[Riversonge III] Les fondations de Gévaudan

Une cité de cuivre, une odeur de mort, un goût de sang
Par Lanval
Radz-at-Han, un nom de cuivre et de soleil.
La cité aux mille encens, d'épices et de songes. J'en avais longtemps entendu les louanges, contées par bien des gens venus de loin, comme des voyageurs d’un monde ancien toisant le mien avec crainte. Au départ, j'ai cru entrer dans un rêve, un songe que je pouvais modeler à ma guise, et en contrôler le moindre reflet.
Je me suis bien amusé avec mes compagnons à tel point que, plus d’une fois, je me suis demandé si je vivais réellement les premiers instants d’une mission si cruciale. C'était une mission sacrée, qui nous poussait à rester unis, main dans la main. Mais cette confiance mutuelle allait bientôt être bafouée par nos propres actions.
C’est d'abord le fou de Crispin qui, sur ma demande, s'occupa sans vergogne de détruire sa chambre. Mais après tout, ne lui avais-je pas soufflé les mauvaises instructions ?
Je lui avais dit qu’il se pourrait que quelqu'un cherche à nous écouter, à nous épier dans ces lieux. Et tout paraissait si beau, trop beau surtout quand cette déesse à la peau basanée nous ouvrit les portes de son sanctuaire. Lumières tamisées, chambres princières, sous la directive d’un vieil homme que certains connaissaient déjà, dont les manières douteuses s’accordaient parfaitement à son faciès.
Le capitaine Ermengard dut réparer les sévices du blême de quoi rendre la tâche plus ardue pour le reste de notre mission.
Puis vint le temps des vêtements. Comment se pavaner dans une ville pareille sans attirer l’attention, alors que tout le monde y portait le fer comme un chevalier le jour de tournoi ?
Fiers, nous avons tous accepté, sauf Crispin, qu'il fallut finalement plier à notre bon vouloir. Là encore, tout semblait aller pour le mieux. Les beaux jours poudraient au-dessus de nous comme une lumière bénie par la conquérante. Le monde semblait à portée de main.
Mais notre mission, elle, n’avait pas encore réellement commencé.
Nous décidâmes de former trois équipes. Je ne sais toujours pas pourquoi le capitaine accepta que je me rende au bordel avec Crispin. Au fond, est-il vraiment capitaine de cette mission, et le chevalier d'Astelbrand second ?
D’un côté, j’étais accompagné du blême pour chercher des informations auprès des femmes et des hommes de petite vertu ; de l’autre, Passerose et Royenhardt, qui s’affairaient dans le bazar en compagnie de celui qui, en vérité, dirige tout : Norbertaux de Valsonge. Enfin, notre bon vieux capitaine, Ermengard s’en alla interroger les alchimistes.
Un bon groupe, donc, épars, chacun à sa manière.
On m’avait dit que le quartier des Lanternes ne dormait jamais. C’était vrai. À mesure que tombait la nuit, la ville s’y éveillait. Les ruelles, étroites comme des gorges, ruisselaient d’une lumière rouge. Les parfums d’encens, de jasmin et de fleurs en tout genre s’y mêlaient, formant un brouillard d’ivresse où l’esprit se perdait aussi sûrement que le corps.
Au cœur de ce dédale se dressait le Pavillon où nous devions passer la soirée. Ce n’était pas une maison close, mais un temple. Un sanctuaire voué au culte du plaisir, dont les prêtresses portaient des bracelets d’or jusqu’aux épaules et des sourires plus tranchants qu’une dague. Même Crispin, pourtant insensible à tout ce qui brille, aurait pu se laisser tenter par l’une d’elles. Leurs méthodes de séduction auraient fait pâlir le plus preux des bretteurs.
À l’intérieur, les murs étaient drapés de soieries couleur de grenade. Les plafonds, peints d’étoiles d’or, semblaient se perdre dans une brume de fumée et de rires. Partout, des coussins brodés, des nattes de lin, des amphores débordantes de fruits. Et parmi tout cela, des silhouettes mouvantes sous la caresse des lampes.
Nous fûmes accueillis par un homme à l’allure peu commune, la peau marquée par le soleil au point que celui-ci aurait pu se vanter de s’y être frotté. Il ressemblait à sa cousine Khansuya, celle qui nous avait menés ici. Jovial au possible, il nous présenta les lieux et nous offrit le loisir de converser avec le maître du pavillon. Ou plutôt, Crispin conversa, moi, je restais dans l’ombre, plus loin, sans savoir encore qui était cet homme à la chevelure longue, tombant en cascade. D’abord, je le crus client. Puis simple ouvrier.
Mais mon regard, le mien, s’envola ailleurs.
Il s’égara parmi les lampes et les voiles avant de se poser sur Fahrruvet.
Elle fut la première à captiver mon attention.
Je ne voulais pas oublier ma mission, et je ne le pouvais pas, mais je me suis laissé tenter.
J’ai joué au jeu le plus dangereux du monde, sur son terrain, loin du mien, loin de mes valeurs et de mes mœurs. Nous avons échangé longtemps, sur mille sujets futiles ou profonds, jusqu’à ce que je souffle le nom de celle que je cherchais. Nepthys.
Mon plan paraissait parfait, et il l’était peut-être. Ses yeux d’or dans les miens, le solaire embrassant l’astre divin, j’ai perdu.
Je n’y pensais plus. La mission ? Existait-elle encore ? Ou m’avait-elle envoûté d’un charme plus puissant que tout ?
Elle, qui n’avait l’air que d’une femme parmi tant d’autres, me faisait me sentir vivant. Et j’avais peur. Peur de ce que je voyais, de ce que je vivais.
Loin du monde que je connaissais, celui de l’épée, de la prouesse et des jeux de cour, je n’étais plus qu’un voyageur, égaré dans celui de la rue.
Mais vint le moment de la quitter, elle et cet endroit.
Était-ce vraiment une mission ? Était-ce un rêve ?
Fort heureusement, Crispin, dans sa folie, avait réussi à recueillir les informations dont nous avions besoin. Sénile, fou et stupide, parfois, il n’en restait pas moins un compagnon fidèle, prêt à perdre la vie pour les siens et quelle vie venait-il de m’offrir !
Nous avions des adresses, des noms, de quoi poursuivre notre route et les réunir en une seule piste, celle de Nepthys.
Nous y sommes donc allés.
Le plan était simple.
Dans ce quartier peu fréquenté, alors que la lumière du soleil s’effaçait et que la ville bruissait d’un étrange silence, nous décidâmes de frapper. Non pas des gens, mais à une porte.
Une surprise en amène toujours une autre, tandis que Crispin, sous l’œil complice de la lune, escaladait la façade comme un opo-opo à la recherche d’un trésor jaune, je me trouvai face à une femme que je connaissais déjà trop bien.
Je me sentis cuit.
Je lançai un regard à la bête géante à mes côtés - Ermengard - qui ne semblait pas mesurer l’étendue de la merde dans laquelle nous venions de plonger.
Je parvins pourtant à maintenir la conversation, découvrant une humanité inattendue chez ces pauvres femmes. Mais au fond de moi, je savais. Je pressentais qu’elles servaient le fiélon, celui qui n’offre qu’or et déception à ceux sous son joug.
Le chevalier blanc tentait de meubler la discussion en parlant de livres, avant de s’effondrer comme un patient à l’agonie. Passerose, elle, restait à part, comme connectée à un monde invisible. Je la soupçonne parfois d’être un fantôme, ou de voir au travers des yeux des morts. Son apparence, livide et glacée, me faisait songer aux non-morts des légendes.
Le capitaine, lui, ne cessait de bredouiller des excuses. Heureusement que j’étais là.
Mais à quel prix ?
Je m’attachais davantage à celle que je devais peut-être combattre.
Et que comptaient-ils lui faire ? La torturer ?
J’étais entouré de fous, et j’allais bientôt le comprendre.
Nous quittâmes les appartements après maintes tentatives de ces dames pour nous faire déguerpir.
Nous terminâmes dans les ruelles d’une ville morte, à une heure si tardive que le soleil s’apprêtait déjà à renaître.
Crispin, encore lui, avait obtenu de nouvelles informations, ces deux femmes étaient à la solde de Nepthys, celle que nous traquions depuis notre arrivée.
Mon cœur se serra.
Mais en avais-je le droit ?
Étaient-elles faibles ? Oui.
Mais aussi cultistes ? Très certainement.
Devrais-je lever ma lame contre elles ?
Je rêvais d’un scénario où je n’aurais pas à le faire.
Et c’est en cherchant cette issue, pour éviter tout mal inutile, que j’acceptai, si ce n'est que je proposai même, de m’exposer moi-même pour le bien commun.
