté d'un événement aussi important - tout portait à croire que la Tour de Zott menaçait de s'effondrer à tout instant.
Une fois arrivés sur place, Lenore reprit péniblement son souffle, épaulée par Anaëlle qui lui administra l'eau de sa gourde en titre de meilleure dame de compagnie. Le ciel était couvert de gros nuages noirs, rendant impossible la vue sur les étoiles constellant la nuit. Elle entendait sur la berge où se tenait le bastion de l'Ost Rayonnant les soldats qui protégeaient les alentours de la tour de Zott, les exclamations de surprise et de peur de la foule venue assister à la mission prodigieuse de celui que l'on appelait le "Guerrier de la Lumière", il lui semblait être arrivée au zénith de la gloire de cette maudite tour qu'elle souhaitait tant voir disparaître.
Personne ne faisait attention à cette future mère qui s'aventura jusqu'au bord de la dune, pas plus qu'à toute sa compagnie qui avait fait le choix de la suivre.
"La tour... Elle disparaît !" cria un homme dans la foule.
En un clin d'oeil, celle-ci s'évapora dans les cieux et avec elle, la menace omniprésente qui sévissait dans la région. C'était comme si son souhait avait été entendue des Douze, la Tour de Zott venait de disparaître sous ses yeux, laissant derrière elle une nuée de Matangas sur la plage, inonscient. Au loin, elle pouvait apercevoir le fameux sauveur de l'humanité et une partie des Héritiers de la Septième Aube, essouflés mais vainqueurs. Nombres des siens partirent à vive allure sur la plage pour aider les soldats à s'occuper des subjugués, laissant à ses pensées leur Ordonnatrice qui vit passer dans son regard l'étincelle de la flamme d'un nouvel espoir.
"Elle a bien disparu, je ne vois plus son éther, dit Serana, restée auprès de Lenore, comme Sophia qui prit la parole aussitôt.
- Les tours ne sont donc pas invincibles... C'est une bonne nouvelle."
La destruction d'une tour de l'apocalypse marquait un tournant immense dans l'histoire de l'humanité, comme du sien. Après ça, les talismans de la grande alchimiste Nidhana allaient forcément être produits en masse puis envoyés à l'alliance éorzéenne pour palier à la menace pesant sur le monde. Cela voulait également dire que l'apocalypse pouvait être évitée comme les morts. L'image de Dorian ensanglanté lui traversa l'esprit, lui faisant fermer les yeux douloureusement.
Non... Ceci peut être évité. Il peut être sauvé. Il n'y a plus de doute.
Un long sourpir de soulagement suivit sa pensée, comme si un poids venait de s'enlever de ses épaules. Le vent se levait au fur et à mesure que les rayons de la Lune reprirent leur ascendance sur la région thavnairoise, déjà les premières étoiles apparaissaient au-dessus de la berge. Yedlihmad était à une trentaine de minutes à dos de monture. Elle tourna ses talons et prit le chemin du retour sur le faucon de Sophia qui, depuis peu, s'évertuait à devenir "l'ombre de la Dame" arduement. Ce n'était pas sans lui rappeler le voeu de sa suivante, pas plus que celui de son gardien et de tous ses gens qui lui avaient juré loyauté.
"...PAR LES DOUZE !"
La force de sa voix à elle seule suffit à balayer toutes les feuilles et dossiers bien rangés sur son bureau comme ceux sur celui de sa suivante qui se protégea le visage de ses bras. Tremblantes, les mains de Lenore tenait la note de son époux qui avait mené en son absence l'enquête sur les fragments Riverhood, Dunval et Lyscendre. Contre toute attente, elle qui pensait pouvoir récupérer son fragment facilement, on venait de l'humilier, la ridiculiser ou pire, la devancer. Elle lâcha violemment la note sur son bureau -vierge de tous documents désormais- lorsqu'une dizaine de ses hommes répliqua en courant jusqu'à la direction.
"Madame, tout va bien ?! s'écria Dorian arrivé en trombe, alerte.
- Il y a une note..., déclara Ruuj avant de la lire en diagonale.
- Oh oh, cela ne présage rien de bon quand Dame de Riverhood est comme ça..." murmura B'rume, les oreilles basses.
Pendant que tous remuaient ciel et terre pour comprendre ce qui avait su briser le calme et la maîtrise de l'Ordonnatrice, celle-ci faisait les cents pas devant la cheminée avant de s'arrêter devant cette dernière dans laquelle les flammes mourrantes dansaient au rythme de ses pensées. Tout était plus claire désormais, Alastor n'avait bel et bien pas menti. Ses parents n'avaient pas connu de fin de sa main, de celle d'une autre personne qui s'invitait dans la danse. Un nouvel ennemi qui prenait potentiellement le nom de Celeste de Rosencrow, autrefois une baronne que la Rose avait aidé au travers d'un mandat.
En bonne tacticienne, Lenore savait faire le lien entre les différentes informations. Pendant un an, elle n'avait su trouvé réel coupable pour la mort de ses parents, elle s'était même persuadée qu'Alastor était derrière tout ça, faute de mieux. Aujour'hui, elle tenait enfin un véritable nom. Il fallait encore le prouver, rien n'était acté, mais ce qui autrefois relevait de l'impossible était aujourd'hui la fin du cauchemar.
"Le fragment des Lyscendre se trouve à Garlemald. Je veux qu'une équipe parte immédiatement voir l'alliance éorzéenne pour connaître les dernières informations et apporter notre témoignage sur les événements à Thavnair.
- Bien, Madame." répondit aussitôt Karasu, suivie de Ruuj et de Dorian.
La jeune Camilla de Lyscendre, celle qu'elle avait accueilli au sein de la Rose en raison de son sang et de sa relation intrinsèquement liée au Pacte de la Vérité, s'inquiétait de l'état de la dame, prise en charge par sa dame de compagnie qui faisait attention à l'état du bébé. Elle ne pouvait rien y faire, comme tous les autres restés dans le bureau de l'Ordonnatrice. Les murmures, aussi bas soient-ils, parvenaient aux oreilles de la Dame comme une nuisance qu'elle ne pouvait plus supporter.
"Rompez."
Tout le monde partit aussitôt, à l'exception d'Anaëlle et de Diana qui vint d'arriver. Elles l'entendirent pleurer ce soir-là, à genoux devant la cheminée, impuissantes et déchirées par l'envie de l'aider comme de la soulager de ce poids qu'elle traine depuis trop longtemps déjà. Elles n'étaient pas sottes ; pointer du doigt ses larmes ne feraient qu'envenimer les choses. La Dame savait qu'elle faiblissait et elle détestait ça. Le cristal se fissurait encore et pourtant, il se fissurait pour la dernière fois.
Elle pouvait enfin terminer son deuil.
Derrière elle, sa suivante était entre les mains de trois de ses hommes, elle n'avait pas à s'en faire plus que de raison. Karasu s'approcha d'elle et plia le genou, essouflée mais en bonne santé.
"Madame, nous l'avons trouvé...mais il est encore subjugué.
- Amenons-le loin d'ici et appelons Sofia. Son porxie fera le reste."
La raenne acquiesça, obéissante. Il leur avait fallu plus d'une heure pour quitter les lieux et rejoindre Yedlihmad mais le plus important était qu'ils avaient enfin mis la main sur le "gardien" du fragment du Dernier Rêve. Ne leur restait plus qu'à lui soutirer les informations et repartir aussitôt. Deux personnes attendaient des secours également sur l'Archipel d'Ori des suites de l'apparition d'Alastor - même à un instant aussi critique, elle n'avait le droit à aucun répit.
"Il paraît qu'une mission est menée à l'instant où je vous parle à la Tour de Zott !
- Nous arrivons !"
Sitôt le fragment de récupéré, la terre avait tremblé et dans la hâte, ils étaient partis en direction du Nord-Ouest au pas de course, même Lenore qui se détestait à cet instant précis. Contrairement aux autres, elle devait courir pour deux et malgré l'aide de Dorian, rien ne pouvait palier à la douleur qu'elle ressentait dans le bas ventre. La troisième lune commençait à peser lourd, elle avait déjà bien poussé ses limites jusqu'aux avertissements d'Alice. Pourtant, elle ne pouvait pas passer à côté d'un événement aussi important - tout portait à croire que la Tour de Zott menaçait de s'effondrer à tout instant.
Une fois arrivés sur place, Lenore reprit péniblement son souffle, épaulée par Anaëlle qui lui administra l'eau de sa gourde en titre de meilleure dame de compagnie. Le ciel était couvert de gros nuages noirs, rendant impossible la vue sur les étoiles constellant la nuit. Elle entendait sur la berge où se tenait le bastion de l'Ost Rayonnant les soldats qui protégeaient les alentours de la tour de Zott, les exclamations de surprise et de peur de la foule venue assister à la mission prodigieuse de celui que l'on appelait le "Guerrier de la Lumière", il lui semblait être arrivée au zénith de la gloire de cette maudite tour qu'elle souhaitait tant voir disparaître.
Personne ne faisait attention à cette future mère qui s'aventura jusqu'au bord de la dune, pas plus qu'à toute sa compagnie qui avait fait le choix de la suivre.
"La tour... Elle disparaît !" cria un homme dans la foule.
En un clin d'oeil, celle-ci s'évapora dans les cieux et avec elle, la menace omniprésente qui sévissait dans la région. C'était comme si son souhait avait été entendue des Douze, la Tour de Zott venait de disparaître sous ses yeux, laissant derrière elle une nuée de Matangas sur la plage, inonscient. Au loin, elle pouvait apercevoir le fameux sauveur de l'humanité et une partie des Héritiers de la Septième Aube, essouflés mais vainqueurs. Nombres des siens partirent à vive allure sur la plage pour aider les soldats à s'occuper des subjugués, laissant à ses pensées leur Ordonnatrice qui vit passer dans son regard l'étincelle de la flamme d'un nouvel espoir.
"Elle a bien disparu, je ne vois plus son éther, dit Serana, restée auprès de Lenore, comme Sophia qui prit la parole aussitôt.
- Les tours ne sont donc pas invincibles... C'est une bonne nouvelle."
La destruction d'une tour de l'apocalypse marquait un tournant immense dans l'histoire de l'humanité, comme du sien. Après ça, les talismans de la grande alchimiste Nidhana allaient forcément être produits en masse puis envoyés à l'alliance éorzéenne pour palier à la menace pesant sur le monde. Cela voulait également dire que l'apocalypse pouvait être évitée comme les morts. L'image de Dorian ensanglanté lui traversa l'esprit, lui faisant fermer les yeux douloureusement.
Non... Ceci peut être évité. Il peut être sauvé. Il n'y a plus de doute.
Un long sourpir de soulagement suivit sa pensée, comme si un poids venait de s'enlever de ses épaules. Le vent se levait au fur et à mesure que les rayons de la Lune reprirent leur ascendance sur la région thavnairoise, déjà les premières étoiles apparaissaient au-dessus de la berge. Yedlihmad était à une trentaine de minutes à dos de monture. Elle tourna ses talons et prit le chemin du retour sur le faucon de Sophia qui, depuis peu, s'évertuait à devenir "l'ombre de la Dame" arduement. Ce n'était pas sans lui rappeler le voeu de sa suivante, pas plus que celui de son gardien et de tous ses gens qui lui avaient juré loyauté.
"...PAR LES DOUZE !"
La force de sa voix à elle seule suffit à balayer toutes les feuilles et dossiers bien rangés sur son bureau comme ceux sur celui de sa suivante qui se protégea le visage de ses bras. Tremblantes, les mains de Lenore tenait la note de son époux qui avait mené en son absence l'enquête sur les fragments Riverhood, Dunval et Lyscendre. Contre toute attente, elle qui pensait pouvoir récupérer son fragment facilement, on venait de l'humilier, la ridiculiser ou pire, la devancer. Elle lâcha violemment la note sur son bureau -vierge de tous documents désormais- lorsqu'une dizaine de ses hommes répliqua en courant jusqu'à la direction.
"Madame, tout va bien ?! s'écria Dorian arrivé en trombe, alerte.
- Il y a une note..., déclara Ruuj avant de la lire en diagonale.
- Oh oh, cela ne présage rien de bon quand Dame de Riverhood est comme ça..." murmura B'rume, les oreilles basses.
Pendant que tous remuaient ciel et terre pour comprendre ce qui avait su briser le calme et la maîtrise de l'Ordonnatrice, celle-ci faisait les cents pas devant la cheminée avant de s'arrêter devant cette dernière dans laquelle les flammes mourrantes dansaient au rythme de ses pensées. Tout était plus claire désormais, Alastor n'avait bel et bien pas menti. Ses parents n'avaient pas connu de fin de sa main, de celle d'une autre personne qui s'invitait dans la danse. Un nouvel ennemi qui prenait potentiellement le nom de Celeste de Rosencrow, autrefois une baronne que la Rose avait aidé au travers d'un mandat.
En bonne tacticienne, Lenore savait faire le lien entre les différentes informations. Pendant un an, elle n'avait su trouvé réel coupable pour la mort de ses parents, elle s'était même persuadée qu'Alastor était derrière tout ça, faute de mieux. Aujour'hui, elle tenait enfin un véritable nom. Il fallait encore le prouver, rien n'était acté, mais ce qui autrefois relevait de l'impossible était aujourd'hui la fin du cauchemar.
"Le fragment des Lyscendre se trouve à Garlemald. Je veux qu'une équipe parte immédiatement voir l'alliance éorzéenne pour connaître les dernières informations et apporter notre témoignage sur les événements à Thavnair.
- Bien, Madame." répondit aussitôt Karasu, suivie de Ruuj et de Dorian.
La jeune Camilla de Lyscendre, celle qu'elle avait accueilli au sein de la Rose en raison de son sang et de sa relation intrinsèquement liée au Pacte de la Vérité, s'inquiétait de l'état de la dame, prise en charge par sa dame de compagnie qui faisait attention à l'état du bébé. Elle ne pouvait rien y faire, comme tous les autres restés dans le bureau de l'Ordonnatrice. Les murmures, aussi bas soient-ils, parvenaient aux oreilles de la Dame comme une nuisance qu'elle ne pouvait plus supporter.
"Rompez."
Tout le monde partit aussitôt, à l'exception d'Anaëlle et de Diana qui vint d'arriver. Elles l'entendirent pleurer ce soir-là, à genoux devant la cheminée, impuissantes et déchirées par l'envie de l'aider comme de la soulager de ce poids qu'elle traine depuis trop longtemps déjà. Elles n'étaient pas sottes ; pointer du doigt ses larmes ne feraient qu'envenimer les choses. La Dame savait qu'elle faiblissait et elle détestait ça. Le cristal se fissurait encore et pourtant, il se fissurait pour la dernière fois.
Elle pouvait enfin terminer son deuil.
Lyssie
Il y a 10 mois et 1 jour
"Madame, prenez soin de vous.
- Oui, vous pouvez compter sur nous !"
Aline réajusta une énième fois ses lunettes qui tombaient de sa tête, ses oreilles mordues par le froid d'Ilsabard étaient décorées d'une fine pellicule de neige. Ce froid n'avait rien à voir avec celui du Coerthas, il était bien plus acerbe et sans pitié sans aucun doute. A Bris-de-Glace, les réfugiés garlemaldais étaient bien moins nombreux que les soldats de la délégation qui rentraient de leur expédition, toujours porteurs de mauvaises nouvelles sur l'état de l'Empire de Garlemald.
Jadis, il inspirait la crainte et le désarroi avec ses raids incessants, ses inventions et Carteneau. On disait de l'Empire que ses immeubles étaient suffisamment hauts pour protéger du froid et que ses rues, belles et entretenues, étaient organisées afin que des véhicules et des trains puissent circuler à une vitesse folle. De tout cela ne restait plus que les vestiges d'un temps résolu, entre ruines et paysage morne. Surplombant toute la région, cette immense structure semblable aux tours de l'apocalypse pulsait de cette même aura qu'ils avaient ressenti dans chacune d'entre elles. Le coeur de toute cette mascarade résidait ni plus ni moins au sein du palais impérial.
Lenore rabaissa son regard de la tour jusqu'aux siens, marqués par les derniers événements encore frais dans les esprits. Comme convenu, Dorian manquait à l'appel mais pour rien au monde elle regretterait son choix de l'avoir renvoyé ; son insolence n'avait d'égal que la stupidité qui l'habitait depuis toujours et duquel elle avait toujours fermé les yeux.
"Ne vous inquiétez pas, je me charge de tout, Lenore."
La voix de son époux, qui avait rejoint la délégation dans la journée même, la sortit une nouvelle fois de ses pensées. Le regard sévère, il plaça autour du cou de sa femme sa propre écharpe en signe de protection. Lenore plaça sa main dessus et ferma les yeux. Elle ne pouvait pas rester ici. Les conditions étaient bien trop rudes pour l'enfant qu'elle portait en elle, fragilisé depuis qu'ils avaient détruits deux tours de l'apocalypse une semaine auparavant. A trop se donner, elle en avait oublié les limites que lui imposait son statut de femme enceinte. Lenore était courageuse mais loin d'être stupide ; encore un coup et elle pourrait définitivement le perdre.
Hors de question que cela puisse arriver.
"Au moindre problème, vous me contactez et je rapplique ici. Je resterai aux faits de la délégation."
Derek hocha de la tête à l'unisson avec le reste de la Rose, dont Alice et Aran le petit nouveau qui poussèrent de concert un soupir de soulagement à l'idée que leur Ordonnatrice puisse enfin partir de cette région désolée. En se retournant vers l'éthérite, Lenore put apercevoir un instant que dans le camp, officiers et soldats s'agitaient dans tous les sens. Depuis qu'un groupe des acteurs principaux étaient partis à la gare de Tertium, une pression constante régnait ici... et rien ne présageait de bon pour la suite.
- Oui, vous pouvez compter sur nous !"
Aline réajusta une énième fois ses lunettes qui tombaient de sa tête, ses oreilles mordues par le froid d'Ilsabard étaient décorées d'une fine pellicule de neige. Ce froid n'avait rien à voir avec celui du Coerthas, il était bien plus acerbe et sans pitié sans aucun doute. A Bris-de-Glace, les réfugiés garlemaldais étaient bien moins nombreux que les soldats de la délégation qui rentraient de leur expédition, toujours porteurs de mauvaises nouvelles sur l'état de l'Empire de Garlemald.
Jadis, il inspirait la crainte et le désarroi avec ses raids incessants, ses inventions et Carteneau. On disait de l'Empire que ses immeubles étaient suffisamment hauts pour protéger du froid et que ses rues, belles et entretenues, étaient organisées afin que des véhicules et des trains puissent circuler à une vitesse folle. De tout cela ne restait plus que les vestiges d'un temps résolu, entre ruines et paysage morne. Surplombant toute la région, cette immense structure semblable aux tours de l'apocalypse pulsait de cette même aura qu'ils avaient ressenti dans chacune d'entre elles. Le coeur de toute cette mascarade résidait ni plus ni moins au sein du palais impérial.
Lenore rabaissa son regard de la tour jusqu'aux siens, marqués par les derniers événements encore frais dans les esprits. Comme convenu, Dorian manquait à l'appel mais pour rien au monde elle regretterait son choix de l'avoir renvoyé ; son insolence n'avait d'égal que la stupidité qui l'habitait depuis toujours et duquel elle avait toujours fermé les yeux.
"Ne vous inquiétez pas, je me charge de tout, Lenore."
La voix de son époux, qui avait rejoint la délégation dans la journée même, la sortit une nouvelle fois de ses pensées. Le regard sévère, il plaça autour du cou de sa femme sa propre écharpe en signe de protection. Lenore plaça sa main dessus et ferma les yeux. Elle ne pouvait pas rester ici. Les conditions étaient bien trop rudes pour l'enfant qu'elle portait en elle, fragilisé depuis qu'ils avaient détruits deux tours de l'apocalypse une semaine auparavant. A trop se donner, elle en avait oublié les limites que lui imposait son statut de femme enceinte. Lenore était courageuse mais loin d'être stupide ; encore un coup et elle pourrait définitivement le perdre.
Hors de question que cela puisse arriver.
"Au moindre problème, vous me contactez et je rapplique ici. Je resterai aux faits de la délégation."
Derek hocha de la tête à l'unisson avec le reste de la Rose, dont Alice et Aran le petit nouveau qui poussèrent de concert un soupir de soulagement à l'idée que leur Ordonnatrice puisse enfin partir de cette région désolée. En se retournant vers l'éthérite, Lenore put apercevoir un instant que dans le camp, officiers et soldats s'agitaient dans tous les sens. Depuis qu'un groupe des acteurs principaux étaient partis à la gare de Tertium, une pression constante régnait ici... et rien ne présageait de bon pour la suite.
"Il suffit."
Lentement, Lenore arrangea le foulard blanc de son col. Face au miroir, elle laissait sa dame de compagnie bien silencieuse lisser les faux-pli de ses jupons pour couvrir comme elle pouvait la rondeur de son ventre. La soie blanche ornée de dorures perlées, elle avait retrouvé ses atours de dame de la haute pour lesquels elle devait une partie de sa renommée. Hélas, elle était loin d'apprécier son retour à la Rose des Vents malgré toute la chaleur que la cheminée et les clients toujours aussi réguliers pouvaient lui procurer.
Anaëlle épingla la dernière broche dans les tresses de sa Maîtresse avant de lui faire face, la mine basse et morose. Lenore observait son reflet, le regard vide.
"Va, maintenant. Il te faut retrouver les autres.
- Mais Maîtresse..."
Son regard croisa celui de sa suivante, à la fois interdite et révoltée de savoir sa dame aussi loin d'elle, en sécurité certes mais loin d'elle. Quoi que pouvait dire sa froideur, elles souffraient toutes les deux de cette distance depuis les récents événements et pour ne rien arranger, la menace de la tour de Babil lui semblait être le comble dans cet écart. Lenore prit dans le creux de ses mains les joues d'Anaëlle afin de mieux observer son visage pétrifié de peur.
"Revna n'a pas tort ; si tu veux briller un jour, si tu veux pouvoir évoluer, il faut savoir avancer même quand je ne suis plus là pour te guider. De cette épreuve, tires-en le plus de leçons. Rends-moi fière comme tu l'as toujours fait jusqu'ici."
Au fond d'elle, Lenore s'en mordait les doigts. Elle savait que cela allait arriver tôt ou tard, qu'elle serait mise de côté pour le bien de son propre enfant. Elle l'avait vécu pour Alexander et s'en était tout autant mordu les doigts mais cette fois-ci, c'était bien pire. La rage et la dévotion des garlemaldais, comme leur détresse, elle avait goûté au désespoir d'un peuple en péril et ne pouvait rien faire, si ce n'était qu'attendre bien sagement derrière son bureau. Il n'y avait rien de pire que ce sentiment d'impuissance.
Cela suffit à galvaniser le coeur de sa suivante, juste assez pour qu'elle acquiesce et gonfle son torse. Leurs adieux n'en furent pas moins déchirant pour Anaëlle qui préféra, à l'image de sa Maîtresse, voiler sa tristesse. Pourtant, Lenore ne pouvait qu'entendre vibrer au loin l'écho de ses larmes perlant le sol.
Revenir à l'Escale donnait à la fois l'impression d'une quiétude chaleureuse comme d'un temps mort qu'elle avait, malgré tout, su apprécier. La clientèle, bien moins régulière compte-tenu de la situation, ne laissait que plus de place à ce nouvel artiste, viéra de surcroît, pour briller sur scène. Elle y avait revu sa partenaire commerciale Kaori qui, comme toujours, pensait à sa prochaine gamme de vêtements auprès de Valorius, ou encore Meleth qui, tout comme elle, se laissait charmer par la mélodie de l'artiste afin d'oublier les maux de la guerre. Elle la vit danser auprès de lui sur scène, dissimulant avec peine la douleur de n'avoir touché une scène depuis des lunes. Lui retirer la scène, c'était comme lui retirer la moitié de son âme - une douleur perpétuelle qui ne trouverait aucun remplacement.
Une fois seules à une table de la terrasse loin des regards indiscrets, elles discutèrent du temps perdu. La terreur de Garlemald, ses sbires et ses victimes, elles partagèrent leurs appréhensions et leurs informations sur la situation mais tout cela ne fit qu'alourdir ce sentiment de frustration de l'Ordonnatrice qui serra doucement ses mains sous son ventre.
"Ma condition de femme enceinte ne met permet plus de suivre la délégation et je me vois consignée à la Rose des Vents à la place de mon second -et mari- qui a pris les rennes là-bas."
Elle lui expliqua ce qu'elle y avait vu ; un pays de désolation où les conditions de vie sont inhumaines autant pour elle que pour les garlemaldais eux-même. Ces querelles perpétuelles entre éorzéens et garlemaldais ne la concernaient même pas, elle, une simple ishgardaise qui n'avait connu la douleur de Carteneau ou encore l'occupation garlemaldaise et pourtant, elle en regretterait presque sa condition si l'amour qu'elle portait à son enfant n'était pas aussi grand.
"Je sais que ce n'est pas insensé que je sois "mise de côté". Mon enfant prime et je me suis bien trop donnée.
- Oui, vous avez quelqu'un d'important à protéger et il faut vous ménager, madame."
Meleth, en qualité de viéra qui avait deux siècles devant elle, avait tout de même compris les enjeux d'une femme enceinte. Sa mention de Shinme et du Capitaine Kurusu ne l'avait pas fait tiquer, mais elle comprit aussitôt qu'elle était devenue bien plus compréhensible que ses sœurs de Golmorre. Il était pourtant des mots qu'elle n'acceptait toujours pas. Se ménager alors que d'autres mourraient de froid, c'était...
"C'est bien ce que je fais désormais. Et il est hors de question que je reste là à me tourner les pouces.
- Vous allez aider la délégation depuis l'arrière, c'est ça ?"
A peine avait-elle fini de soupirer que Lenore plaça son regard froid sur sa pupille pleine de vie et d'espoir.
"Vous avez de l'influence, vous devriez pouvoir en user pour lever des fonds ou convaincre les réticents de pardonner et de s'engager. Ou même, accueillir des réfugiés !"
Pleine de bonnes idées, Meleth voyait plus loin qu'elle, marquée par les derniers événements. Les civils avaient besoin d'un refuge, sans chauffage et sans maison ils n'allaient pas faire long feu bien longtemps à la capitale. A trop culpabiliser, elle en avait oublié sa véritable force.
Lentement, Lenore arrangea le foulard blanc de son col. Face au miroir, elle laissait sa dame de compagnie bien silencieuse lisser les faux-pli de ses jupons pour couvrir comme elle pouvait la rondeur de son ventre. La soie blanche ornée de dorures perlées, elle avait retrouvé ses atours de dame de la haute pour lesquels elle devait une partie de sa renommée. Hélas, elle était loin d'apprécier son retour à la Rose des Vents malgré toute la chaleur que la cheminée et les clients toujours aussi réguliers pouvaient lui procurer.
Anaëlle épingla la dernière broche dans les tresses de sa Maîtresse avant de lui faire face, la mine basse et morose. Lenore observait son reflet, le regard vide.
"Va, maintenant. Il te faut retrouver les autres.
- Mais Maîtresse..."
Son regard croisa celui de sa suivante, à la fois interdite et révoltée de savoir sa dame aussi loin d'elle, en sécurité certes mais loin d'elle. Quoi que pouvait dire sa froideur, elles souffraient toutes les deux de cette distance depuis les récents événements et pour ne rien arranger, la menace de la tour de Babil lui semblait être le comble dans cet écart. Lenore prit dans le creux de ses mains les joues d'Anaëlle afin de mieux observer son visage pétrifié de peur.
"Revna n'a pas tort ; si tu veux briller un jour, si tu veux pouvoir évoluer, il faut savoir avancer même quand je ne suis plus là pour te guider. De cette épreuve, tires-en le plus de leçons. Rends-moi fière comme tu l'as toujours fait jusqu'ici."
Au fond d'elle, Lenore s'en mordait les doigts. Elle savait que cela allait arriver tôt ou tard, qu'elle serait mise de côté pour le bien de son propre enfant. Elle l'avait vécu pour Alexander et s'en était tout autant mordu les doigts mais cette fois-ci, c'était bien pire. La rage et la dévotion des garlemaldais, comme leur détresse, elle avait goûté au désespoir d'un peuple en péril et ne pouvait rien faire, si ce n'était qu'attendre bien sagement derrière son bureau. Il n'y avait rien de pire que ce sentiment d'impuissance.
Cela suffit à galvaniser le coeur de sa suivante, juste assez pour qu'elle acquiesce et gonfle son torse. Leurs adieux n'en furent pas moins déchirant pour Anaëlle qui préféra, à l'image de sa Maîtresse, voiler sa tristesse. Pourtant, Lenore ne pouvait qu'entendre vibrer au loin l'écho de ses larmes perlant le sol.