Je demanderais à la voir, seule, devant la fontaine de vie.
Mon groupe accepta ou plutôt, Norbertaux me poussa à le faire.
Je le détestais alors, lui, autant que les démons. Et pourtant, il me fallait œuvrer avec pour le bien de tous.
Navrant.
Je me retrouvai vêtu de cette tenue que je hais encore aujourd’hui, à attendre, longuement, devant cette fontaine qui me hantera des lunes entières.
Mais où était-elle ?
Avait-elle compris que je comptais l’enlever ?
Je l’aurais presque souhaité.
Le ciel pleurait, mais la pluie ne tombait pas.
Nous sommes remontés retrouver l’ancien baron, sous le regard d’une ville endormie, au sommet d’un pont où passent chaque jour des centaines de voyageurs. Sous l’œil de notre déesse, et sans doute des leurs, nous fûmes accusés d’avoir tué ces femmes croisées quelques jours plus tôt.
Je n’ai pas la force de décrire ce qui fut dit.
Mais j’ai rarement entendu une mort aussi brutale, une torture aussi éreintante, pour le corps comme pour l’esprit.
J’en voulus au monde, aux Valsonges, mais plus encore à moi-même, au plus faible d’entre nous d’avoir cru, ne serait-ce qu’un instant, être au-dessus de tout.
La fin heureuse n’existe pas.
Et alors que je portais déjà le deuil, nous découvrîmes que la suite n’était pas plus glorieuse.
La femme qui nous avait offert le gîte depuis tant de soleils gisait au sol, les larmes aux yeux, maintenue par une cultiste tandis qu’une autre faisait feu sur mes compagnons.
Là encore, je n’avais pas la force, mais je ne pouvais rompre mes serments.
Je me doutais bien de ce qu’il en était.
J’ai tout tenté, les convaincre, les apaiser, les sauver.
J’ai jeté les armes. J’ai prié les dieux.
Certains en ont fait de même, le Chevalier blanc élevé la voix, mais sans que ça n'y fasse rien, le géant était à lui seul une peur qu'elles ne pourraient combattre.
Tandis que de l'autre côtés, furètent dans la salle Crispin et Passerose, qui tentèrent d'attaquer.
A ce moment-là, j'ai compris que la situation venait de s'envenimer, et pourtant, je restais de marbre, j'avais peur. Peur de faire couler le sang, mon corps y était mais mon esprit pas.
Heureusement que le chasseur eut usé d'un sort d'ombre pour préserver la vie de la femme.
Mais la seule chose qui put réellement sauver Khansuya, ce fut l’apparition de Norbertaux, au prix de deux vies.
Sa magie était aussi néfaste que celle d’un démon.
Et ce soir-là, je me suis dit, Pourquoi pas lui ?
Alors que mes mains plongeaient dans la mort, dans ce qui restait de ces corps chauds au sol, j'en avais plein les mains, j'en avais plein le tissu, de ce sang.
La quantité de ce liquide rougeâtre ressemblait d'avantage à un lac qu'à un flaque, et pourtant je touchais le fond, je suis à bout.
Lorsque mon regard s'est dirigés sur mes pairs, ils avaient eux aussi les mains dans la mort, mais pas pour les mêmes raisons, eux n'avaient que la mission en tête.
Ils cherchaient des informations, encore, ces vies ne valaient elles donc rien ?
Ces pauvres femmes voulaient venger leur amie, apeurées, faibles, manipulées, elles ne comprenaient pas.
Je ne comprend pas.
Je ne comprend plus.
Suis-je un chevalier ou un meurtrier ?
Suis-je réellement le héros de cette histoire ?
Le Valsonge est certainement derrière tout cela.
J'en suis sûr.
La haine monta, le ton aussi.
Et pourtant, au fond, je le savais, aussi néfaste soit-il, il n’était pas coupable.
Mais j'en avais besoin, d'un coupable.
Ses intentions, au fond, visaient à nous sauver, ou à sauver son pion, comme il aimait à le dire.
Mais j’avais besoin d’un bouc émissaire.
Un homme aux méthodes discutables, plus proche du démon que de l’homme.
La cité aux mille encens, d'épices et de songes. J'en avais longtemps entendu les louanges, contées par bien des gens venus de loin, comme des voyageurs d’un monde ancien toisant le mien avec crainte. Au départ, j'ai cru entrer dans un rêve, un songe que je pouvais modeler à ma guise, et en contrôler le moindre reflet.
Je me suis bien amusé avec mes compagnons à tel point que, plus d’une fois, je me suis demandé si je vivais réellement les premiers instants d’une mission si cruciale. C'était une mission sacrée, qui nous poussait à rester unis, main dans la main. Mais cette confiance mutuelle allait bientôt être bafouée par nos propres actions.
C’est d'abord le fou de Crispin qui, sur ma demande, s'occupa sans vergogne de détruire sa chambre. Mais après tout, ne lui avais-je pas soufflé les mauvaises instructions ?
Je lui avais dit qu’il se pourrait que quelqu'un cherche à nous écouter, à nous épier dans ces lieux. Et tout paraissait si beau, trop beau surtout quand cette déesse à la peau basanée nous ouvrit les portes de son sanctuaire. Lumières tamisées, chambres princières, sous la directive d’un vieil homme que certains connaissaient déjà, dont les manières douteuses s’accordaient parfaitement à son faciès.
Le capitaine Ermengard dut réparer les sévices du blême de quoi rendre la tâche plus ardue pour le reste de notre mission.
Puis vint le temps des vêtements. Comment se pavaner dans une ville pareille sans attirer l’attention, alors que tout le monde y portait le fer comme un chevalier le jour de tournoi ?
Fiers, nous avons tous accepté, sauf Crispin, qu'il fallut finalement plier à notre bon vouloir. Là encore, tout semblait aller pour le mieux. Les beaux jours poudraient au-dessus de nous comme une lumière bénie par la conquérante. Le monde semblait à portée de main.
Mais notre mission, elle, n’avait pas encore réellement commencé.
Nous décidâmes de former trois équipes. Je ne sais toujours pas pourquoi le capitaine accepta que je me rende au bordel avec Crispin. Au fond, est-il vraiment capitaine de cette mission, et le chevalier d'Astelbrand second ?
D’un côté, j’étais accompagné du blême pour chercher des informations auprès des femmes et des hommes de petite vertu ; de l’autre, Passerose et Royenhardt, qui s’affairaient dans le bazar en compagnie de celui qui, en vérité, dirige tout : Norbertaux de Valsonge. Enfin, notre bon vieux capitaine, Ermengard s’en alla interroger les alchimistes.
Un bon groupe, donc, épars, chacun à sa manière.
On m’avait dit que le quartier des Lanternes ne dormait jamais. C’était vrai. À mesure que tombait la nuit, la ville s’y éveillait. Les ruelles, étroites comme des gorges, ruisselaient d’une lumière rouge. Les parfums d’encens, de jasmin et de fleurs en tout genre s’y mêlaient, formant un brouillard d’ivresse où l’esprit se perdait aussi sûrement que le corps.
Au cœur de ce dédale se dressait le Pavillon où nous devions passer la soirée. Ce n’était pas une maison close, mais un temple. Un sanctuaire voué au culte du plaisir, dont les prêtresses portaient des bracelets d’or jusqu’aux épaules et des sourires plus tranchants qu’une dague. Même Crispin, pourtant insensible à tout ce qui brille, aurait pu se laisser tenter par l’une d’elles. Leurs méthodes de séduction auraient fait pâlir le plus preux des bretteurs.
À l’intérieur, les murs étaient drapés de soieries couleur de grenade. Les plafonds, peints d’étoiles d’or, semblaient se perdre dans une brume de fumée et de rires. Partout, des coussins brodés, des nattes de lin, des amphores débordantes de fruits. Et parmi tout cela, des silhouettes mouvantes sous la caresse des lampes.
Nous fûmes accueillis par un homme à l’allure peu commune, la peau marquée par le soleil au point que celui-ci aurait pu se vanter de s’y être frotté. Il ressemblait à sa cousine Khansuya, celle qui nous avait menés ici. Jovial au possible, il nous présenta les lieux et nous offrit le loisir de converser avec le maître du pavillon. Ou plutôt, Crispin conversa, moi, je restais dans l’ombre, plus loin, sans savoir encore qui était cet homme à la chevelure longue, tombant en cascade. D’abord, je le crus client. Puis simple ouvrier.
Mais mon regard, le mien, s’envola ailleurs.
Il s’égara parmi les lampes et les voiles avant de se poser sur Fahrruvet.
Elle fut la première à captiver mon attention.
Je ne voulais pas oublier ma mission, et je ne le pouvais pas, mais je me suis laissé tenter.
J’ai joué au jeu le plus dangereux du monde, sur son terrain, loin du mien, loin de mes valeurs et de mes mœurs. Nous avons échangé longtemps, sur mille sujets futiles ou profonds, jusqu’à ce que je souffle le nom de celle que je cherchais. Nepthys.
Mon plan paraissait parfait, et il l’était peut-être. Ses yeux d’or dans les miens, le solaire embrassant l’astre divin, j’ai perdu.
Je n’y pensais plus. La mission ? Existait-elle encore ? Ou m’avait-elle envoûté d’un charme plus puissant que tout ?
Elle, qui n’avait l’air que d’une femme parmi tant d’autres, me faisait me sentir vivant. Et j’avais peur. Peur de ce que je voyais, de ce que je vivais.
Loin du monde que je connaissais, celui de l’épée, de la prouesse et des jeux de cour, je n’étais plus qu’un voyageur, égaré dans celui de la rue.
Mais vint le moment de la quitter, elle et cet endroit.
Était-ce vraiment une mission ? Était-ce un rêve ?
Fort heureusement, Crispin, dans sa folie, avait réussi à recueillir les informations dont nous avions besoin. Sénile, fou et stupide, parfois, il n’en restait pas moins un compagnon fidèle, prêt à perdre la vie pour les siens et quelle vie venait-il de m’offrir !
Nous avions des adresses, des noms, de quoi poursuivre notre route et les réunir en une seule piste, celle de Nepthys.
Nous y sommes donc allés.
Le plan était simple.
Dans ce quartier peu fréquenté, alors que la lumière du soleil s’effaçait et que la ville bruissait d’un étrange silence, nous décidâmes de frapper. Non pas des gens, mais à une porte.
Une surprise en amène toujours une autre, tandis que Crispin, sous l’œil complice de la lune, escaladait la façade comme un opo-opo à la recherche d’un trésor jaune, je me trouvai face à une femme que je connaissais déjà trop bien.
Je me sentis cuit.
Je lançai un regard à la bête géante à mes côtés - Ermengard - qui ne semblait pas mesurer l’étendue de la merde dans laquelle nous venions de plonger.
Je parvins pourtant à maintenir la conversation, découvrant une humanité inattendue chez ces pauvres femmes. Mais au fond de moi, je savais. Je pressentais qu’elles servaient le fiélon, celui qui n’offre qu’or et déception à ceux sous son joug.
Le chevalier blanc tentait de meubler la discussion en parlant de livres, avant de s’effondrer comme un patient à l’agonie. Passerose, elle, restait à part, comme connectée à un monde invisible. Je la soupçonne parfois d’être un fantôme, ou de voir au travers des yeux des morts. Son apparence, livide et glacée, me faisait songer aux non-morts des légendes.
Le capitaine, lui, ne cessait de bredouiller des excuses. Heureusement que j’étais là.
Mais à quel prix ?
Je m’attachais davantage à celle que je devais peut-être combattre.
Et que comptaient-ils lui faire ? La torturer ?
J’étais entouré de fous, et j’allais bientôt le comprendre.
Nous quittâmes les appartements après maintes tentatives de ces dames pour nous faire déguerpir.
Nous terminâmes dans les ruelles d’une ville morte, à une heure si tardive que le soleil s’apprêtait déjà à renaître.
Crispin, encore lui, avait obtenu de nouvelles informations, ces deux femmes étaient à la solde de Nepthys, celle que nous traquions depuis notre arrivée.
Mon cœur se serra.
Mais en avais-je le droit ?
Étaient-elles faibles ? Oui.
Mais aussi cultistes ? Très certainement.
Devrais-je lever ma lame contre elles ?
Je rêvais d’un scénario où je n’aurais pas à le faire.
Et c’est en cherchant cette issue, pour éviter tout mal inutile, que j’acceptai, si ce n'est que je proposai même, de m’exposer moi-même pour le bien commun.
Je demanderais à la voir, seule, devant la fontaine de vie.
Mon groupe accepta ou plutôt, Norbertaux me poussa à le faire.
Je le détestais alors, lui, autant que les démons. Et pourtant, il me fallait œuvrer avec pour le bien de tous.
Navrant.
Je me retrouvai vêtu de cette tenue que je hais encore aujourd’hui, à attendre, longuement, devant cette fontaine qui me hantera des lunes entières.
Mais où était-elle ?
Avait-elle compris que je comptais l’enlever ?
Je l’aurais presque souhaité.
Le ciel pleurait, mais la pluie ne tombait pas.
Nous sommes remontés retrouver l’ancien baron, sous le regard d’une ville endormie, au sommet d’un pont où passent chaque jour des centaines de voyageurs. Sous l’œil de notre déesse, et sans doute des leurs, nous fûmes accusés d’avoir tué ces femmes croisées quelques jours plus tôt.
Je n’ai pas la force de décrire ce qui fut dit.
Mais j’ai rarement entendu une mort aussi brutale, une torture aussi éreintante, pour le corps comme pour l’esprit.
J’en voulus au monde, aux Valsonges, mais plus encore à moi-même, au plus faible d’entre nous d’avoir cru, ne serait-ce qu’un instant, être au-dessus de tout.
La fin heureuse n’existe pas.
Et alors que je portais déjà le deuil, nous découvrîmes que la suite n’était pas plus glorieuse.
La femme qui nous avait offert le gîte depuis tant de soleils gisait au sol, les larmes aux yeux, maintenue par une cultiste tandis qu’une autre faisait feu sur mes compagnons.
Là encore, je n’avais pas la force, mais je ne pouvais rompre mes serments.
Je me doutais bien de ce qu’il en était.
J’ai tout tenté, les convaincre, les apaiser, les sauver.
J’ai jeté les armes. J’ai prié les dieux.
Certains en ont fait de même, le Chevalier blanc élevé la voix, mais sans que ça n'y fasse rien, le géant était à lui seul une peur qu'elles ne pourraient combattre.
Tandis que de l'autre côtés, furètent dans la salle Crispin et Passerose, qui tentèrent d'attaquer.
A ce moment-là, j'ai compris que la situation venait de s'envenimer, et pourtant, je restais de marbre, j'avais peur. Peur de faire couler le sang, mon corps y était mais mon esprit pas.
Heureusement que le chasseur eut usé d'un sort d'ombre pour préserver la vie de la femme.
Mais la seule chose qui put réellement sauver Khansuya, ce fut l’apparition de Norbertaux, au prix de deux vies.
Sa magie était aussi néfaste que celle d’un démon.
Et ce soir-là, je me suis dit, Pourquoi pas lui ?
Alors que mes mains plongeaient dans la mort, dans ce qui restait de ces corps chauds au sol, j'en avais plein les mains, j'en avais plein le tissu, de ce sang.
La quantité de ce liquide rougeâtre ressemblait d'avantage à un lac qu'à un flaque, et pourtant je touchais le fond, je suis à bout.
Lorsque mon regard s'est dirigés sur mes pairs, ils avaient eux aussi les mains dans la mort, mais pas pour les mêmes raisons, eux n'avaient que la mission en tête.
Ils cherchaient des informations, encore, ces vies ne valaient elles donc rien ?
Ces pauvres femmes voulaient venger leur amie, apeurées, faibles, manipulées, elles ne comprenaient pas.
Je ne comprend pas.
Je ne comprend plus.
Suis-je un chevalier ou un meurtrier ?
Suis-je réellement le héros de cette histoire ?
Le Valsonge est certainement derrière tout cela.
J'en suis sûr.
La haine monta, le ton aussi.
Et pourtant, au fond, je le savais, aussi néfaste soit-il, il n’était pas coupable.
Mais j'en avais besoin, d'un coupable.
Ses intentions, au fond, visaient à nous sauver, ou à sauver son pion, comme il aimait à le dire.
Mais j’avais besoin d’un bouc émissaire.
Un homme aux méthodes discutables, plus proche du démon que de l’homme.
Car ces femmes qu’il venait de tuer étaient, à mes yeux, des cultistes plus humaines qu’il ne le serait jamais.

Acouphènes
Tout était encore si confus dans sa tête. Si ce n’avait été pour Athénaïs, étendue dans son propre sang devant elle, la douleur lancinante de sa cheville cassée et les coupures sur ses bras l’auraient déjà assommée. Mais l’adrénaline, celle de sauver autrui, de se débattre pour qu’au moins une vie soit épargnée, la maintenait encore debout. Encore une fois, elle avait failli à sa tâche. Célestin lui avait confié Athénaïs, il avait placé sa foi en elle... et elle avait échoué. Tout gâché. Qu'importe qui était cet homme, ce qu'il voulait à Diaspro, qu'importe le fait qu'il lui avait brisé la cheville puis mis un coup de pied dans le ventre pour l'empêcher d'agir.