Revenir à l'Escale donnait à la fois l'impression d'une quiétude chaleureuse comme d'un temps mort qu'elle avait, malgré tout, su apprécier. La clientèle, bien moins régulière compte-tenu de la situation, ne laissait que plus de place à ce nouvel artiste, viéra de surcroît, pour briller sur scène. Elle y avait revu sa partenaire commerciale Kaori qui, comme toujours, pensait à sa prochaine gamme de vêtements auprès de Valorius, ou encore Meleth qui, tout comme elle, se laissait charmer par la mélodie de l'artiste afin d'oublier les maux de la guerre. Elle la vit danser auprès de lui sur scène, dissimulant avec peine la douleur de n'avoir touché une scène depuis des lunes. Lui retirer la scène, c'était comme lui retirer la moitié de son âme - une douleur perpétuelle qui ne trouverait aucun remplacement.
Une fois seules à une table de la terrasse loin des regards indiscrets, elles discutèrent du temps perdu. La terreur de Garlemald, ses sbires et ses victimes, elles partagèrent leurs appréhensions et leurs informations sur la situation mais tout cela ne fit qu'alourdir ce sentiment de frustration de l'Ordonnatrice qui serra doucement ses mains sous son ventre.
"Ma condition de femme enceinte ne met permet plus de suivre la délégation et je me vois consignée à la Rose des Vents à la place de mon second -et mari- qui a pris les rennes là-bas."
Elle lui expliqua ce qu'elle y avait vu ; un pays de désolation où les conditions de vie sont inhumaines autant pour elle que pour les garlemaldais eux-même. Ces querelles perpétuelles entre éorzéens et garlemaldais ne la concernaient même pas, elle, une simple ishgardaise qui n'avait connu la douleur de Carteneau ou encore l'occupation garlemaldaise et pourtant, elle en regretterait presque sa condition si l'amour qu'elle portait à son enfant n'était pas aussi grand.
"Je sais que ce n'est pas insensé que je sois "mise de côté". Mon enfant prime et je me suis bien trop donnée.
- Oui, vous avez quelqu'un d'important à protéger et il faut vous ménager, madame."
Meleth, en qualité de viéra qui avait deux siècles devant elle, avait tout de même compris les enjeux d'une femme enceinte. Sa mention de Shinme et du Capitaine Kurusu ne l'avait pas fait tiquer, mais elle comprit aussitôt qu'elle était devenue bien plus compréhensible que ses sœurs de Golmorre. Il était pourtant des mots qu'elle n'acceptait toujours pas. Se ménager alors que d'autres mourraient de froid, c'était...
"C'est bien ce que je fais désormais. Et il est hors de question que je reste là à me tourner les pouces.
- Vous allez aider la délégation depuis l'arrière, c'est ça ?"
A peine avait-elle fini de soupirer que Lenore plaça son regard froid sur sa pupille pleine de vie et d'espoir.
"Vous avez de l'influence, vous devriez pouvoir en user pour lever des fonds ou convaincre les réticents de pardonner et de s'engager. Ou même, accueillir des réfugiés !"
Pleine de bonnes idées, Meleth voyait plus loin qu'elle, marquée par les derniers événements. Les civils avaient besoin d'un refuge, sans chauffage et sans maison ils n'allaient pas faire long feu bien longtemps à la capitale. A trop culpabiliser, elle en avait oublié sa véritable force.
Elle n'arrivait pas fermer l'oeil. Plusieurs fois dans la nuit, elle s'était retournée en espérant voir le cou de son époux avant de réaliser qu'il était bel et bien parti pour Garlemald à son tour. Elle ne comprenait que trop tard sa douleur comme la sienne et préféra se lever du grand lit conjugal pour s'aventurer jusqu'au balcon après avoir enfilé sa chemise de nuit.
Où que vous soyez... Regardez les étoiles.
Les yeux levés au ciel, des étoiles parsemaient l'épais manteau de nuit. Il avait beau être loin, les étoiles, elles, étaient les mêmes. Où qu'il puisse être, ils pouvaient regarder dans la même direction et être non loin de l'autre de la sorte. Une maigre consolation face à l'immensité de son chagrin qu'elle dissimulait chaque jour.
Elle avait pris la décision de reprendre les soirées hebdomadaires de la Rose des Vents, quitte à avoir un service réduit. Si elle n'allait pas prendre les armes pour aider la délégation, ce serait alors financièrement. Elle avait déjà de nombreuses idées ; les artistes ne manquaient pas en Eorzéa et la liste était déjà bien grande. De là à faire de la Rose un refuge pour garlemaldais... Cela lui allait. Cette idée correspondait avec l'essence qu'elle voulait donner à la Rose des Vents.
Où que vous soyez... Regardez les étoiles.
Les yeux levés au ciel, des étoiles parsemaient l'épais manteau de nuit. Il avait beau être loin, les étoiles, elles, étaient les mêmes. Où qu'il puisse être, ils pouvaient regarder dans la même direction et être non loin de l'autre de la sorte. Une maigre consolation face à l'immensité de son chagrin qu'elle dissimulait chaque jour.
Elle avait pris la décision de reprendre les soirées hebdomadaires de la Rose des Vents, quitte à avoir un service réduit. Si elle n'allait pas prendre les armes pour aider la délégation, ce serait alors financièrement. Elle avait déjà de nombreuses idées ; les artistes ne manquaient pas en Eorzéa et la liste était déjà bien grande. De là à faire de la Rose un refuge pour garlemaldais... Cela lui allait. Cette idée correspondait avec l'essence qu'elle voulait donner à la Rose des Vents.
"La Rose est une Arche."
Lyssie
Il y a 10 mois et 1 jour
Elle aurait tant voulu que cela se passe autrement. Assise au bout de la longue table où était servi mets et vin délicieux à la hauteur de la gastronomie ishgardaise, l'invitation de la baronne de Rosencrow aussi spontanée que calculée dénotait d'une certaine audace. Ici, tout brillait, des couverts jusqu'aux trophées méticuleusement rangées sur la cheminée juste derrière la baronne. Rien ne pouvait dissimuler le faste et opulence outrageant de la demeure de Rosencrow, autrefois la demeure De la Neuve.
Elle était accusée par son mari d'obstruer leurs recherches des fragments du Dernier Rêve, si bien qu'il la soupçonnait même du meurtre de ses parents, un an plus tôt. Si tout celait était vrai, alors Lenore se trouvait ni plus ni moins devant l'épicentre de tous ces maux, là où tout avait commencé. La tension était à son comble, le silence pesant, rapidement balayé par le rire fluet de Céleste.
"Nul besoin de se regarder en chien de faïence, Madame la Vicomtesse.
- Allons droit au but en ce cas, dame de Rosencrow."
Revna à ses côtés ne disait mot, le regard sévère. En qualité de Gardien de sa famille, il était non seulement venu pour elle, mais également pour l'enfant qu'elle portait et qui courrait un bien plus grand risque que sa mère. Céleste leva son vin, de ses lèvres carmin un sourire narquois se dessina. Elle était aussi belle qu'insolente, ornée de ses nombreux joyaux.
"Les accusations de votre mari le Vicomte pourrait vous coûter cher sans preuve. Sa réputation le précède à Ul'dah évidemment, mais à Ishgard il n'est personne.
- Comprenez-le, il est bien étrange de n'avoir aucune nouvelle de la famille de la Neuve alors qu'elle venait tout juste de gagner ce domaine, grâce à la générosité de messire Dunval.
- Les aléas de la vie, si je puis dire. Ils avaient beau gagné ce domaine, ils avaient encore besoin d'influence dans cette nouvelle Ishgard. Je remercie votre organisation par ailleurs de m'avoir aidée à rejoindre leur domaine..."
Céleste déposa son verre à moitié plein pour joindre ses mains sur ses couverts, le regard assuré. L'oeil de Revna épiait ses moindres gestes. Le plus étonnant dans tout cette scène était l'absence de gardes. Quelque chose clochait.
"Mais si je vous ai invitée, ce n'est certainement pas pour vous dire ô combien votre époux a été d'une stupidité sans nom. Loin s'en faut, je vous ai demandée pour faire un marché, une alliance disons-le vulgairement.
- Je vous écoute, répondit Lenore qui n'avait pas touché un seul morceau de son assiette.
- Nous voulons toutes les deux la même chose : le Dernier Rêve."
Il lui fallut quelques secondes pour revenir à elle, plongée dans ses pensées. Elle ignorait tout de Céleste et de sa famille, jusqu'aux raisons de son intérêt au sujet du Dernier Rêve. Et le Collectionneur, était-il à sa botte ou était-ce bel et bien une tierce personne en quête de cet artefact ? Trop de questions se bousculaient dans sa tête et elle était loin d'avoir toutes les réponses.
"En dehors des maisons du Pacte de la Vérité, personne n'est au courant de cet artefact.
- Certes, en effet. Pourtant, votre..."pacte" n'est pas aussi secret que vous le pensez ; Thibault de Lyscendre était loin de le cacher lorsqu'il m'a rencontrée. Vous savez, le jeu de la cour.
- Vous avez rencontré Monsieur de Lyscendre, celui porté disparu ?
- Il travaillait pour moi."
L'attention que portait Céleste à sa fourchette était aussi dérangeante qu'inappropriée. Lenore ne savait quoi penser de tout cela. Rien n'accusait Céleste, tout portait à croire que c'était une simple coïncidence.
"Le pouvoir du Dernier Rêve dépasse vos attentes, dame de Rosencrow.
- J'y compte bien. A quoi cela me servirait-il sinon, si ce n'est le pouvoir ? ria aux éclats Céleste.
Lenore vit du coin de l'oeil la main de Revna sur l'une de ses fioles cachées dans son dos.
"Je sais que vous êtes en possession de trois fragments. Unissez-les avec les miens, et nous pourrons toutes les deux avoir ce que nous voulons."
Aussitôt, Lenore se redressa de son siège, les yeux clos. La maitrise de ses émotions lui était de plus en plus difficile depuis que Dorian avait tout fait pour l'épuiser. Revna la regarda, vif et appréhendant la suite. Il était persuadé que tout pouvait déraper en quelques secondes. Il vit sa Maîtresse faire volte-face, le regard sombre.
"C'est bien cela qui nous différencie, Madame la Baronne. Là où vous souhaitez l'utiliser pour du pouvoir, je souhaite rétablir l'équilibre de ce monde.
- Très bien. Ma foi, quel dommage..., dit Céleste tout en se redressant de son siège, un sourire élargi sur les lèvres. J'ai tout de même entendu dire que vous ne quitteriez pas cette demeure."
Et un long silence assourdissant fut. Seul le cliquetis de la grande horloge centrale vrombit partout dans le salon pendant quelques longues secondes. Aucun des trois ne bougea, pas même Céleste qui se délectait en silence de sa victoire, sa silhouette assombri par les flammes de la cheminée derrière elle. Quel qu'était l'issue de ce dîner, elle était partie gagnante.
En un instant, un éclair éthéré traversa Revna de la tête au pied, pris de violent maux de tête. Ce n'était pas le cas de Lenore qui observa, impuissante, son Gardien par dessus l'épaule gauche, le regard effaré. Celui-ci voyait sa peau devenir doucement pâle et ses yeux d'un bleu immaculé. En un instant, elle avait tout compris.
"...LENORE ! SORS D'ICI !" cria Revna qui avait repris ses esprits.
Elle sursauta, sortie de ses pensées et de ses théories. D'un regard sur Céleste, elle la vit voir rouge, une vraie furie en constatant que Lenore n'était pas affectée par son ordre. Elle eut toutefois tout juste le temps d'inspirer que Revna fonça sur elle pour la cogner d'une droite en plein visage qui la sonna quelques minutes. Aussitôt, il se retourna et attrapa la main de Lenore pour sortir du salon en courant. L'urgence de la situation faisait qu'ils ne se parlèrent pas, focalisés à courir aussi vite qu'ils pouvaient jusqu'à l'entrée de la demeure. Celle-ci grouillait de gardes armurés, patientant contre les murs, en rang. Pourtant, ils ne bougèrent pas d'un pouce.
"C'est sûrement car Céleste est sonnée, VITE !"
Quand ils parvinrent jusqu'aux portes du domaine, Lenore courut aussi vite que possible à nouveau dans la neige, sans la main de Revna. Elle s'arrêta à mi-chemin, voyant Revna à bout de souffle aux portes. Il accorda un sourire navré à Lenore qui revint sur ses pas.
"Que faites-vous ?! Nous partons !
- Je...je ne peux pas, Lenore. C'est au dessus de mes forces."
Quelques veines noires pulsaient ci et là sur son visage, indiquant qu'il était bel et bien atteint par la Vérité Noire. L'Ordonnatrice en mordit sa lippe.
"Céleste va bientôt se réveiller. Elle va sûrement ordonner quelque chose d'autre, alors rejoins vite la Rose. Je ferais de mon mieux pour survivre."
Lenore hésita. Elle se tournait et se retournait sans arrêt entre Revna et le portail du domaine un peu plus loin. Abandonner son Gardien ? C'était impensable, ce que faisait Revna était même du suicide ! Mais n'était-ce pas là la plus grande preuve qu'un Gardien avait pu lui faire ? Finalement, Revna cassa une nouvelle fois le code si providentiel des Ishgardais en prenant fermement le poignet de sa Maîtresse.
"Lenore. Je m'en sortirais. Je suis la preuve vivante de celle que l'on cherchait depuis le début."
Elle vit cette étincelle dans les yeux de Revna, forte et ferme qui lui rappelait toute la confiance qu'il mettait en elle. Sans un mot de plus, elle acquiesça et partit en courant sans jamais se retourner.
Derrière elle, Revna ferma les portes de la forteresse, les yeux fermés, résigné.
Elle était accusée par son mari d'obstruer leurs recherches des fragments du Dernier Rêve, si bien qu'il la soupçonnait même du meurtre de ses parents, un an plus tôt. Si tout celait était vrai, alors Lenore se trouvait ni plus ni moins devant l'épicentre de tous ces maux, là où tout avait commencé. La tension était à son comble, le silence pesant, rapidement balayé par le rire fluet de Céleste.
"Nul besoin de se regarder en chien de faïence, Madame la Vicomtesse.
- Allons droit au but en ce cas, dame de Rosencrow."