Les mots de sa mère se bousculaient dans son esprit tandis qu'elle rampait vers le bas des escaliers, chaque mouvement lui arrachant un gémissement plus douloureux que le précédent.
Les mots de sa mère se bousculaient dans son esprit tandis qu'elle rampait vers le bas des escaliers, chaque mouvement lui arrachant un gémissement plus douloureux que le précédent.
"Petite empotée, ne sais-tu donc rien faire comme ta sœur ?"
"Si Célestin n'était pas parti, je n'aurais pas eu à m'abaisser à ça."
"Tu n'arriveras jamais à rien. Tu n'existes que parce que je t'y ai autorisée."
"Tu me déçois."
Le souffle court, la gorge nouée, les yeux brouillés de larmes, elle atteignit enfin le rez-de-chaussée, les manches couvertes de crasse. Un cri de terreur lui échappa à la vue de Lyssandre, gisant lui aussi dans une mare de sang. Elle rampa jusqu’à lui et colla son oreille contre sa poitrine : il respirait encore, faiblement. Il n'était peut-être pas encore trop tard, elle pouvait encore agir. Il suffisait d’atteindre le placard près de la cheminée pour récupérer tout ce qu'il fallait pour les sauver : bandages, compresses, alcool, aiguille, fil.
Mais, face au placard, ses bras refusèrent de bouger. La peur paralysait chacun de ses gestes, comme si la voix maternelle l’enchaînait de nouveau. Seule, dans cette grande maison, elle revoyait Diaspro se faire enlever sous ses yeux. Elle n’avait rien pu faire. Et si sa mère avait toujours eu raison ? Pourquoi tout ce qu’elle entreprenait finissait-il par lui échapper ? Pourquoi n’arrivait-elle à rien ?
"Se...luna... Céle...stin..."
Elle murmura leurs noms d'une voix tremblante, comme un appel au secours. Ses épaules s’affaissèrent ; son regard, brisé, croisa son propre reflet dans la vitre, un visage défiguré par les larmes et la peur, sans remarquer encore que sa longue chevelure n'était plus. Oui, peut-être était-elle faible. Peut-être ne méritait-elle pas qu’on lui accorde tant d’attention. Qui voudrait d’une empotée pareille ?
Un cri à l’étage la tira brusquement de sa torpeur. C’était Athénaïs. Comme une bouffée d’air glacé, la réalité revint à elle. Lyselle se redressa sur son seul pied valide, attrapa ce dont elle avait besoin pour soigner les blessés et remonta tant bien que mal les marches. Son corps agissait malgré elle, mû par un instinct plus fort que la peur. Ils avaient besoin d’elle. Elle n’avait pas le droit de flancher. Pas maintenant. Des vies dépendaient d’elle...
Mais, face au placard, ses bras refusèrent de bouger. La peur paralysait chacun de ses gestes, comme si la voix maternelle l’enchaînait de nouveau. Seule, dans cette grande maison, elle revoyait Diaspro se faire enlever sous ses yeux. Elle n’avait rien pu faire. Et si sa mère avait toujours eu raison ? Pourquoi tout ce qu’elle entreprenait finissait-il par lui échapper ? Pourquoi n’arrivait-elle à rien ?
"Se...luna... Céle...stin..."
Elle murmura leurs noms d'une voix tremblante, comme un appel au secours. Ses épaules s’affaissèrent ; son regard, brisé, croisa son propre reflet dans la vitre, un visage défiguré par les larmes et la peur, sans remarquer encore que sa longue chevelure n'était plus. Oui, peut-être était-elle faible. Peut-être ne méritait-elle pas qu’on lui accorde tant d’attention. Qui voudrait d’une empotée pareille ?
Un cri à l’étage la tira brusquement de sa torpeur. C’était Athénaïs. Comme une bouffée d’air glacé, la réalité revint à elle. Lyselle se redressa sur son seul pied valide, attrapa ce dont elle avait besoin pour soigner les blessés et remonta tant bien que mal les marches. Son corps agissait malgré elle, mû par un instinct plus fort que la peur. Ils avaient besoin d’elle. Elle n’avait pas le droit de flancher. Pas maintenant. Des vies dépendaient d’elle...
Et, au fond, Lyselle voulait toujours prouver qu’elle n’était pas une bonne à rien.

Quand la guerre s'éveille... Pandore s'endort.
Par NLSN
L'appel aux armes était parvenu jusqu'aux confins du Coerthas, où l'or se mêle à l'ébène. À peine Louenart avait-il mis en sécurité son fils au sein des murs de son château qu'il voyait déjà tout espoir de garder la chair de sa chair près de lui s'évanouir, sachant pertinemment qu'empêcher Dorian d'intervenir ne serait que l'inviter à désobéir.
Alors, il rassembla les hommes et les femmes de la garnison autour de l'ancienne table de guerre d'Albion, ainsi que son seul héritier.
"Vous n'affronterez pas des dragons. Vous serez face à des hommes et des femmes."
Religieusement, les soldats Belmont écoutaient, dans un silence invoqué ne serait-ce que par la légende de l'homme qui se tenait en face d'eux.
"Mais celui qui tire son épée accepte ce qui vient ensuite. Vous serez le rempart entre cette épée et les serfs du Loup Blanc. Un rempart épineux, qui n'a d'yeux que pour ce qu'il protège.
Mes ordres sont les suivants : Rassemblez les guerriers Quéant et les mages Chantespoir, amenez chaque ingénieur apte à l'arme à feu. Tous ceux qui savent se battre marcheront vers le sud sous la bannière du lion d'or. Sous les ordres de mon fils, vous rejoindrez les troupes Valsonge. Vous les protégerez comme s'il s'agissait de vos frères et soeurs, et vous sauverez tout ceux qui sont piégés entre les murs de Portelune.
Et toi, mon fils... Sois une arme au service de la vertu. Que leurs cœurs continuent de battre.
Soyez le bouclier qui tranche."
À l'unisson, tous voûtèrent leurs bustes. Pas un son, pas une exultation. Il n'y avait rien à célébrer, pas d'impatience ni d'enthousiasme. Le sang allait couler, la mort viendrait changer le doré en pourpre.
Pourtant, dans les veines du Chevalier Soleil couvait un feu inconnu. Une rage insidieuse, inhibant toute appréhension et fermant son cœur à la compassion. Lui qui avait toujours craint de heurter autrui ne ressentait alors qu'une profonde aversion pour l'ennemi. Une lassitude sous forme de colère à l'état le plus primordial et bouillant.
Un sentiment qui ne le quittera pas, qui le poussera même à donner l'ordre d'accélérer la marche de ses deux cent hommes et femmes armés. C'est trois jours plus tard que l'armée du Lion se dressa devant les portes du manoir du Val des Songes, avec à leur tête un commandant prêt à joindre ses forces à cette famille qui pourtant l'a tant déprécié, bien décidé à organiser avec eux une offensive sur Portelune.
Les habitants devaient être évacués. Le Baron devait être sauvé avant d'être fait prisonnier.
Alors, il rassembla les hommes et les femmes de la garnison autour de l'ancienne table de guerre d'Albion, ainsi que son seul héritier.
"Vous n'affronterez pas des dragons. Vous serez face à des hommes et des femmes."
Religieusement, les soldats Belmont écoutaient, dans un silence invoqué ne serait-ce que par la légende de l'homme qui se tenait en face d'eux.
"Mais celui qui tire son épée accepte ce qui vient ensuite. Vous serez le rempart entre cette épée et les serfs du Loup Blanc. Un rempart épineux, qui n'a d'yeux que pour ce qu'il protège.
Mes ordres sont les suivants : Rassemblez les guerriers Quéant et les mages Chantespoir, amenez chaque ingénieur apte à l'arme à feu. Tous ceux qui savent se battre marcheront vers le sud sous la bannière du lion d'or. Sous les ordres de mon fils, vous rejoindrez les troupes Valsonge. Vous les protégerez comme s'il s'agissait de vos frères et soeurs, et vous sauverez tout ceux qui sont piégés entre les murs de Portelune.
Et toi, mon fils... Sois une arme au service de la vertu. Que leurs cœurs continuent de battre.
Soyez le bouclier qui tranche."
À l'unisson, tous voûtèrent leurs bustes. Pas un son, pas une exultation. Il n'y avait rien à célébrer, pas d'impatience ni d'enthousiasme. Le sang allait couler, la mort viendrait changer le doré en pourpre.
Pourtant, dans les veines du Chevalier Soleil couvait un feu inconnu. Une rage insidieuse, inhibant toute appréhension et fermant son cœur à la compassion. Lui qui avait toujours craint de heurter autrui ne ressentait alors qu'une profonde aversion pour l'ennemi. Une lassitude sous forme de colère à l'état le plus primordial et bouillant.
Un sentiment qui ne le quittera pas, qui le poussera même à donner l'ordre d'accélérer la marche de ses deux cent hommes et femmes armés. C'est trois jours plus tard que l'armée du Lion se dressa devant les portes du manoir du Val des Songes, avec à leur tête un commandant prêt à joindre ses forces à cette famille qui pourtant l'a tant déprécié, bien décidé à organiser avec eux une offensive sur Portelune.
Les habitants devaient être évacués. Le Baron devait être sauvé avant d'être fait prisonnier.
Quoi qu'il en coûte.

La Chute
Les jours passèrent, et pas un ne s’écoula sans que le verdict ne lui revienne en tête, assise derrière son bureau du manoir, le regard tourné vers la fenêtre donnant sur les ruelles pavées des Contreforts. Spéculer maintenant ne servirait à rien, ce pourquoi elle avait demandé au reste de la délégation d'attendre sagement le jour du verdict qui vint finalement bien assez tôt. Au petit matin d’une journée claire, après avoir embrassé ses enfants, Lenore quitta la demeure Riverhood, la fourrure sur les épaules. Elle n’avait pas encore franchi le grand portail qu’un appel linkperle la stoppa net.
"Mes hommages, madame la vicomtesse. C'est Royenhardt, je ne vous dérange pas j'espère ?"
La voix du chevalier blanc la rassura plus qu’elle ne voulut l'admettre. Depuis le malencontreux épisode du bouquet d’aconit tue-loup, l’homme semblait avoir retrouvé un peu de sa vivacité, juste assez pour qu’elle ne songe pas à le réprimander. Pour autant, sa joie fut de courte durée lorsqu'il lui annonça de funestes augures.
"Avez-vous entendu parler des prédictions des astromanciennes de la Tour, madame ?
- ... Non ? Devrais-je ?
- Je crains que Main d'Or soit derrière votre procès, de près ou de loin, et qu'il tire les ficelles pour vous mettre hors-jeu. Pire encore, je pense que... la décision de justice est déjà scellée, et je crains qu'elle ne soit pas en votre faveur."
Le ton grave du chevalier ne laissait aucune place au doute. Si Lenore venait d'avoir la confirmation à ses soupçons, elle n'était pas prête à entendre la suite.
"Dans la prédiction, il est dit que la mère de Gévaudan, impuissante, serait contrainte de voir ses enfants affronter l'Or. Je pense que la prédiction implique que vous allez forcément perdre au procès, et être incarcérée. Main d'Or veut vous éloigner de Gévaudan."
La simple possibilité de se retrouver derrière les barreaux fit tiquer Lenore qui se figea. Le pire qu'elle avait imaginé jusqu'ici était une humiliation publique et la perte d'un bout de ses terres, pas un séjour en prison. Pas l'exil. Ce procès n'était définitivement pas qu'un simple "litige entre voisins", c'était une manœuvre, un piège. On cherchait à les affaiblir, mais la raison derrière tout ça restait encore floue. Royenhardt ne parvint pas à la satisfaire à ce sujet du moins. Après un rapide échange, ils conclurent par cet accord tacite. Si la dame ne répondrait pas à l'appel après le procès, il saurait où elle se serait.
"Mes hommages, madame la vicomtesse. C'est Royenhardt, je ne vous dérange pas j'espère ?"
La voix du chevalier blanc la rassura plus qu’elle ne voulut l'admettre. Depuis le malencontreux épisode du bouquet d’aconit tue-loup, l’homme semblait avoir retrouvé un peu de sa vivacité, juste assez pour qu’elle ne songe pas à le réprimander. Pour autant, sa joie fut de courte durée lorsqu'il lui annonça de funestes augures.
"Avez-vous entendu parler des prédictions des astromanciennes de la Tour, madame ?
- ... Non ? Devrais-je ?
- Je crains que Main d'Or soit derrière votre procès, de près ou de loin, et qu'il tire les ficelles pour vous mettre hors-jeu. Pire encore, je pense que... la décision de justice est déjà scellée, et je crains qu'elle ne soit pas en votre faveur."
Le ton grave du chevalier ne laissait aucune place au doute. Si Lenore venait d'avoir la confirmation à ses soupçons, elle n'était pas prête à entendre la suite.
"Dans la prédiction, il est dit que la mère de Gévaudan, impuissante, serait contrainte de voir ses enfants affronter l'Or. Je pense que la prédiction implique que vous allez forcément perdre au procès, et être incarcérée. Main d'Or veut vous éloigner de Gévaudan."
La simple possibilité de se retrouver derrière les barreaux fit tiquer Lenore qui se figea. Le pire qu'elle avait imaginé jusqu'ici était une humiliation publique et la perte d'un bout de ses terres, pas un séjour en prison. Pas l'exil. Ce procès n'était définitivement pas qu'un simple "litige entre voisins", c'était une manœuvre, un piège. On cherchait à les affaiblir, mais la raison derrière tout ça restait encore floue. Royenhardt ne parvint pas à la satisfaire à ce sujet du moins. Après un rapide échange, ils conclurent par cet accord tacite. Si la dame ne répondrait pas à l'appel après le procès, il saurait où elle se serait.

Si seulement elle avait pu choisir son destin, elle aurait sans doute préféré la prison à cet attentat. Blottie contre le plastron glacé de Lancelin, celui-ci la tenait fermement tandis que deux dragons noirs s'acharnaient à réduire leur aéronef en cendres.
"CRAMPONNEZ-VOUS ! VITE !"
Tout allait si vite, bien trop vite. La fumée des réacteurs endommagés brouillait leur vision, masquant les créatures qui tournoyaient autour d’eux tels des rapaces affamés. À chaque déflagration, un fracas assourdissant. Ce n’étaient pas des bêtes ordinaire, cela faisait des années que les dragons n’attaquaient plus les coerthiens, hormis quelques renégats. Mais ce cas-là... n’en était pas un. Et tout ça pour rien ? Le Gévaudan s'était tiré du procès avec de simples sanctions, un contrôle des terres par les clercs Antoine et Louis, tous deux passés par-dessus bord à la première déchirure de la coque. Ce n'était pas une coïncidence. C'était un coup monté. Une tentative d’assassinat. Et juste avant l'impact, Lenore pensa une dernière fois à son mari. À ses enfants.
"CRAMPONNEZ-VOUS ! VITE !"
Tout allait si vite, bien trop vite. La fumée des réacteurs endommagés brouillait leur vision, masquant les créatures qui tournoyaient autour d’eux tels des rapaces affamés. À chaque déflagration, un fracas assourdissant. Ce n’étaient pas des bêtes ordinaire, cela faisait des années que les dragons n’attaquaient plus les coerthiens, hormis quelques renégats. Mais ce cas-là... n’en était pas un. Et tout ça pour rien ? Le Gévaudan s'était tiré du procès avec de simples sanctions, un contrôle des terres par les clercs Antoine et Louis, tous deux passés par-dessus bord à la première déchirure de la coque. Ce n'était pas une coïncidence. C'était un coup monté. Une tentative d’assassinat. Et juste avant l'impact, Lenore pensa une dernière fois à son mari. À ses enfants.

La chute fut rude, mortelle même pour certains. Antoine et Louis n'y survécurent pas, leurs corps gisant dans des positions à glacer le sang. La tête encore sonnée, Lenore grelottait dans les bras de Lancelin qui la soutenait comme il pouvait, tandis que Midra s’affairait auprès d'Elric, incapable de bouger, un éclat de métal planté dans le flanc gauche. Zael, lui, scrutait les environs à la recherche d’un abri où mettre la vicomtesse à l'abri du froid.
"Trouvez-vous quelque chose, messire ?
- Rien... Rien du tout. On est paumés au beau milieu du Coerthas."
Les paysages se ressemblaient tous, et le vent gagnait en violence. Plus ils attendaient, et plus ils risquaient d'y laisser leur peau. Zael porta un regard par-dessus son épaule avant de trancher :
"Il va falloir partir et prier pour trouver un abri en chemin."
"Trouvez-vous quelque chose, messire ?
- Rien... Rien du tout. On est paumés au beau milieu du Coerthas."