Revna à ses côtés ne disait mot, le regard sévère. En qualité de Gardien de sa famille, il était non seulement venu pour elle, mais également pour l'enfant qu'elle portait et qui courrait un bien plus grand risque que sa mère. Céleste leva son vin, de ses lèvres carmin un sourire narquois se dessina. Elle était aussi belle qu'insolente, ornée de ses nombreux joyaux.
"Les accusations de votre mari le Vicomte pourrait vous coûter cher sans preuve. Sa réputation le précède à Ul'dah évidemment, mais à Ishgard il n'est personne.
- Comprenez-le, il est bien étrange de n'avoir aucune nouvelle de la famille de la Neuve alors qu'elle venait tout juste de gagner ce domaine, grâce à la générosité de messire Dunval.
- Les aléas de la vie, si je puis dire. Ils avaient beau gagné ce domaine, ils avaient encore besoin d'influence dans cette nouvelle Ishgard. Je remercie votre organisation par ailleurs de m'avoir aidée à rejoindre leur domaine..."
Céleste déposa son verre à moitié plein pour joindre ses mains sur ses couverts, le regard assuré. L'oeil de Revna épiait ses moindres gestes. Le plus étonnant dans tout cette scène était l'absence de gardes. Quelque chose clochait.
"Mais si je vous ai invitée, ce n'est certainement pas pour vous dire ô combien votre époux a été d'une stupidité sans nom. Loin s'en faut, je vous ai demandée pour faire un marché, une alliance disons-le vulgairement.
- Je vous écoute, répondit Lenore qui n'avait pas touché un seul morceau de son assiette.
- Nous voulons toutes les deux la même chose : le Dernier Rêve."
Il lui fallut quelques secondes pour revenir à elle, plongée dans ses pensées. Elle ignorait tout de Céleste et de sa famille, jusqu'aux raisons de son intérêt au sujet du Dernier Rêve. Et le Collectionneur, était-il à sa botte ou était-ce bel et bien une tierce personne en quête de cet artefact ? Trop de questions se bousculaient dans sa tête et elle était loin d'avoir toutes les réponses.
"En dehors des maisons du Pacte de la Vérité, personne n'est au courant de cet artefact.
- Certes, en effet. Pourtant, votre..."pacte" n'est pas aussi secret que vous le pensez ; Thibault de Lyscendre était loin de le cacher lorsqu'il m'a rencontrée. Vous savez, le jeu de la cour.
- Vous avez rencontré Monsieur de Lyscendre, celui porté disparu ?
- Il travaillait pour moi."
L'attention que portait Céleste à sa fourchette était aussi dérangeante qu'inappropriée. Lenore ne savait quoi penser de tout cela. Rien n'accusait Céleste, tout portait à croire que c'était une simple coïncidence.
"Le pouvoir du Dernier Rêve dépasse vos attentes, dame de Rosencrow.
- J'y compte bien. A quoi cela me servirait-il sinon, si ce n'est le pouvoir ? ria aux éclats Céleste.
Lenore vit du coin de l'oeil la main de Revna sur l'une de ses fioles cachées dans son dos.
"Je sais que vous êtes en possession de trois fragments. Unissez-les avec les miens, et nous pourrons toutes les deux avoir ce que nous voulons."
Aussitôt, Lenore se redressa de son siège, les yeux clos. La maitrise de ses émotions lui était de plus en plus difficile depuis que Dorian avait tout fait pour l'épuiser. Revna la regarda, vif et appréhendant la suite. Il était persuadé que tout pouvait déraper en quelques secondes. Il vit sa Maîtresse faire volte-face, le regard sombre.
"C'est bien cela qui nous différencie, Madame la Baronne. Là où vous souhaitez l'utiliser pour du pouvoir, je souhaite rétablir l'équilibre de ce monde.
- Très bien. Ma foi, quel dommage..., dit Céleste tout en se redressant de son siège, un sourire élargi sur les lèvres. J'ai tout de même entendu dire que vous ne quitteriez pas cette demeure."
Et un long silence assourdissant fut. Seul le cliquetis de la grande horloge centrale vrombit partout dans le salon pendant quelques longues secondes. Aucun des trois ne bougea, pas même Céleste qui se délectait en silence de sa victoire, sa silhouette assombri par les flammes de la cheminée derrière elle. Quel qu'était l'issue de ce dîner, elle était partie gagnante.
En un instant, un éclair éthéré traversa Revna de la tête au pied, pris de violent maux de tête. Ce n'était pas le cas de Lenore qui observa, impuissante, son Gardien par dessus l'épaule gauche, le regard effaré. Celui-ci voyait sa peau devenir doucement pâle et ses yeux d'un bleu immaculé. En un instant, elle avait tout compris.
"...LENORE ! SORS D'ICI !" cria Revna qui avait repris ses esprits.
Elle sursauta, sortie de ses pensées et de ses théories. D'un regard sur Céleste, elle la vit voir rouge, une vraie furie en constatant que Lenore n'était pas affectée par son ordre. Elle eut toutefois tout juste le temps d'inspirer que Revna fonça sur elle pour la cogner d'une droite en plein visage qui la sonna quelques minutes. Aussitôt, il se retourna et attrapa la main de Lenore pour sortir du salon en courant. L'urgence de la situation faisait qu'ils ne se parlèrent pas, focalisés à courir aussi vite qu'ils pouvaient jusqu'à l'entrée de la demeure. Celle-ci grouillait de gardes armurés, patientant contre les murs, en rang. Pourtant, ils ne bougèrent pas d'un pouce.
"C'est sûrement car Céleste est sonnée, VITE !"
Quand ils parvinrent jusqu'aux portes du domaine, Lenore courut aussi vite que possible à nouveau dans la neige, sans la main de Revna. Elle s'arrêta à mi-chemin, voyant Revna à bout de souffle aux portes. Il accorda un sourire navré à Lenore qui revint sur ses pas.
"Que faites-vous ?! Nous partons !
- Je...je ne peux pas, Lenore. C'est au dessus de mes forces."
Quelques veines noires pulsaient ci et là sur son visage, indiquant qu'il était bel et bien atteint par la Vérité Noire. L'Ordonnatrice en mordit sa lippe.
"Céleste va bientôt se réveiller. Elle va sûrement ordonner quelque chose d'autre, alors rejoins vite la Rose. Je ferais de mon mieux pour survivre."
Lenore hésita. Elle se tournait et se retournait sans arrêt entre Revna et le portail du domaine un peu plus loin. Abandonner son Gardien ? C'était impensable, ce que faisait Revna était même du suicide ! Mais n'était-ce pas là la plus grande preuve qu'un Gardien avait pu lui faire ? Finalement, Revna cassa une nouvelle fois le code si providentiel des Ishgardais en prenant fermement le poignet de sa Maîtresse.
"Lenore. Je m'en sortirais. Je suis la preuve vivante de celle que l'on cherchait depuis le début."
Elle vit cette étincelle dans les yeux de Revna, forte et ferme qui lui rappelait toute la confiance qu'il mettait en elle. Sans un mot de plus, elle acquiesça et partit en courant sans jamais se retourner.
Derrière elle, Revna ferma les portes de la forteresse, les yeux fermés, résigné.
Il avait au moins honoré son serment.
Lyssie
Il y a 10 mois et 1 jour
Un dernier baiser sur le front d'Alexander somnolant et le voilà parti derrière la porte du vestibule pour son landau dans les bras d'Anaëlle. Bientôt, il devra accueillir un autre petit prodige à ses côtés et Derek avait de plus en plus l'intime conviction que ce serait une fille cette fois-ci, sans raison apparente, simplement guidé par sa propre envie. Il allait sans dire qu'il faisait un excellent père, quoi que l'on puisse dire.
Un an déjà, leur jeune louveteau avait déjà exprimé ses premiers mots et fait ses premiers pas, mais pour l'heure Lenore était parvenue à avoir un moment avec son père juste avant son concert annuel à l'Escale. Le redoux se confondait par moment avec l'air marin lorsqu'elle le rejoignit sur le tapis de fleurs dans leurs jardins, sous le grand arbre dont on voyait déjà quelques bourgeons apparaître.
"Venez par ici, que je vous sente vous et notre fille.
- A peine avez-vous accepté votre statut de père que vous ne parlez plus que de ça, soupira Lenore d'un rire léger tout en plaçant la tête de son époux sur ses cuisses. Ne savourez pas votre victoire trop vite."
Il étira un sourire satisfait alors qu'il ferma les yeux pour profiter du confort que lui offrait sa femme. Comme toujours, ils n'avaient que très peu de temps à se consacrer. Les affaires, la gestion de la compagnie, leurs propres vocations et maintenant de nouveau les recrutements, seuls Alexander et cette journée spéciale Valention étaient ce qui leur permirent un peu de temps à deux.
Dans le jardin du Repos du Loup, arbustes et terrasses étaient entretenus avec attention comme l'aimait la cantatrice. Anaëlle avait pris soin de leur laisser un panier à pique-nique à côté d'eux avant de partir s'occuper de l'héritier. Tête sur ses cuisses, Derek avait collé son oreille gauche contre le ventre arrondi de son épouse, un sourire béat s'affichant sur son visage lorsqu'il entendait du mouvement. Elle se surprit à sourire à son tour, ce sentiment de sécurité et de chaleur lui semblaient à des kilomètres. Cela faisait donc autant de temps qu'ils ne s'étaient pas retrouvés ici, tous les deux ? Bientôt deux ans déjà qu'elle partageait son quotidien, ses nuits et cette vie si loin d'être banale pour une femme de sa trempe. Drastiquement opposés et c'est ce qui avait fait leur force, aussi soudaine que frappante.
La brise hivernale fit frissonner son échine, il ouvrit un oeil pour s'assurer de l'état de sa femme lorsqu'il aperçut son sourire.
"Il est rare de vous voir sourire. C'est même un exploit.
- Je profite de l'instant présent passé à vos côtés, mon amour."
Elle remerciait ses années de cours sur l'étiquette et les bonnes manières pour contrôler ses émotions. Elle aurait tant voulu lui parler de sa vision, du cri provenant des profondeurs qu'elle avait subi il y a de cela deux soleils...mais ce serait lui gâcher la fête, à lui aussi. L'écho de la voix de Revna lui revint en tête un instant.
Un an déjà, leur jeune louveteau avait déjà exprimé ses premiers mots et fait ses premiers pas, mais pour l'heure Lenore était parvenue à avoir un moment avec son père juste avant son concert annuel à l'Escale. Le redoux se confondait par moment avec l'air marin lorsqu'elle le rejoignit sur le tapis de fleurs dans leurs jardins, sous le grand arbre dont on voyait déjà quelques bourgeons apparaître.
"Venez par ici, que je vous sente vous et notre fille.
- A peine avez-vous accepté votre statut de père que vous ne parlez plus que de ça, soupira Lenore d'un rire léger tout en plaçant la tête de son époux sur ses cuisses. Ne savourez pas votre victoire trop vite."
Il étira un sourire satisfait alors qu'il ferma les yeux pour profiter du confort que lui offrait sa femme. Comme toujours, ils n'avaient que très peu de temps à se consacrer. Les affaires, la gestion de la compagnie, leurs propres vocations et maintenant de nouveau les recrutements, seuls Alexander et cette journée spéciale Valention étaient ce qui leur permirent un peu de temps à deux.
Dans le jardin du Repos du Loup, arbustes et terrasses étaient entretenus avec attention comme l'aimait la cantatrice. Anaëlle avait pris soin de leur laisser un panier à pique-nique à côté d'eux avant de partir s'occuper de l'héritier. Tête sur ses cuisses, Derek avait collé son oreille gauche contre le ventre arrondi de son épouse, un sourire béat s'affichant sur son visage lorsqu'il entendait du mouvement. Elle se surprit à sourire à son tour, ce sentiment de sécurité et de chaleur lui semblaient à des kilomètres. Cela faisait donc autant de temps qu'ils ne s'étaient pas retrouvés ici, tous les deux ? Bientôt deux ans déjà qu'elle partageait son quotidien, ses nuits et cette vie si loin d'être banale pour une femme de sa trempe. Drastiquement opposés et c'est ce qui avait fait leur force, aussi soudaine que frappante.
La brise hivernale fit frissonner son échine, il ouvrit un oeil pour s'assurer de l'état de sa femme lorsqu'il aperçut son sourire.
"Il est rare de vous voir sourire. C'est même un exploit.
- Je profite de l'instant présent passé à vos côtés, mon amour."
Elle remerciait ses années de cours sur l'étiquette et les bonnes manières pour contrôler ses émotions. Elle aurait tant voulu lui parler de sa vision, du cri provenant des profondeurs qu'elle avait subi il y a de cela deux soleils...mais ce serait lui gâcher la fête, à lui aussi. L'écho de la voix de Revna lui revint en tête un instant.
"Il faudra leur en faire part tout de même avant le drame..."
Derek referma les yeux, apaisé, reportant son attention sur la -potentielle- deuxième femme de sa vie qui séjournait tranquillement dans le ventre de celle qu'il avait faite sienne.
"Je l'entends de plus en plus fréquemment.
- Il reste pourtant cinq lunes..." souffla-t-elle.
Il releva une main possessive sur le dos de son épouse comme s'il allait pour la presser davantage contre lui. Les yeux fermés, il profitait sans même demander l'avis à sa femme de ce spectacle interne. A n'en point douter, ce bébé était définitivement bien plus actif qu'Alexander.
"Qui qu'il puisse être, il vous ressemble.
- Je ferais d'elle une battante et ce n'est pas une suggestion." dit-il d'un sourire arrogant.
Depuis quelques lunes, il aimait dire qu'ils n'étaient pas un couple ordinaire et c'était peu dire. Elle se souvint du coup divin que Derek avait mené à son encontre, ce mariage arrangé qui n'avait rien d'un amour et qui, pourtant, avait laissé place aux étincelles de leurs premiers contacts. Cette première flamme qui laissa place à une routine jonchée d'obstacles depuis qu'ils avaient ce tandem apprécié de tous -et qui fonctionnait bien surtout- à la tête de leurs organisations. L'éducation d'Alexander aussi avait fait d'eux une autre personne, et ce serait mentir de dire qu'elle n'avait pas changé depuis le temps. De la frêle fleur bleue d'Ishgard, de cette image d'une cantatrice naïve, elle était devenue cette femme à la mentalité d'acier qui ne reculerait devant rien pour l'avenir de sa famille et des siens. Cette affirmation, elle le devait autant aux aléas de la vie comme à son époux qui avait fait d'elle une véritable louve.