Les paysages se ressemblaient tous, et le vent gagnait en violence. Plus ils attendaient, et plus ils risquaient d'y laisser leur peau. Zael porta un regard par-dessus son épaule avant de trancher :
"Il va falloir partir et prier pour trouver un abri en chemin."

Il la porta sur son dos quand le blizzard redoublait. Derrière lui, les corps d'Elric, Lancelin et Midra gisaient à même le sol, figés par le froid. Pour la première fois de sa vie, le Loup Noir avait dû faire un choix : sacrifier ses compagnons pour sauver le cœur même du Gévaudan. Et il l'avait fait.
Il marchait difficilement dans la neige, le froid lui mordant le visage à plusieurs reprises alors qu'il traversait les vallées enneigées. Lenore ne répondait plus à ses questions, sa tête ballottait mollement contre son épaule, ses bras glissant le long de son corps. À la moindre erreur, elle tomberait.
Enfin, le regard de l'héritier se posa sur une bicoque perchée sur une colline non loin, en piteux état certes mais assez solide pour les abriter quelques heures du froid. Mais c'était sans compter sur son épuisement physique et mental qui le rattrapa à quelques mètres seulement de la bâtisse. Tandis que ses genoux cédèrent sous le poids de la fatigue, il tomba dans la neige, retenant de justesse Lenore. Et dans le voile blanc du blizzard, une silhouette s'approcha lentement.
Il marchait difficilement dans la neige, le froid lui mordant le visage à plusieurs reprises alors qu'il traversait les vallées enneigées. Lenore ne répondait plus à ses questions, sa tête ballottait mollement contre son épaule, ses bras glissant le long de son corps. À la moindre erreur, elle tomberait.
Enfin, le regard de l'héritier se posa sur une bicoque perchée sur une colline non loin, en piteux état certes mais assez solide pour les abriter quelques heures du froid. Mais c'était sans compter sur son épuisement physique et mental qui le rattrapa à quelques mètres seulement de la bâtisse. Tandis que ses genoux cédèrent sous le poids de la fatigue, il tomba dans la neige, retenant de justesse Lenore. Et dans le voile blanc du blizzard, une silhouette s'approcha lentement.
Manius Caelius.

La rage au coeur
Par Kin
"ELLE NOUS A TRAHI !"
Le hurlement désespéré, enragé, couvrait l'entièreté des fortifications de Portelune et portait même jusqu'aux campements de leurs adversaires, cette complainte d'une douleur déchirante allant jusqu'au ciel avec Menphina pour énième témoin. Les poings serrés, les larmes coulant à flot pour la toute première fois depuis bien longtemps, Célestin hurlait sa haine, son incompréhension, et sa douleur sans que qui que ce soit ne put y répondre. Sa gorge était nouée, le coeur serré, et l'esprit embrouillé, les éléments de sa vie, son enfance comme les années plus récentes, défilaient devant son regard où il revoyait les souvenirs partagés avec celle qu'il avait appelé mère toute sa vie. Cassandra la traîtresse, Cassandra la lâche... Cassandra l'hérétique.
"Une vie entière à nous mentir, à maltraiter mes sœurs, à les rabaisser, à juger les choix de chaque membre de cette famille maudite, et tout ça pour quoi ?! Une catin qui se jouait de nous et nous offre aujourd'hui à son maître !"
De ces mots, sûrement le fils n'en pensait pas le contenu. Sûrement tel language était la seule façon qu'il avait trouvé de pouvoir exprimer toute la douleur qui le dévorait en cet instant. Lui qui n'avait cessé de se battre corps et âmes pour conserver les siens debout, lui qui s'était presque tué à vouloir créer la différence, qui aurait cru que ce qui aurait raison de l'esprit, de la résilience et de la patience du baron serait le coup de couteau que sa propre mère planterait dans son dos. Jalonneurs, chasseurs, gardes blancs et gardes noirs ne pouvaient que patienter face à la complainte de l'homme qui n'avait nul part où aller hurler si ce n'est le sommet du fortin que l'on nomme Portelune.
"Je vais tous les tuer... Je vais tous les briser... Nyx'Vareth... Nous les tuerons tous, jusqu'au dernier, et je n'aurai de pitié pour plus aucun d'entre eux, je passerai au fer de mon jugement tous ceux qui oseront me trahir, il n'y aura plus de pardon."
Le hurlement désespéré, enragé, couvrait l'entièreté des fortifications de Portelune et portait même jusqu'aux campements de leurs adversaires, cette complainte d'une douleur déchirante allant jusqu'au ciel avec Menphina pour énième témoin. Les poings serrés, les larmes coulant à flot pour la toute première fois depuis bien longtemps, Célestin hurlait sa haine, son incompréhension, et sa douleur sans que qui que ce soit ne put y répondre. Sa gorge était nouée, le coeur serré, et l'esprit embrouillé, les éléments de sa vie, son enfance comme les années plus récentes, défilaient devant son regard où il revoyait les souvenirs partagés avec celle qu'il avait appelé mère toute sa vie. Cassandra la traîtresse, Cassandra la lâche... Cassandra l'hérétique.
"Une vie entière à nous mentir, à maltraiter mes sœurs, à les rabaisser, à juger les choix de chaque membre de cette famille maudite, et tout ça pour quoi ?! Une catin qui se jouait de nous et nous offre aujourd'hui à son maître !"
De ces mots, sûrement le fils n'en pensait pas le contenu. Sûrement tel language était la seule façon qu'il avait trouvé de pouvoir exprimer toute la douleur qui le dévorait en cet instant. Lui qui n'avait cessé de se battre corps et âmes pour conserver les siens debout, lui qui s'était presque tué à vouloir créer la différence, qui aurait cru que ce qui aurait raison de l'esprit, de la résilience et de la patience du baron serait le coup de couteau que sa propre mère planterait dans son dos. Jalonneurs, chasseurs, gardes blancs et gardes noirs ne pouvaient que patienter face à la complainte de l'homme qui n'avait nul part où aller hurler si ce n'est le sommet du fortin que l'on nomme Portelune.
"Je vais tous les tuer... Je vais tous les briser... Nyx'Vareth... Nous les tuerons tous, jusqu'au dernier, et je n'aurai de pitié pour plus aucun d'entre eux, je passerai au fer de mon jugement tous ceux qui oseront me trahir, il n'y aura plus de pardon."

La peur au coeur
Arrivée le matin même, les troupes Riverhood et Eridanie avaient monté leur campement en face de celui de l'armée Sombronce, mais les affrontements n'avaient pas encore débutés. Dans la tente de commandement, officiers militaires et chevaliers conviés s'afféraient à échanger sur la suite des évènements. En bout de table, trônant à la place qu'il occupait avec difficulté, le vicomte les écoutait les uns après les autres.
"Nous avons donc deux options... Tenter de passer en force en frappant avec vigueur pour percer et forcer les Sombronces à battre en retraite pour reprendre position en dehors d Sylvefer, ou bien tenter des escarmouches par la forêt, prononça l'un des hommes en question.
— Ce serait bien trop lent de tenter de les épuiser avec le temps, répondit un autre.
— N'oublions pas que s'ils prennent Sylvefer, nous seulement auront-ils des prisonniers mais également une position sur laquelle s'implanter. Actuellement leur armée est divisée. Ajouta un troisième, avant de reporter son regard vers le vicomte débordé qui essayait de suivre une discussion dont il ne maîtrisait rien. Monseigneur ?"
L'attention des hommes dans la tente se tourna alors vers Derek, ce dernier regardant la carte de Sylvefer et ses alentours, où était indiqué l'emplacement de son armée, celle de son adversaire, et celle de ses hommes enfermés dans un village conçu plus pour la vie du quotidien qu'une quelconque capacité défensive. Puis, dans une demi-surprise seulement pour tous, il demanda d'une voix las, fatiguée, et inquiète.
"Des nouvelles de la vicomtesse ?
— ... Hélas non, monseigneur. Le temple recherche activement madame la vicomtesse et son escorte.
— Elle était aux côtés de monseigneur, messire, ajouta un homme aux coulerus de la maison des bâtisseurs et maître de guerre.
— Je vois... répondit Derek. Messieurs, vous me semblez déjà tous en accord sur le fait que nous ne pouvons pas nous permettre de demi-mesure et chaque seconde compte. Préparez l'armée à une confrontation directe."
A ces mots, le vicomte leva la séance et lorsqu'il se redressa, tous en firent de même. En cet instant de calme qui suivit, le vicomte s'autorisa à s'éloigner du campement, jamais trop loin. A quelques yalms d'ici, deux chevaliers blancs patientaient. Ces hommes avaient appris à respecter les besoins d'intimité de leur seigneur, tout en s'assurant de toujours être proche pour sa sécurité. Encore plus maintenant. Et sûrement était-ce à ce moment précis que Derek réalisa la teneur de ce qu’il se passait. La teneur de la réalité. Son épouse manquait.