Ils restèrent ainsi jusqu'à la fin de l'après-midi, à discuter de leur avenir et de leurs projets. Lenore s'efforçait à penser autre chose ; l'apocalypse n'était pas encore là et depuis l'arrestation de Céleste, tous les mystères -ou presque- autour d'elle, qui avait mené à ce changement drastique, avaient disparu. Il n'était plus question de négliger sa famille... Elle devait vivre chaque instant avec elle.
"Je l'entends de plus en plus fréquemment.
- Il reste pourtant cinq lunes..." souffla-t-elle.
Il releva une main possessive sur le dos de son épouse comme s'il allait pour la presser davantage contre lui. Les yeux fermés, il profitait sans même demander l'avis à sa femme de ce spectacle interne. A n'en point douter, ce bébé était définitivement bien plus actif qu'Alexander.
"Qui qu'il puisse être, il vous ressemble.
- Je ferais d'elle une battante et ce n'est pas une suggestion." dit-il d'un sourire arrogant.
Depuis quelques lunes, il aimait dire qu'ils n'étaient pas un couple ordinaire et c'était peu dire. Elle se souvint du coup divin que Derek avait mené à son encontre, ce mariage arrangé qui n'avait rien d'un amour et qui, pourtant, avait laissé place aux étincelles de leurs premiers contacts. Cette première flamme qui laissa place à une routine jonchée d'obstacles depuis qu'ils avaient ce tandem apprécié de tous -et qui fonctionnait bien surtout- à la tête de leurs organisations. L'éducation d'Alexander aussi avait fait d'eux une autre personne, et ce serait mentir de dire qu'elle n'avait pas changé depuis le temps. De la frêle fleur bleue d'Ishgard, de cette image d'une cantatrice naïve, elle était devenue cette femme à la mentalité d'acier qui ne reculerait devant rien pour l'avenir de sa famille et des siens. Cette affirmation, elle le devait autant aux aléas de la vie comme à son époux qui avait fait d'elle une véritable louve.
Ils restèrent ainsi jusqu'à la fin de l'après-midi, à discuter de leur avenir et de leurs projets. Lenore s'efforçait à penser autre chose ; l'apocalypse n'était pas encore là et depuis l'arrestation de Céleste, tous les mystères -ou presque- autour d'elle, qui avait mené à ce changement drastique, avaient disparu. Il n'était plus question de négliger sa famille... Elle devait vivre chaque instant avec elle.
"J'ai aimé que vous me défendiez."
Contre toute attente, la soirée avait été mouvementée, mais c'était contre son torse nu qu'elle se termina, allongés sur le tapis en fourrure devant les flammes dansantes de la cheminée. Habillés seulement de leur tenue d'Eve, elle appréciait entendre les battements du coeur de l'Aigle qui avait le regard plongé sur sa femme contre lui.
Il l’avait défendue ce soir-là à l’Escale, quand dans les hauteurs de l’établissement le mari Kurusu avait rappelé au monde entier ce pourquoi il était le plus connu : ses esclandres. Elle repensa à Kikyo qui avait protégé son mari aussi ardemment que l’avait fait Derek envers elle. Elle était attristée de voir jusqu’où elle pouvait s’isoler, mais ses origines domiennes devaient forcément entrer en compte, qu’elle soit ou non de la noblesse aujourd’hui.
"Si je suis le premier à vous tenir tête, je suis également le premier à vous défendre, qu’importe contre qui." dit-il d’une voix calme en caressant la longue chevelure de sa femme.
Elle songea longuement. C’était la journée de l’amour, de l’amitié et surtout, de la paix. Une journée où l’on devait célébrer l’amour que chacun portait à ses proches, pas pointer l’égo des hommes. A force de voir des domiens à l’égo-surdimensionné, elle allait commencer à devenir aussi raciste qu’eux envers les xaelas. Derek glissa sa main jusqu’au menton de sa dulcinée pour lui relever la tête, elle sortit immédiatement de ses pensées.
"Je ne le sais que trop bien. Et même si cela vous aurait porté préjudice, j’aurais aimé vous voir vous battre, avoua-t-elle d’un léger rire mesuré.
- Dixit celle qui tenait mon bras pour m’éloigner…"
Un frisson insaisissable lui parcourut le dos lorsqu’il remonta sa main d’une caresse jusqu’à sa nuque. C’était fin, léger, mais juste assez pour laisser germer en elle les cris de la nuit. Elle ne pensait pas ce qu'elle disait. Lenore n'était pas de celles qui s'émoustillaient pour un combat entre coqs, elle valait bien plus que cela. Elle en riait, sûrement amusée de cette tendance que certains pouvaient éprouver mais ce qu'elle voulait par dessus tout à ce moment précis était de partager la nuit de l'Aigle.
Sur le mur, deux silhouettes dessinées par les flammes de la cheminée exprimeraient leur amour cette nuit-là, dans l’intimité la plus pure ainsi que la passion la plus dévorante.
Contre toute attente, la soirée avait été mouvementée, mais c'était contre son torse nu qu'elle se termina, allongés sur le tapis en fourrure devant les flammes dansantes de la cheminée. Habillés seulement de leur tenue d'Eve, elle appréciait entendre les battements du coeur de l'Aigle qui avait le regard plongé sur sa femme contre lui.
Il l’avait défendue ce soir-là à l’Escale, quand dans les hauteurs de l’établissement le mari Kurusu avait rappelé au monde entier ce pourquoi il était le plus connu : ses esclandres. Elle repensa à Kikyo qui avait protégé son mari aussi ardemment que l’avait fait Derek envers elle. Elle était attristée de voir jusqu’où elle pouvait s’isoler, mais ses origines domiennes devaient forcément entrer en compte, qu’elle soit ou non de la noblesse aujourd’hui.
"Si je suis le premier à vous tenir tête, je suis également le premier à vous défendre, qu’importe contre qui." dit-il d’une voix calme en caressant la longue chevelure de sa femme.
Elle songea longuement. C’était la journée de l’amour, de l’amitié et surtout, de la paix. Une journée où l’on devait célébrer l’amour que chacun portait à ses proches, pas pointer l’égo des hommes. A force de voir des domiens à l’égo-surdimensionné, elle allait commencer à devenir aussi raciste qu’eux envers les xaelas. Derek glissa sa main jusqu’au menton de sa dulcinée pour lui relever la tête, elle sortit immédiatement de ses pensées.
"Je ne le sais que trop bien. Et même si cela vous aurait porté préjudice, j’aurais aimé vous voir vous battre, avoua-t-elle d’un léger rire mesuré.
- Dixit celle qui tenait mon bras pour m’éloigner…"
Un frisson insaisissable lui parcourut le dos lorsqu’il remonta sa main d’une caresse jusqu’à sa nuque. C’était fin, léger, mais juste assez pour laisser germer en elle les cris de la nuit. Elle ne pensait pas ce qu'elle disait. Lenore n'était pas de celles qui s'émoustillaient pour un combat entre coqs, elle valait bien plus que cela. Elle en riait, sûrement amusée de cette tendance que certains pouvaient éprouver mais ce qu'elle voulait par dessus tout à ce moment précis était de partager la nuit de l'Aigle.
Sur le mur, deux silhouettes dessinées par les flammes de la cheminée exprimeraient leur amour cette nuit-là, dans l’intimité la plus pure ainsi que la passion la plus dévorante.
"Je vous aime."
Lyssie
Il y a 10 mois et 1 jour
Ce jour-là, l'humanité toute entière se souviendrait de cet instant tout comme elle, protégeant cet enfant qu'elle ne connaissait ni d'Eve ni d'Adam comme la prunelle de ses yeux. Un second météore, plus petit que le premier qu'ils avaient pu voir plus tôt, menaçait de s'abattre sur le groupe à une allure bien plus vive que le dernier mais, ce jour-là, la Volonté Divine avait voulu qu'il en soit ainsi.
"NON !"
La voix de Dorian s'éleva derrière elle, forte et déterminée, la forçant à relever son regard vers lui. Même épuisé et sans éther, il puisa dans son éther vital pour repousser une énième fois la catastrophe. Dorian était fort, courageux et incroyablement têtu, c'était justement cela qu'elle redoutait le plus. L'impact fut violent, deux forces s'opposaient dont l'une brillait d'une lumière salvatrice et angélique, au zénith de sa gloire. La poussière se souleva, les arbres et les quelques monstres qui les suivirent se couchèrent, écrasés par le coup puissant de ce météore venu du déchirement de la terre.
Oui, ce jour-là, elle se souviendrait.
"NON !"
La voix de Dorian s'éleva derrière elle, forte et déterminée, la forçant à relever son regard vers lui. Même épuisé et sans éther, il puisa dans son éther vital pour repousser une énième fois la catastrophe. Dorian était fort, courageux et incroyablement têtu, c'était justement cela qu'elle redoutait le plus. L'impact fut violent, deux forces s'opposaient dont l'une brillait d'une lumière salvatrice et angélique, au zénith de sa gloire. La poussière se souleva, les arbres et les quelques monstres qui les suivirent se couchèrent, écrasés par le coup puissant de ce météore venu du déchirement de la terre.
Oui, ce jour-là, elle se souviendrait.
Tout avait commencé en arrivant à Yedlihmad pour une "banale" recherche des orphelins enlevés par la mère de Revna. A peine avait-ils posé un pied dans le village qu'ils avaient pu constater ce ciel déchiré par les flammes, les météores et une multitudes de monstres volants. Il lui avait fallu du temps pour réaliser, et en se retournant vers les siens, elle savait qu'il était trop tard.
"Je ne voulais pas vous le dire avant, car je voulais que vous savouriez ces quelques jours de repos.
- Vous le saviez ? demanda Karasu, prise au dépourvu comme les autres.
- ...oui."
Elle ne pouvait pas savoir si Karasu lui en voulait, ou si elle comprenait. La raenne, connue pour son tempérament à chaud, aurait pourtant eu tous les droits au monde de lui en vouloir, de s'indigner. L'urgence de la situation, hélas, rattrapa chaque réaction - le temps était compté. A peine sorti du village, Lenore dût se séparer de Revna, réquisitionné par l'Ost Rayonnant pour protéger les lignes arrières. Elle lui avait demandé de leur faire confiance, et une fois de plus, il pouvait le faire.
La jungle de Thavnair était un carnage sans précédent. Remontant le fleuve, ils entendaient avec effroi des cris déchirant, ils voyaient des humains se faire dévorer vivant par des bêtes plus monstrueuses qu'inimaginables. Même si leur but était de retrouver cette jeune S'ohko, plusieurs fois ils s'étaient séparés afin de venir en aide à chaque âme qu'ils rencontraient.
Pour Lenore, c'était vivre son propre cauchemar qu'elle avait fait un nombre inlassable de fois. Chaque jour, elle revoyait exactement le même schéma qui se déroulait sous ses yeux, impuissante. malgré son statut de messagère divine, cela dépassait ses propres capacités. Qu'attendaient les Douze d'elle ? Elle n'était pourtant qu'une humaine parmi tant d'autres, elle n'était pas aussi forte que le Guerrier de la Lumière, elle n'était pas aussi importante que les têtes pensantes de chaque sainte cité. Elle n'avait aucun dieu, ni kami à ses côtés, elle n'avait que ce don de clairvoyance et jusque là, il avait toujours été centré sur la mort de ses proches et elle avait toujours un moyen d'avoir une influence dessus.
La mort de ses proches. A chaque fois qu'ils traversaient des situations compliquées, son attention se braquait sur Dorian qui, encore une fois, avait bravé l'interdit pour être à ses côtés. Le repousser en des temps aussi difficiles était puéril et insensé, il fallait se faire une raison.
"Dorian, vous restez avec moi, nous traverserons cela... ensemble."
Rien n'aurait pu faire plus plaisir à cet utopiste chevaleresque que les mots de l'amie qu'il avait toujours admiré et aimé. A deux, ils repoussaient les entités du néant -ou voilà comment elle les voyait sans plus d'informations- à deux, presque main dans la main. Si lui protégeait, elle renforçait le mental des siens et des enfants qu'ils sauvaient au fur et à mesure. S'il y avait bien une chose qu'elle avait appris dans ce périple, c'était que les sentiments négatifs, surtout le désespoir, entraînait ces transformations.
L'annonce de la mort d'Alice par linkperle coïncida au cri aussi déchirant que monstrueux de Lenore. Il était si abominable et affreux qu'elle paralysa les siens et rajouta une difficulté en plus, comme s'ils en avaient besoin. Pourtant, c'était bien plus fort qu'elle, cela venait d'un besoin inexpliqué qui la forçait, toujours, à crier de toutes ses forces...et ce n'était que les prémices d'une descente aux enfers qu'elle allait bientôt connaître. Mais hors de question de se laisser abattre, Lenore valait bien plus que ça.
"Je ne voulais pas vous le dire avant, car je voulais que vous savouriez ces quelques jours de repos.
- Vous le saviez ? demanda Karasu, prise au dépourvu comme les autres.
- ...oui."
Elle ne pouvait pas savoir si Karasu lui en voulait, ou si elle comprenait. La raenne, connue pour son tempérament à chaud, aurait pourtant eu tous les droits au monde de lui en vouloir, de s'indigner. L'urgence de la situation, hélas, rattrapa chaque réaction - le temps était compté. A peine sorti du village, Lenore dût se séparer de Revna, réquisitionné par l'Ost Rayonnant pour protéger les lignes arrières. Elle lui avait demandé de leur faire confiance, et une fois de plus, il pouvait le faire.
La jungle de Thavnair était un carnage sans précédent. Remontant le fleuve, ils entendaient avec effroi des cris déchirant, ils voyaient des humains se faire dévorer vivant par des bêtes plus monstrueuses qu'inimaginables. Même si leur but était de retrouver cette jeune S'ohko, plusieurs fois ils s'étaient séparés afin de venir en aide à chaque âme qu'ils rencontraient.
Pour Lenore, c'était vivre son propre cauchemar qu'elle avait fait un nombre inlassable de fois. Chaque jour, elle revoyait exactement le même schéma qui se déroulait sous ses yeux, impuissante. malgré son statut de messagère divine, cela dépassait ses propres capacités. Qu'attendaient les Douze d'elle ? Elle n'était pourtant qu'une humaine parmi tant d'autres, elle n'était pas aussi forte que le Guerrier de la Lumière, elle n'était pas aussi importante que les têtes pensantes de chaque sainte cité. Elle n'avait aucun dieu, ni kami à ses côtés, elle n'avait que ce don de clairvoyance et jusque là, il avait toujours été centré sur la mort de ses proches et elle avait toujours un moyen d'avoir une influence dessus.
La mort de ses proches. A chaque fois qu'ils traversaient des situations compliquées, son attention se braquait sur Dorian qui, encore une fois, avait bravé l'interdit pour être à ses côtés. Le repousser en des temps aussi difficiles était puéril et insensé, il fallait se faire une raison.
"Dorian, vous restez avec moi, nous traverserons cela... ensemble."
Rien n'aurait pu faire plus plaisir à cet utopiste chevaleresque que les mots de l'amie qu'il avait toujours admiré et aimé. A deux, ils repoussaient les entités du néant -ou voilà comment elle les voyait sans plus d'informations- à deux, presque main dans la main. Si lui protégeait, elle renforçait le mental des siens et des enfants qu'ils sauvaient au fur et à mesure. S'il y avait bien une chose qu'elle avait appris dans ce périple, c'était que les sentiments négatifs, surtout le désespoir, entraînait ces transformations.
L'annonce de la mort d'Alice par linkperle coïncida au cri aussi déchirant que monstrueux de Lenore. Il était si abominable et affreux qu'elle paralysa les siens et rajouta une difficulté en plus, comme s'ils en avaient besoin. Pourtant, c'était bien plus fort qu'elle, cela venait d'un besoin inexpliqué qui la forçait, toujours, à crier de toutes ses forces...et ce n'était que les prémices d'une descente aux enfers qu'elle allait bientôt connaître. Mais hors de question de se laisser abattre, Lenore valait bien plus que ça.
"Le sommeil vous appelle, votre mère attend. Dormez."
Cela lui était venu comme ça. L'usage de son don pour la voix était particulièrement efficace, mais loin d'être aussi vindicatif. D'un seul ordre, sa Voix s'était muée d'un écho spectral et obligeait les enfants à s'évanouir pour éviter qu'ils ne se transforment, eux aussi. Après l'immunité qu'elle avait su avoir face à la Vérité Noire, voilà qu'une nouvelle chose se présentait à elle... Une vérité blanche ? Une vérité tout court ? Qu'était-ce, au fond ?
Qu'importe, le temps pressait et ils allaient bientôt rejoindre Radz-at-Han. Leur équipe était parfaitement coordonnée malgré une stupeur et une peur constante. Personne ne se laissait aller au désespoir, même si beaucoup l'approchaient. Ils étaient forts, nombreux, vaillants et courageux... Ils étaient parfaits, ou voilà ce qu'elle aimait penser en se reprenant en main en qualité d'Ordonnatrice.
Qu'importe, le temps pressait et ils allaient bientôt rejoindre Radz-at-Han. Leur équipe était parfaitement coordonnée malgré une stupeur et une peur constante. Personne ne se laissait aller au désespoir, même si beaucoup l'approchaient. Ils étaient forts, nombreux, vaillants et courageux... Ils étaient parfaits, ou voilà ce qu'elle aimait penser en se reprenant en main en qualité d'Ordonnatrice.
Lorsque le rideau de poussière s'abattit, Lenore leva les yeux sur le corps de Dorian gisant face contre le sol, une jambe retournée, la tête ensanglantée et une épaule bien trop basse pour être normale, il ne bougeait plus. A cet instant, l'image d'un Dorian baigné dans son propre sang dans sa vision prophétique qu'elle avait eu des lunes plus tôt lui traversa l'esprit, la voix de celle qu'elle avait toujours rejeté pour le protéger lui parvenant tel un écho.
"Jusqu'à la fin, je serai votre ami."
"Non... non, non, si vous êtes mon ami, POURQUOI PARTEZ-VOUS ?!"
Elle déposa l'enfant endormi de force sur le sol pour se jeter à son chevet, se saignant les genoux jusqu'à lui. Elle l'effleurait à peine de ses mains, interdite. Le sang coulant sur son visage jusqu'à former une larme sous son oeil, ce regard à moitié éteint, ces lèvres qui balbutiait un murmure, tout était exactement pareil au détail près. Elle se pencha pour l'écouter, alerte. B'rume n'arrêtait pas de hurler à l'approche d'autres monstruosités.
"Jusqu'à la fin...je serai...votre ami."
Ce jour-là, quelque chose se brisa en elle. Elle aurait voulu le sermonner une énième fois, lui crier dessus, lui dire ô combien il avait tort et toujours tort, que son utopie allait devoir cesser. Le regard livide, elle avait pourtant troqué sa colère pour une impassibilité déchirante. Elle avait éteint son propre coeur et se releva machinalement pour tenter de tirer le corps disloqué de celui qui avait toujours été son meilleur ami vers leur destination. Elle entendait les voix des siens crier, paniquer, hurler mais tout était si loin, semblable à un bourdonnement sourd.
Elle ne vit pas tout de suite le sourire de Dorian qui, malgré aux portes de la mort, partait heureux et comblé. Elle ne vit pas tout de suite qu'en une seconde, ce bras qu'elle tirait avait été coupé par la faux de Revna dans le but de courir plus vite vers la capitale. Surtout, elle ne comprit pas tout de suite qu'elle n'avait jamais pu lui dire encore qu'elle ne le détestait pas, que pendant ces dernières lunes, elle n'avait fait que le repousser pour le protéger et l'épargner. La voix de Revna survint de loin, comme la ramenant à la réalité.
"Dites-lui, criez-le lui, mais courrez, n'arrêtez jamais de courir !"
Elle se débattait, elle criait de toutes ses forces mais rien n'y faisait, jamais son Gardien ne la laisserait rejoindre Dorian désormais trop loin et en proie aux monstres dantesques. Karasu et B'rume étaient d'ailleurs restés au loin, Lenore avait pris bien trop de temps pour bouger, elle les avait mis en danger.
Parmi toute la jungle, la voix de Lenore résonna comme une pulsion sonique.
"JE NE VOUS HAIS PAS ! JE NE VOUS AI JAMAIS HAÏ !"
Arrivés aux portes de la capitale, le vent se leva sur un refuge instable, mais assez stable pour se reposer au moins quelques minutes. Lenore n'était plus la même, comme tous les siens autour d'elle. Elle tomba à genoux, cajolant contre elle le bras ganté de Dorian de Belmont. Karasu perdit également pied lorsqu'elle comprit en voyant son Ordonnatrice au plus bas que terre. Elle s'approcha et osa à peine bouger, ses yeux humides et rouges. Finalement, Revna survint auprès d'elles pour les enlacer toutes les deux, sans un mot, sans un commentaire. Au centre de leur étreinte trônait le dernier vestige d'un chevalier ishgardais bien trop utopique pour ce monde et qui malgré tout, avait honoré sa promesse de sauver celle qu'il admirait depuis tant d'années.
Elle déposa l'enfant endormi de force sur le sol pour se jeter à son chevet, se saignant les genoux jusqu'à lui. Elle l'effleurait à peine de ses mains, interdite. Le sang coulant sur son visage jusqu'à former une larme sous son oeil, ce regard à moitié éteint, ces lèvres qui balbutiait un murmure, tout était exactement pareil au détail près. Elle se pencha pour l'écouter, alerte. B'rume n'arrêtait pas de hurler à l'approche d'autres monstruosités.
"Jusqu'à la fin...je serai...votre ami."
Ce jour-là, quelque chose se brisa en elle. Elle aurait voulu le sermonner une énième fois, lui crier dessus, lui dire ô combien il avait tort et toujours tort, que son utopie allait devoir cesser. Le regard livide, elle avait pourtant troqué sa colère pour une impassibilité déchirante. Elle avait éteint son propre coeur et se releva machinalement pour tenter de tirer le corps disloqué de celui qui avait toujours été son meilleur ami vers leur destination. Elle entendait les voix des siens crier, paniquer, hurler mais tout était si loin, semblable à un bourdonnement sourd.
Elle ne vit pas tout de suite le sourire de Dorian qui, malgré aux portes de la mort, partait heureux et comblé. Elle ne vit pas tout de suite qu'en une seconde, ce bras qu'elle tirait avait été coupé par la faux de Revna dans le but de courir plus vite vers la capitale. Surtout, elle ne comprit pas tout de suite qu'elle n'avait jamais pu lui dire encore qu'elle ne le détestait pas, que pendant ces dernières lunes, elle n'avait fait que le repousser pour le protéger et l'épargner. La voix de Revna survint de loin, comme la ramenant à la réalité.
"Dites-lui, criez-le lui, mais courrez, n'arrêtez jamais de courir !"
Elle se débattait, elle criait de toutes ses forces mais rien n'y faisait, jamais son Gardien ne la laisserait rejoindre Dorian désormais trop loin et en proie aux monstres dantesques. Karasu et B'rume étaient d'ailleurs restés au loin, Lenore avait pris bien trop de temps pour bouger, elle les avait mis en danger.
Parmi toute la jungle, la voix de Lenore résonna comme une pulsion sonique.
"JE NE VOUS HAIS PAS ! JE NE VOUS AI JAMAIS HAÏ !"
Arrivés aux portes de la capitale, le vent se leva sur un refuge instable, mais assez stable pour se reposer au moins quelques minutes. Lenore n'était plus la même, comme tous les siens autour d'elle. Elle tomba à genoux, cajolant contre elle le bras ganté de Dorian de Belmont. Karasu perdit également pied lorsqu'elle comprit en voyant son Ordonnatrice au plus bas que terre. Elle s'approcha et osa à peine bouger, ses yeux humides et rouges. Finalement, Revna survint auprès d'elles pour les enlacer toutes les deux, sans un mot, sans un commentaire. Au centre de leur étreinte trônait le dernier vestige d'un chevalier ishgardais bien trop utopique pour ce monde et qui malgré tout, avait honoré sa promesse de sauver celle qu'il admirait depuis tant d'années.
"Idiot...de Belmont."
Lyssie
Il y a 10 mois et 1 jour
Il lui avait fallu des jours, voire presque une semaine entière. Pas pour pleurer, loin de là, mais pour confronter la mort de Dorian, en plein déni jusque là. A Thavnair, l’épicentre de tout ce chaos, régnait une atmosphère écrasante et étouffante. Dans les grandes allées dans lesquelles elle marchait sans but, nombreux furent les blessés être acheminés jusqu’à la place centrale où s’était tenue la nouvelle du nouveau Satrape, avant l’annonce invraisemblable des sharlayanais au sujet du Grand Exode sur la Lune.
Comme si cela allait régler tous nos problèmes…
Dans sa promenade au cœur de cette capitale qu’elle visitait pour la première fois, ni les tapisseries, ni l’odeur des épices, ni même la couleur du satin et de la soie thavnairoise qu’elle avait tant voulu voir un jour ne parvenait à capter son regard. Elle revoyait son visage, son air espiègle et ses pitreries à chaque fois qu’elle s’attardait ne serait-ce que deux secondes sur le paysage thavnairois, à tel point qu’elle s’appuyait par moment sur les murs pour essuyer quelques larmes incontrôlables.
"Idiot… Idiot, idiot, idiot… Si seulement j’avais pu vous protéger, vous soigner…"
Plus rien n’avait de saveur, pas même cette envie constante qu’elle avait autrefois de lui rappeler qu’il n’était qu’un idiot d’utopiste. Elle n’avait jamais menti à ce propos ; à ses yeux son meilleur ami, bien que bon, était fondamentalement bête de croire que tout le monde pouvait être sauvé. Ce n’était pas sans lui rappeler sa mission de sauvetage de Sofia au manoir Drevis, quand elle s’était retrouvée impuissante devant une Aline inconsciente. Cette frustration de ne rien pouvoir faire alors que l’un des siens souffrait juste devant elle était la pire des sensations qu’elle avait pu ressentir jusque-là, encore plus depuis ce jour fatidique.
Et pourtant, il avait fallu qu’elle garde la tête haute. En ces temps troubles où les siens attendaient tout de même des directives sur les prochaines opérations à suivre, on avait attendu d’elle des instructions, qu’elle montre la voie. Le plus dur avait été de garder la face devant sa suivante, dévastée d’apprendre que l’élu de son cœur avait trouvé la mort loin d’elle sans qu’elle ne puisse y faire quoi que ce soit. Il lui semblait se revoir un jour plus tôt, quand elle avait gardé son bras avec elle, irraisonnable.
Sa balade prit fin sur le pont reliant Yuj aux résidences Kama, là où elle était en mesure de ne gêner personne pour observer ce ciel rouge sang. Qu’importe l’heure qu’il pouvait être, il y avait bien longtemps qu’elle n’avait plus aucun repère dans le temps. Elle serra contre elle le manuel sur les principes de base de la noologie que Kikyo lui avait donné juste avant de partir pour Thavnair.
Comme si cela allait régler tous nos problèmes…
Dans sa promenade au cœur de cette capitale qu’elle visitait pour la première fois, ni les tapisseries, ni l’odeur des épices, ni même la couleur du satin et de la soie thavnairoise qu’elle avait tant voulu voir un jour ne parvenait à capter son regard. Elle revoyait son visage, son air espiègle et ses pitreries à chaque fois qu’elle s’attardait ne serait-ce que deux secondes sur le paysage thavnairois, à tel point qu’elle s’appuyait par moment sur les murs pour essuyer quelques larmes incontrôlables.
"Idiot… Idiot, idiot, idiot… Si seulement j’avais pu vous protéger, vous soigner…"
Plus rien n’avait de saveur, pas même cette envie constante qu’elle avait autrefois de lui rappeler qu’il n’était qu’un idiot d’utopiste. Elle n’avait jamais menti à ce propos ; à ses yeux son meilleur ami, bien que bon, était fondamentalement bête de croire que tout le monde pouvait être sauvé. Ce n’était pas sans lui rappeler sa mission de sauvetage de Sofia au manoir Drevis, quand elle s’était retrouvée impuissante devant une Aline inconsciente. Cette frustration de ne rien pouvoir faire alors que l’un des siens souffrait juste devant elle était la pire des sensations qu’elle avait pu ressentir jusque-là, encore plus depuis ce jour fatidique.
Et pourtant, il avait fallu qu’elle garde la tête haute. En ces temps troubles où les siens attendaient tout de même des directives sur les prochaines opérations à suivre, on avait attendu d’elle des instructions, qu’elle montre la voie. Le plus dur avait été de garder la face devant sa suivante, dévastée d’apprendre que l’élu de son cœur avait trouvé la mort loin d’elle sans qu’elle ne puisse y faire quoi que ce soit. Il lui semblait se revoir un jour plus tôt, quand elle avait gardé son bras avec elle, irraisonnable.