C’est au moment où cette pensée frappa son esprit qu’il vit les risques de ne plus jamais la voir. Plongé dans l’inconnu des évènements ayant lieu au-delà de ce qu’il pouvait percevoir, il était impuissant en cet instant très précis. Sûrement est-ce également à ce moment que les deux chevaliers l’accompagnant dans sa marche virent leur seigneur chanceler, cherchant quelque chose de la main auquel se soutenir avant de chuter. A mesure de ses pensées, son cœur s’était emballé, son souffle devenait de plus en plus chaotique, comme si l’on compressait sa cage thoracique, sa vision devenue flou, il avait perdu pied et terminé sa course dans la neige. Il entendait autour de lui, les cris de ses protecteurs appeler un médecin. Lui, au fond, savait que le mal qui le frappait était simplement la panique qui avait frappé.
"Nous avons donc deux options... Tenter de passer en force en frappant avec vigueur pour percer et forcer les Sombronces à battre en retraite pour reprendre position en dehors d Sylvefer, ou bien tenter des escarmouches par la forêt, prononça l'un des hommes en question.
— Ce serait bien trop lent de tenter de les épuiser avec le temps, répondit un autre.
— N'oublions pas que s'ils prennent Sylvefer, nous seulement auront-ils des prisonniers mais également une position sur laquelle s'implanter. Actuellement leur armée est divisée. Ajouta un troisième, avant de reporter son regard vers le vicomte débordé qui essayait de suivre une discussion dont il ne maîtrisait rien. Monseigneur ?"
L'attention des hommes dans la tente se tourna alors vers Derek, ce dernier regardant la carte de Sylvefer et ses alentours, où était indiqué l'emplacement de son armée, celle de son adversaire, et celle de ses hommes enfermés dans un village conçu plus pour la vie du quotidien qu'une quelconque capacité défensive. Puis, dans une demi-surprise seulement pour tous, il demanda d'une voix las, fatiguée, et inquiète.
"Des nouvelles de la vicomtesse ?
— ... Hélas non, monseigneur. Le temple recherche activement madame la vicomtesse et son escorte.
— Elle était aux côtés de monseigneur, messire, ajouta un homme aux coulerus de la maison des bâtisseurs et maître de guerre.
— Je vois... répondit Derek. Messieurs, vous me semblez déjà tous en accord sur le fait que nous ne pouvons pas nous permettre de demi-mesure et chaque seconde compte. Préparez l'armée à une confrontation directe."
A ces mots, le vicomte leva la séance et lorsqu'il se redressa, tous en firent de même. En cet instant de calme qui suivit, le vicomte s'autorisa à s'éloigner du campement, jamais trop loin. A quelques yalms d'ici, deux chevaliers blancs patientaient. Ces hommes avaient appris à respecter les besoins d'intimité de leur seigneur, tout en s'assurant de toujours être proche pour sa sécurité. Encore plus maintenant. Et sûrement était-ce à ce moment précis que Derek réalisa la teneur de ce qu’il se passait. La teneur de la réalité. Son épouse manquait.
C’est au moment où cette pensée frappa son esprit qu’il vit les risques de ne plus jamais la voir. Plongé dans l’inconnu des évènements ayant lieu au-delà de ce qu’il pouvait percevoir, il était impuissant en cet instant très précis. Sûrement est-ce également à ce moment que les deux chevaliers l’accompagnant dans sa marche virent leur seigneur chanceler, cherchant quelque chose de la main auquel se soutenir avant de chuter. A mesure de ses pensées, son cœur s’était emballé, son souffle devenait de plus en plus chaotique, comme si l’on compressait sa cage thoracique, sa vision devenue flou, il avait perdu pied et terminé sa course dans la neige. Il entendait autour de lui, les cris de ses protecteurs appeler un médecin. Lui, au fond, savait que le mal qui le frappait était simplement la panique qui avait frappé.

La tristesse au coeur
Seul dans sa propre chambre, à la lumière d’une simple lampe à huile, Norberteaux lisait dans un silence total les mots laissés par celle qui avait été sa femme durant de nombreuses décennies, dans la période la plus sombre que la famille Valsonge n’avait jamais traversé. Et ainsi, arriva-t-il aux derniers mots adressés quant à eux spécifiquement à lui.
"Je t’aime. Brûle en enfer."
Si court, si rapide après des décennies de mariage, de haine, d’incompréhension, de douleur, et de distance. Et pourtant, aucuns autres mots n’auraient pu mieux résumer la relation qui liait Cassandra à Norberteaux. Ce dernier le savait bien, cette conclusion amère était sûrement la plus juste qui soit. Pour autant, jamais n’aurait-il cru voir son épouse le trahir de cette façon. Il savait qu’elle avait passé leur mariage à le trahir, à agir dans son dos... Lorsqu’elle lui avait demandé pourquoi il l’avait laissé faire, sa réponse avait été sans appel. Il avait pitié d’elle.
A présent, mis face au fait accompli que tout n’avait été que mensonge une fois de plus dans un jeu d’acteur parfaitement mené à tel point que même lui n’avait jamais pu lire au travers de cette mascarade, il voyait la vérité. Une vérité difficile, injuste... Et remplie de nombreuses erreurs. Beaucoup l’accusait d’être un sans cœur, un monstre, d’avoir plus en commun avec les néantins qu’il affrontait que les humains auxquels il appartenait. Sûrement avaient-ils tous raisons. Mais jamais n’avait-il chuté aussi bas que Cassandra.
Les émotions qui passaient au travers du père-baron étaient nombreuses. Sentiment de trahison, colère, déception… mais pas la moindre incompréhension, car ces mots livrés par celle avec qui il avait partagé sa vie en dépit de tout ne laissaient place à aucun doute. Il était marié à un démon. Un démon qu’il avait lui-même créé. Un bruit se fit entendre, celui d’une bête qui rampe. Ce long serpent blanc approcha de la chaise, son regard posé sur le livre, avant de le relever vers son maître. Puis, elle revint s’allonger, en silence, sans avoir le moindre mot à dire. Car elle-même n’avait jamais vu une larme couler le long de la joue de celui que l’on appelait monstre, mais qu’entre ces murs, on appelait Norberteaux.
"Je t’enverrai en enfer avant moi. Puis je t’y rejoindrais pour toujours."
"Je t’aime. Brûle en enfer."
Si court, si rapide après des décennies de mariage, de haine, d’incompréhension, de douleur, et de distance. Et pourtant, aucuns autres mots n’auraient pu mieux résumer la relation qui liait Cassandra à Norberteaux. Ce dernier le savait bien, cette conclusion amère était sûrement la plus juste qui soit. Pour autant, jamais n’aurait-il cru voir son épouse le trahir de cette façon. Il savait qu’elle avait passé leur mariage à le trahir, à agir dans son dos... Lorsqu’elle lui avait demandé pourquoi il l’avait laissé faire, sa réponse avait été sans appel. Il avait pitié d’elle.
A présent, mis face au fait accompli que tout n’avait été que mensonge une fois de plus dans un jeu d’acteur parfaitement mené à tel point que même lui n’avait jamais pu lire au travers de cette mascarade, il voyait la vérité. Une vérité difficile, injuste... Et remplie de nombreuses erreurs. Beaucoup l’accusait d’être un sans cœur, un monstre, d’avoir plus en commun avec les néantins qu’il affrontait que les humains auxquels il appartenait. Sûrement avaient-ils tous raisons. Mais jamais n’avait-il chuté aussi bas que Cassandra.
Les émotions qui passaient au travers du père-baron étaient nombreuses. Sentiment de trahison, colère, déception… mais pas la moindre incompréhension, car ces mots livrés par celle avec qui il avait partagé sa vie en dépit de tout ne laissaient place à aucun doute. Il était marié à un démon. Un démon qu’il avait lui-même créé. Un bruit se fit entendre, celui d’une bête qui rampe. Ce long serpent blanc approcha de la chaise, son regard posé sur le livre, avant de le relever vers son maître. Puis, elle revint s’allonger, en silence, sans avoir le moindre mot à dire. Car elle-même n’avait jamais vu une larme couler le long de la joue de celui que l’on appelait monstre, mais qu’entre ces murs, on appelait Norberteaux.
"Je t’enverrai en enfer avant moi. Puis je t’y rejoindrais pour toujours."
"Nyx'Vareth... Nous les tuerons tous."