Sa balade prit fin sur le pont reliant Yuj aux résidences Kama, là où elle était en mesure de ne gêner personne pour observer ce ciel rouge sang. Qu’importe l’heure qu’il pouvait être, il y avait bien longtemps qu’elle n’avait plus aucun repère dans le temps. Elle serra contre elle le manuel sur les principes de base de la noologie que Kikyo lui avait donné juste avant de partir pour Thavnair.
"Tenez, je viens de le finir. Il ne doit être rapporté que dans une semaine.
- Merci. J'aurai de quoi lire en route et dans mes temps creux."
- Merci. J'aurai de quoi lire en route et dans mes temps creux."
Si rien ne pouvait lui enlever l’image de Dorian gisant dans son propre sang sur le sol en tête, cet ouvrage avait le don, au moins, d’apaiser son esprit. La noologie était une magie loin d’être conventionnelle – elle avait la particularité de lier la médecine, l'éthérologie et la magismologie, loin d'être une pratique spirituelle donc, bien qu'elle ferait l'impasse sur les temps anciens où les druides utilisaient des pierres aux vertus magiques appelées "oeufs-de-vipère". Dans sa lecture, elle avait appris que cette pratique n'était réservée qu'à une élite sharlayanaise ainsi qu'à une profonde volonté de protéger son prochain. Sa lecture était aussi intéressante qu'éprouvante, c'était comme si elle faisait une rétrospection de tout ce qu'elle avait pu subir comme frustration jusqu'ici.
Anaëlle avait plaisanté sur le fait que Diana pourrait être son mentor, elle ferma les yeux. Elle savait qu’en lui témoignant son désir de passer les épreuves d’admissions à l’académie de magie, elle aurait son soutien, voire même un léger "piston" de la part de la famille Paselle qu’elle refuserait catégoriquement. Si elle devait embrasser la magie pleinement, elle le ferait sans tricherie. En qualité d’Ordonnatrice, elle se voyait déjà bien plus utile pour les siens, comme restant toujours en retrait en bonne tacticienne.
Oui, si elle devait apprendre la magie des Sages, elle ne le ferait pas à moitié. Pour elle, pour les siens…Et pour lui qui la regarde depuis la mer des étoiles.
Anaëlle avait plaisanté sur le fait que Diana pourrait être son mentor, elle ferma les yeux. Elle savait qu’en lui témoignant son désir de passer les épreuves d’admissions à l’académie de magie, elle aurait son soutien, voire même un léger "piston" de la part de la famille Paselle qu’elle refuserait catégoriquement. Si elle devait embrasser la magie pleinement, elle le ferait sans tricherie. En qualité d’Ordonnatrice, elle se voyait déjà bien plus utile pour les siens, comme restant toujours en retrait en bonne tacticienne.
Oui, si elle devait apprendre la magie des Sages, elle ne le ferait pas à moitié. Pour elle, pour les siens…Et pour lui qui la regarde depuis la mer des étoiles.
Comme prévu, elle avait quitté les siens non sans leur donner de dernières directives avant de prendre la direction de la Rose des Vents. L’éthérite de Radz-at-Han refonctionnait, comme les linkperles. L’envie de revoir son mari et son fils pressait comme toute bonne épouse et mère qui se respectait, mais l’inquiétude pour les siens persisterait toujours. Et il y avait encore cette histoire de voix…
Elle était immunisée face à la Vérité Noire, sa voix avait transcendé la volonté de tous et elle avait imposé sa propre loi sur ces pauvres enfants en proie à ces volutes noires. Rien ne faisait sens – était-ce la "Vérité Blanche" à ce stade ? Cette voix qu’elle avait eu, elle sortait de ses entrailles, elle avait résonné tel un écho spectral. Sur le coup, elle n'y avait pas fait attention, mais plus elle y pensait, plus elle reprenait peur d'elle-même. Pourtant, ce n'était pas la question "qui suis-je" qui se répéta dans sa tête, mais...
Elle était immunisée face à la Vérité Noire, sa voix avait transcendé la volonté de tous et elle avait imposé sa propre loi sur ces pauvres enfants en proie à ces volutes noires. Rien ne faisait sens – était-ce la "Vérité Blanche" à ce stade ? Cette voix qu’elle avait eu, elle sortait de ses entrailles, elle avait résonné tel un écho spectral. Sur le coup, elle n'y avait pas fait attention, mais plus elle y pensait, plus elle reprenait peur d'elle-même. Pourtant, ce n'était pas la question "qui suis-je" qui se répéta dans sa tête, mais...
"Que cache ma voix ?"
Lyssie
Il y a 10 mois et 1 jour
"...Mon fils est mort ?"
Elle redoutait ce jour plus que n'importe qui. Lorsque Louenart se retourna le regard rougi par les larmes, Lenore se tenait debout devant le bureau de Dorian, sa lettre encore dans les mains. Comme il l'avait si bien dit, un flot d'émotions la traversaient, toutes plus contradictoires les unes que les autres. Il y avait d'abord eu la colère de voir que même dans la mort, Dorian s'amusait à défier ses ordres, puis il y avait eu le soulagement et enfin, la tristesse. Elle avait eu droit à ses dernières paroles, ses plus profondes pensées à son égard qui chassèrent les regrets qui lui pesaient les épaules depuis tout ce temps où elle n'avait fait que le repousser, encore et encore.
Maintenant, elle devait faire face au père le Baron de Belmont qui était tombé au sol lorsque la Vicomtesse avait lu à haute voix les dernières volontés de son fils. Anaëlle se tenait derrière sa maîtresse, une colère sourde, régie par la tristesse, grondant en elle.
"Et les chances de vous rattraper avec." ajouta-t-elle, sans scrupule, mais la gorge nouée.
Plusieurs minutes s'écoulèrent sans qu'un des trois ne brisa le silence, quand ce n'était pas les hoquets réprimés de leurs sanglots. Même l'Ordonnatrice, qui avait passé une année en enfermer ses émotions, ne pouvait étouffer ses pleurs. Si la mort de ses parents en plus de la vision de la fin du monde l'avaient changée du tout au tout, celle de Dorian avait réouvert cette brèche, aussi douloureuse pouvait-elle être. Epuisée, Lenore s'assit sur la chaise à côté d'elle. Elle posa une main sur celle de sa suivante apposée contre son épaule.
"Il est parti, oui, souffla-t-elle tout bas en réponse à l'élezen.
- Il faut... Je..."
Louenart ferma les yeux, le visage défiguré d'une tristesse insoutenable. A cette vue, Anaëlle grinça des dents, la mâchoire tendue. Peut-être voulait-elle bel et bien jeter l’opprobre sur lui, jusqu'à même rejeter toutes les fautes sur ce dernier, mais elle trouva refuge dans la main de Lenore qu'elle serra doucement.
"Il faut lui faire de belles obsèques."
La voix de Lenore sut piquer l'intérêt, même infime, des deux autres. Louenart le premier, il se releva du sol en passant une main sur ses yeux humides.
"Ils ne lui ont même pas rendu son nom...
- Alors on le demandera, à titre posthume.
- Vous vous battrez pour lui restituer tout ce qu'il a perdu." surenchérit sa suivante, ferme.
Lenore ne pouvait pas lui en vouloir de l'être autant. Elle avait appris qu'ils s'étaient fiancés quelques jours avant le drame, si elle avait perdu son meilleur ami, sa dame de compagnie avait perdu son amant. L'apocalypse ne leur laissait guère le temps de faire proprement leur deuil, elles n'avaient pas le droit malgré cet écart. Chaque faiblesse pouvait les transformer en ces immondes créatures de la fin des temps et elles ne pouvaient pas se le permettre si proche du but. Il faudrait encore l'endurer quelques temps, juste assez pour le bien commun. Après tout, Dorian le voulait également.
"Puis-je vous laisser vous occuper de la cérémonie, Vicomtesse...?
- Si vous vous occupez, comme le dit ma dame de compagnie, de lui restituer ses titres, alors oui... Je m'en occuperai."
Elle redoutait ce jour plus que n'importe qui. Lorsque Louenart se retourna le regard rougi par les larmes, Lenore se tenait debout devant le bureau de Dorian, sa lettre encore dans les mains. Comme il l'avait si bien dit, un flot d'émotions la traversaient, toutes plus contradictoires les unes que les autres. Il y avait d'abord eu la colère de voir que même dans la mort, Dorian s'amusait à défier ses ordres, puis il y avait eu le soulagement et enfin, la tristesse. Elle avait eu droit à ses dernières paroles, ses plus profondes pensées à son égard qui chassèrent les regrets qui lui pesaient les épaules depuis tout ce temps où elle n'avait fait que le repousser, encore et encore.
Maintenant, elle devait faire face au père le Baron de Belmont qui était tombé au sol lorsque la Vicomtesse avait lu à haute voix les dernières volontés de son fils. Anaëlle se tenait derrière sa maîtresse, une colère sourde, régie par la tristesse, grondant en elle.
"Et les chances de vous rattraper avec." ajouta-t-elle, sans scrupule, mais la gorge nouée.
Plusieurs minutes s'écoulèrent sans qu'un des trois ne brisa le silence, quand ce n'était pas les hoquets réprimés de leurs sanglots. Même l'Ordonnatrice, qui avait passé une année en enfermer ses émotions, ne pouvait étouffer ses pleurs. Si la mort de ses parents en plus de la vision de la fin du monde l'avaient changée du tout au tout, celle de Dorian avait réouvert cette brèche, aussi douloureuse pouvait-elle être. Epuisée, Lenore s'assit sur la chaise à côté d'elle. Elle posa une main sur celle de sa suivante apposée contre son épaule.
"Il est parti, oui, souffla-t-elle tout bas en réponse à l'élezen.
- Il faut... Je..."
Louenart ferma les yeux, le visage défiguré d'une tristesse insoutenable. A cette vue, Anaëlle grinça des dents, la mâchoire tendue. Peut-être voulait-elle bel et bien jeter l’opprobre sur lui, jusqu'à même rejeter toutes les fautes sur ce dernier, mais elle trouva refuge dans la main de Lenore qu'elle serra doucement.
"Il faut lui faire de belles obsèques."
La voix de Lenore sut piquer l'intérêt, même infime, des deux autres. Louenart le premier, il se releva du sol en passant une main sur ses yeux humides.
"Ils ne lui ont même pas rendu son nom...
- Alors on le demandera, à titre posthume.
- Vous vous battrez pour lui restituer tout ce qu'il a perdu." surenchérit sa suivante, ferme.
Lenore ne pouvait pas lui en vouloir de l'être autant. Elle avait appris qu'ils s'étaient fiancés quelques jours avant le drame, si elle avait perdu son meilleur ami, sa dame de compagnie avait perdu son amant. L'apocalypse ne leur laissait guère le temps de faire proprement leur deuil, elles n'avaient pas le droit malgré cet écart. Chaque faiblesse pouvait les transformer en ces immondes créatures de la fin des temps et elles ne pouvaient pas se le permettre si proche du but. Il faudrait encore l'endurer quelques temps, juste assez pour le bien commun. Après tout, Dorian le voulait également.
"Puis-je vous laisser vous occuper de la cérémonie, Vicomtesse...?
- Si vous vous occupez, comme le dit ma dame de compagnie, de lui restituer ses titres, alors oui... Je m'en occuperai."
Quelques jours plus tard, on voyait de moins en moins Lenore à la Rose des Vents. Ses apparitions répétées à la Sainte Cité laissaient présager les prochaines obsèques du chevalier de Belmont. C'était seule qu'elle s'avança jusqu'à la cathédrale d'Ishgard, sans l'ombre d'un viéra qui avait pourtant toujours l'habitude de l'accompagner ici et là. Cette histoire était toute autre et elle ne voulait pas encore s'y pencher. A ses yeux, Revna n'était plus la bienvenue à ses côtés, surtout dans ce genre de moment.
Dans l'enceinte des lieux, nombres d'apôtres discutèrent à voix basse au sujet des derniers événements à Ishgard. Fafner, autrefois le nom bien connu d'un homme-dragon dans les légendes ishgardaises, était aujourd'hui le nom de l'Hérésiarque qui terrifiait les habitants du Coerthas, tout particulièrement ceux du corps ecclésiastique. Il faut dire que depuis la séparation de l'Église et de l'État, Lenore avait vu la politique ishgardaise bouleversée, pour ne pas dire complètement sens dessus-dessous. Ainsi, pas étonnant à ses yeux que ce désastre soit survenu, aussi désolante était-elle.
Arrivée jusqu'au Synode, il ne fallut que quelques secondes à la hyuroise pour capter l'attention de la nouvelle autorité religieuse d'Ishgard. Le regard droit, ferme, presque autoritaire, elle n'avait qu'un mot d'ordre en tête. Un mot d'ordre pour elle, pour les siens, mais surtout...
Dans l'enceinte des lieux, nombres d'apôtres discutèrent à voix basse au sujet des derniers événements à Ishgard. Fafner, autrefois le nom bien connu d'un homme-dragon dans les légendes ishgardaises, était aujourd'hui le nom de l'Hérésiarque qui terrifiait les habitants du Coerthas, tout particulièrement ceux du corps ecclésiastique. Il faut dire que depuis la séparation de l'Église et de l'État, Lenore avait vu la politique ishgardaise bouleversée, pour ne pas dire complètement sens dessus-dessous. Ainsi, pas étonnant à ses yeux que ce désastre soit survenu, aussi désolante était-elle.
Arrivée jusqu'au Synode, il ne fallut que quelques secondes à la hyuroise pour capter l'attention de la nouvelle autorité religieuse d'Ishgard. Le regard droit, ferme, presque autoritaire, elle n'avait qu'un mot d'ordre en tête. Un mot d'ordre pour elle, pour les siens, mais surtout...
Pour lui.
Lyssie
Il y a 10 mois et 1 jour
Les choeurs chantaient à l'unisson, résonnant contre les murs de la grande cathédrale d'Ishgard. Une bonne partie de la Rose des Vents, si ce n'était les trois quarts, avaient répondu à l'appel d'adieu du nouveau chevalier de Belmont. Bien sûr, et elle ne s'attendait pas au contraire, son mari avait délibérément esquivé ces obsèques quand il connaissait les véritables sentiments du chevalier à l'égard de sa femme. Les vieilles querelles ne s'envolaient pas toutes au passage à la mer des étoiles, mais il était presque chaleureux de voir tout ce monde réuni ce soir-là. Pour lui.
Le discours de Karasu, le tout premier parmi les présents, avaient su décrire un Dorian comme tout le monde pouvait le connaître. A côté de Lenore, Anaëlle ne parvenait à endiguer ses larmes de nouvelle "veuve". Ce ne fut qu'après une brève attention à sa dame de compagnie que l'Ordonnatrice se redressa pour, à son tour, décrire le Dorian qu'elle connaissait, celui que personne d'autre ne soupçonnait.
"Il est inutile de répéter ce que vient de dire Karasu. Dorian n'était pas quelqu'un de très compliqué à comprendre, c'était un homme simple et fondamentalement bon."
Le silence fut, la voix de Lenore était légion dans une cathédrale en deuil.
"J'ai croisé sa route il y a plus de trois années désormais, sa vie était jonché de nouveaux défis, passant du blond au brun, puis du brun au blond, quand il a finalement trouvé sa vraie nature. L'ouverture d'Ishgard lui a permis de se faire un nom, d'être la véritable personne qu'Ishgard ne voulait pas reconnaître. Qu'à cela ne tienne, Dorian n'abandonnait jamais."
Tout cela venait du coeur, rien n'avait été préparé, rien n'avait été mis sur papier. Pour la première fois et ce depuis la mort de celui qui l'admirait, elle se dévoilait comme elle ne s'était jamais dévoilée auparavant, non sans intriguer les plus curieux, comme Numéria qui retenait quelques larmes.
"Et c'est cet homme que j'ai repoussé pendant presque une année entière, quand j'ai vu sa mort de mes propres yeux."
C'était bien plus difficile qu'elle ne l'avait imaginé. La gorge nouée, elle gardait la tête haute, comme il lui avait demandé de faire. Afin de ne pas choquer les âmes sensibles, elle avait dû expliquer son don de clairvoyance qui malgré tout lui attira tout de même quelques regards sceptiques des plus religieux parmi le clergé. Mais elle en avait cure, elle n'était pas ici pour eux.
"Ce destin... Je n'ai jamais pu le changer, puisqu'il était imprévisible, aussi imprévisible que Dorian l'était. Je l'ai haï, fondamentalement détesté d'avoir choisi cette voie. Mais s'il n'avait pas choisi cette voie, alors une partie de la Rose des Vents aurait rendu l'âme, je n'aurais pu vous dire tout cela, ici, maintenant. Dorian connaissait son sort. Et vous saviez tous qu'il avait une peur viscérale de la mort, sous toutes ses formes. C'est en cela que je veux croire pour Ishgard, pour notre monde de demain. Je souhaite que chacun se remémore de cet homme qui bravait sa phobie pour le bien de tous."
Elle s'arrêta un instant dans son discours, expirant un long soupir douloureux. Elle devait lui faire des adieux, et voir ce portrait de lui au dessus de son cerceuil, ce même portrait qui la regardait, lui était aussi insoutenable que chaleureux. C'était comme s'il lui souriait à cet instant même.
"Ainsi, à toi mon ami, mon meilleur ami, je t'adresse cette chanson. Puisses-tu l'entendre jusqu'à la mer des étoiles, et le chérir comme un dernier adieu que je te fais."
Et elle chanta. Portée par ses propres sentiments, ce désir de l'atteindre une dernière fois pour lui demander pardon, sa voix s'éleva dans la cathédrale comme seul point d'ancrage pour les invités. Beaucoup à ce chant pleuraient, certaines se recroquevillaient sur elle-même pour laisser parler leur peine. Ce chant d'adieu était un requiem pour ce chevalier qui avait marqué la cantatrice de ses idéaux et son être. Léger, cantique et angélique, elle rendait honneur à sa réputation de grande chanteuse, mais cette fois-ci ce n'était que pour un seul spectateur qui ne se trouvait pas parmi son auditoire, mais bien au-delà de l'espace et du temps.
Où que tu sois, j'espère que tu entends ma voix, toi, mon ami...
Le discours de Karasu, le tout premier parmi les présents, avaient su décrire un Dorian comme tout le monde pouvait le connaître. A côté de Lenore, Anaëlle ne parvenait à endiguer ses larmes de nouvelle "veuve". Ce ne fut qu'après une brève attention à sa dame de compagnie que l'Ordonnatrice se redressa pour, à son tour, décrire le Dorian qu'elle connaissait, celui que personne d'autre ne soupçonnait.
"Il est inutile de répéter ce que vient de dire Karasu. Dorian n'était pas quelqu'un de très compliqué à comprendre, c'était un homme simple et fondamentalement bon."
Le silence fut, la voix de Lenore était légion dans une cathédrale en deuil.
"J'ai croisé sa route il y a plus de trois années désormais, sa vie était jonché de nouveaux défis, passant du blond au brun, puis du brun au blond, quand il a finalement trouvé sa vraie nature. L'ouverture d'Ishgard lui a permis de se faire un nom, d'être la véritable personne qu'Ishgard ne voulait pas reconnaître. Qu'à cela ne tienne, Dorian n'abandonnait jamais."
Tout cela venait du coeur, rien n'avait été préparé, rien n'avait été mis sur papier. Pour la première fois et ce depuis la mort de celui qui l'admirait, elle se dévoilait comme elle ne s'était jamais dévoilée auparavant, non sans intriguer les plus curieux, comme Numéria qui retenait quelques larmes.
"Et c'est cet homme que j'ai repoussé pendant presque une année entière, quand j'ai vu sa mort de mes propres yeux."
C'était bien plus difficile qu'elle ne l'avait imaginé. La gorge nouée, elle gardait la tête haute, comme il lui avait demandé de faire. Afin de ne pas choquer les âmes sensibles, elle avait dû expliquer son don de clairvoyance qui malgré tout lui attira tout de même quelques regards sceptiques des plus religieux parmi le clergé. Mais elle en avait cure, elle n'était pas ici pour eux.
"Ce destin... Je n'ai jamais pu le changer, puisqu'il était imprévisible, aussi imprévisible que Dorian l'était. Je l'ai haï, fondamentalement détesté d'avoir choisi cette voie. Mais s'il n'avait pas choisi cette voie, alors une partie de la Rose des Vents aurait rendu l'âme, je n'aurais pu vous dire tout cela, ici, maintenant. Dorian connaissait son sort. Et vous saviez tous qu'il avait une peur viscérale de la mort, sous toutes ses formes. C'est en cela que je veux croire pour Ishgard, pour notre monde de demain. Je souhaite que chacun se remémore de cet homme qui bravait sa phobie pour le bien de tous."
Elle s'arrêta un instant dans son discours, expirant un long soupir douloureux. Elle devait lui faire des adieux, et voir ce portrait de lui au dessus de son cerceuil, ce même portrait qui la regardait, lui était aussi insoutenable que chaleureux. C'était comme s'il lui souriait à cet instant même.
"Ainsi, à toi mon ami, mon meilleur ami, je t'adresse cette chanson. Puisses-tu l'entendre jusqu'à la mer des étoiles, et le chérir comme un dernier adieu que je te fais."
Et elle chanta. Portée par ses propres sentiments, ce désir de l'atteindre une dernière fois pour lui demander pardon, sa voix s'éleva dans la cathédrale comme seul point d'ancrage pour les invités. Beaucoup à ce chant pleuraient, certaines se recroquevillaient sur elle-même pour laisser parler leur peine. Ce chant d'adieu était un requiem pour ce chevalier qui avait marqué la cantatrice de ses idéaux et son être. Léger, cantique et angélique, elle rendait honneur à sa réputation de grande chanteuse, mais cette fois-ci ce n'était que pour un seul spectateur qui ne se trouvait pas parmi son auditoire, mais bien au-delà de l'espace et du temps.
Où que tu sois, j'espère que tu entends ma voix, toi, mon ami...
"Je te vois encore baigné dans ton propre sang." murmura-t-elle face au paysage du Coerthas.
Dans les hauteurs du paysage ishgardais, les premiers rayons d'un soleil particulièrement chaud dans cette partie de la région brillaient d'un éclat pur les roses blanches déposées devant la tombe du Belmont. Elle avait attendu une semaine avant de pouvoir venir ici, donnant à la famille du défunt le temps de se recueillir sans nuisance externe. Seule avec elle-même, son désir égoïste d'être ici sans sa dame de compagnie laissait cette femme vêtue d'une longue robe noire parler dans le vide.
"Une partie de moi ne veut pas l'admettre, mais plus j'y pense, plus je me dis que je n'aurais pas dû tenter d'empêcher ce pourquoi ta vie était destinée. Tout le monde a sa part à jouer dans ce monde, la tienne était de te sacrifier pour moi, pour nous."
D'une main, elle caressa doucement son ventre bien trop gros pour la laisser debout encore plus longtemps. Elle prit place sur la neige même, posant le côté de sa tête contre la pierre tombale bien qu'elle savait qu'il n'y avait aucun corps sous celle-ci, si ce n'était seulement un casque et un gantelet. Elle savait également que son âme avait regagné la mer des étoiles et qu'il était inutile de parler dans le vide, mais le cœur a ses raisons que la raison ignore. Elle n'était qu'une femme, une humaine parmi tant d'autres qui s'accrochait à des principes moraux pour ne pas sombrer quand l'apocalypse sévissait toujours.
"Malgré tout, une autre partie de moi t'en veut et t'en voudra sûrement pour toujours de m'avoir laissée, là où je me voyais bâtir ce monde avec toi à mes côtés. Tu m'as vu pleurer, tomber, rire aussi et tu as vu l'essor de notre compagnie grandir un peu plus chaque jour. Tu as beaucoup joué dans cet essor qui fait désormais notre renommée, nous sommes même aujourd'hui les meilleurs, jusqu'à détrôner certains noms."
Elle se tut quelques instants avant de porter une main à son voile en résille pour le lever. Il n'y avait personne ici pour la voir dans cet état, si ce n'était les Douze eux-même, il était donc inutile de le conserver plus longtemps. Le ciel se teintait d'un bleu plus sombre à l'approche de nuages, déjà les premières neiges tombaient doucement sur le Coerthas.
"La Rose comporte des aventuriers, plus même... Des voyageurs, gardiens de l'Équilibre. Tu étais un gardien, te voilà désormais chevalier de Belmont, protecteur de la veuve et de l'orphelin, un nom qui résonne parmi les plus braves de notre cité. Tu rejoins Elisias et Victoria, tâche de bien t'occuper d'eux."
Péniblement, elle se redressa sur ses pieds avant de lever la tête vers la Sainte Cité, laissant le vent emporté ses dernières paroles. Un rire, léger, s'échappa de ses lèvres avant qu'elle ne chasse une larme de sa dextre.
"Je vais vivre, je vais avancer. Où que tu sois et où que j'aille, je sais que tu seras toujours là."
Elle rabaissa son voile et d'un dernier regard sur la tombe de Dorian, la grande robe noire disparut dans la neige pour rejoindre la première éthérite. Ce n'était pas un adieu mais un simple au revoir. La prochaine fois qu'ils se verront, ce sera dans un autre monde et dans d'autres circonstances. Mais ce jour-là, elle saura que ce sera lui.
Dans les hauteurs du paysage ishgardais, les premiers rayons d'un soleil particulièrement chaud dans cette partie de la région brillaient d'un éclat pur les roses blanches déposées devant la tombe du Belmont. Elle avait attendu une semaine avant de pouvoir venir ici, donnant à la famille du défunt le temps de se recueillir sans nuisance externe. Seule avec elle-même, son désir égoïste d'être ici sans sa dame de compagnie laissait cette femme vêtue d'une longue robe noire parler dans le vide.
"Une partie de moi ne veut pas l'admettre, mais plus j'y pense, plus je me dis que je n'aurais pas dû tenter d'empêcher ce pourquoi ta vie était destinée. Tout le monde a sa part à jouer dans ce monde, la tienne était de te sacrifier pour moi, pour nous."
D'une main, elle caressa doucement son ventre bien trop gros pour la laisser debout encore plus longtemps. Elle prit place sur la neige même, posant le côté de sa tête contre la pierre tombale bien qu'elle savait qu'il n'y avait aucun corps sous celle-ci, si ce n'était seulement un casque et un gantelet. Elle savait également que son âme avait regagné la mer des étoiles et qu'il était inutile de parler dans le vide, mais le cœur a ses raisons que la raison ignore. Elle n'était qu'une femme, une humaine parmi tant d'autres qui s'accrochait à des principes moraux pour ne pas sombrer quand l'apocalypse sévissait toujours.
"Malgré tout, une autre partie de moi t'en veut et t'en voudra sûrement pour toujours de m'avoir laissée, là où je me voyais bâtir ce monde avec toi à mes côtés. Tu m'as vu pleurer, tomber, rire aussi et tu as vu l'essor de notre compagnie grandir un peu plus chaque jour. Tu as beaucoup joué dans cet essor qui fait désormais notre renommée, nous sommes même aujourd'hui les meilleurs, jusqu'à détrôner certains noms."
Elle se tut quelques instants avant de porter une main à son voile en résille pour le lever. Il n'y avait personne ici pour la voir dans cet état, si ce n'était les Douze eux-même, il était donc inutile de le conserver plus longtemps. Le ciel se teintait d'un bleu plus sombre à l'approche de nuages, déjà les premières neiges tombaient doucement sur le Coerthas.
"La Rose comporte des aventuriers, plus même... Des voyageurs, gardiens de l'Équilibre. Tu étais un gardien, te voilà désormais chevalier de Belmont, protecteur de la veuve et de l'orphelin, un nom qui résonne parmi les plus braves de notre cité. Tu rejoins Elisias et Victoria, tâche de bien t'occuper d'eux."
Péniblement, elle se redressa sur ses pieds avant de lever la tête vers la Sainte Cité, laissant le vent emporté ses dernières paroles. Un rire, léger, s'échappa de ses lèvres avant qu'elle ne chasse une larme de sa dextre.
"Je vais vivre, je vais avancer. Où que tu sois et où que j'aille, je sais que tu seras toujours là."
Elle rabaissa son voile et d'un dernier regard sur la tombe de Dorian, la grande robe noire disparut dans la neige pour rejoindre la première éthérite. Ce n'était pas un adieu mais un simple au revoir. La prochaine fois qu'ils se verront, ce sera dans un autre monde et dans d'autres circonstances. Mais ce jour-là, elle saura que ce sera lui.
"Jusqu'à ce que nos routes se croisent de nouveau...
...repose en paix, Idiot de Belmont."