Par Mordred
Alors que Célestin prononça son nom, l’air se figea, lourd comme un linceul. Les torches de Portelune vacillèrent, certaines s’éteignirent, étouffées par un souffle venu d’ailleurs.
Une ombre s’étira derrière le Baron de Valsonge, silencieuse, indistincte, mais vivante. Seul Célestin la voyait.
Une voix, profonde et rauque, fendit le silence, résonnant dans les pensées du baron comme un grondement lointain.
« Mon cher sacrifié... Je suis avec toi. Je serai tes ailes, tes crocs, et l’arme de ta vengeance. »
Un souffle brûlant fit frémir la poussière du sol et s'envola en direction des troupes enemies au loin.
« Pathétiques humains belliqueux… toujours à se battre pour un rien. Ils paieront. Tous. Ceux qui ont trahi ton sang, ceux qui ont souillé ton nom, ceux qui tentent de marcher sur tes terres... et même lui. Cette raclure du Néant. »
L’ombre se tut, mais son regard invisible demeura.
Dans le froid du Gévaudan, Célestin sut que la promesse venait d’être scellée, dans un murmure que nul autre n’aurait dû entendre.

Un silence assourdissant
Par Seluna
Toujours au monastère, Seluna avait tenu ses promesses.
Elle ne se mettrait pas en danger.
Elle déployait ses hommes, veillait à corrompre la forêt de mille ruses, à hanter les bois de maléfices.
Et elle lisait.
Des lettres.
Celles de ses proches, qui eux affrontaient le tumulte : le fer, les cris, le sang, la peur.
Ces lettres s’empilaient lentement, comme les strates d’une impuissance grandissante.
Jamais elle n’aurait imaginé que son premier enfant lui inspirerait tant de crainte, et si peu de joie.
Là où elle espérait trouver un cap, une direction claire avant les récifs, elle dérivait désormais sur une mer d’huile, amère et immobile.
Tous étaient impliqués dans des affaires qui la touchaient au plus intime, et pourtant, elle devait rester là : figée, silencieuse.
Puis vint cette lettre.
La dernière.
Celle où le nom de sa mère s’étalait en lettres capitales.
Elle l’avait lue, puis s’était affaissée dans son siège, les poings si serrés que le sang en jaillit.
La rage lui vrillait le ventre, son regard s’était perdu dans le vide.
Et l’enfant en elle la muselait, la clouait sur cette chaise.
Elle ne pouvait pas sortir.
Elle ne pouvait pas chasser la traîtresse.
Elle ne pouvait rien faire.
Son esprit, noyé de colère noire, chercha alors un exutoire.
Elle finit par confier sa perle à son médecin, celui dépêché pour rester à ses côtés en permanence.
Elle fit savoir qu’elle ne voulait voir ni parler à personne, et que cela ne changerait que lorsqu’elle l’aurait décidé.
Le médecin, bien sûr, continuerait de lui transmettre les nouvelles essentielles.
Mais pour l’heure, elle voulait être seule.
Ou presque.
Car elle continuait de lire, de scruter chaque mot, chaque ligne, pour comprendre, anticiper, réagir.
Et malgré tout, il ne restait que cela :
le silence.
Elle ne se mettrait pas en danger.
Elle déployait ses hommes, veillait à corrompre la forêt de mille ruses, à hanter les bois de maléfices.
Et elle lisait.
Des lettres.
Celles de ses proches, qui eux affrontaient le tumulte : le fer, les cris, le sang, la peur.
Ces lettres s’empilaient lentement, comme les strates d’une impuissance grandissante.
Jamais elle n’aurait imaginé que son premier enfant lui inspirerait tant de crainte, et si peu de joie.
Là où elle espérait trouver un cap, une direction claire avant les récifs, elle dérivait désormais sur une mer d’huile, amère et immobile.
Tous étaient impliqués dans des affaires qui la touchaient au plus intime, et pourtant, elle devait rester là : figée, silencieuse.
Puis vint cette lettre.
La dernière.
Celle où le nom de sa mère s’étalait en lettres capitales.
Elle l’avait lue, puis s’était affaissée dans son siège, les poings si serrés que le sang en jaillit.
La rage lui vrillait le ventre, son regard s’était perdu dans le vide.
Et l’enfant en elle la muselait, la clouait sur cette chaise.
Elle ne pouvait pas sortir.
Elle ne pouvait pas chasser la traîtresse.
Elle ne pouvait rien faire.
Son esprit, noyé de colère noire, chercha alors un exutoire.
Elle finit par confier sa perle à son médecin, celui dépêché pour rester à ses côtés en permanence.
Elle fit savoir qu’elle ne voulait voir ni parler à personne, et que cela ne changerait que lorsqu’elle l’aurait décidé.
Le médecin, bien sûr, continuerait de lui transmettre les nouvelles essentielles.
Mais pour l’heure, elle voulait être seule.
Ou presque.
Car elle continuait de lire, de scruter chaque mot, chaque ligne, pour comprendre, anticiper, réagir.
Et malgré tout, il ne restait que cela :
le silence.
Un choix, quatre issues
A la demande du chevalier de Quéant, Lyselle s'était isolée pour lire la lettre dans un coin tranquille, et quoi de mieux que l'apothicairerie pour y trouver un semblant de paix. A l'abri des regards derrière le rideau médical, elle s'était assise sur le lit, éclairée par une simple chandelle. Ses yeux dévoraient chaque ligne avec un mélange de curiosité et d'appréhension. Rapidement, ses pommettes rosirent, son regard s'agrandit, et surtout, son cœur s'enflamma d'un enthousiasme qu'elle ne ressentait que rarement.
Une fois encore, on l'avait remarquée. On avait su se mettre à sa place, comprendre ce qu'elle avait traversé, bien qu'elle ignorât encore comment. Si c'était par le biais du carnet de Diaspro, elle n'avait pas encore eu le courage de l'ouvrir. Elle le fuyait autant qu'elle le cherchait. Elle entendait tellement de choses sur sa mère qu'elle en saturait presque. Pour autant, rien ne pouvait égaler la chaleur qui lui parcourait le corps à mesure qu'elle lisait les lignes du chevalier Lanval. Au fond, la surprise ne dura qu'un instant : il était un Belmont. Et les Belmont étaient bons. Cette lettre ne faisait que confirmer les raisons de son serment au Lion.
Mais cette chaleur s'éteignit peu à peu au fil des mots. L'enthousiasme céda la place à l'inquiétude, puis à cette brume dans son regard. Diaspro, Norberteaux... On lui demandait de choisir, mais son cerveau se refusait instinctivement à cette fatalité. Ce n'était pas juste, et elle en avait tellement assez du sang versé.
Elle prendrait le temps d'étudier la question.
Le rideau tombe
Par Zael
- Ça fait longtemps que je vous observe, ce n'est que face à l'horreur que vous révélez votre noblesse de fous et vous pouvez parfois être si noble. Donc, je vous apporterais la douleur, je vous apporterais l'horreur, afin que vous puissiez vous élever au-dessus, afin que ceux d'entre vous qui survivront à ce règne de l'enfer, soit peut être digne de l'amour des Douze.
Ses doigts faisaient tourner une pièce entre eux, une habitude qu'il n'avait jamais su perdre. La pièce brillait, un instant, avant de disparaitre dans sa paume. Si Ishgard avait ses cathédrales, ses messes. Ici, dans la neige et la boue, c'était un autre culte. Celui du sang, des cris et de la peur. Les loup du Val bondissaient et Valeryon menait la danse, chef d'orchestre de ce chaos. Octave, suivait, d'un pas de côté, un sifflement à peine audible, qui glissait entre les hurlements. Là ou la peur crispait les muscles, lui gardait la souplesse d'un funambule.
- Touché ! murmura-t-il pour lui-même en entendant la détonation.
Une lumière écarlate embrasa les troncs. L'écho des rapaces couvraient, l'espace d'un instant, les hurlements. Octave souffla un rire, un éclat bref, presque joyeux. Lui qui aimait ce genre de moments, suspendus, où la mort se faisait artiste, où le monde semblait applaudir la cruauté de l'instant.
Quand il arriva sur le lieu de l'explosion, il s'accroupit près du blessé. Un homme agonisant, le visage tordu par la douleur.
- Ah ! Ne bougez pas surtout !
Sa voix était douce, compatissante alors qu'il observa les yeux de l'homme, s'ouvrir, y lisant terreur et confusion. Puis, il tapota sa joue, avec légèreté, s'inclinant devant l'homme en retirant son chapeau invisible, avec cette désinvolture qui lui était propre. Repartant, il reprit son sifflement et entre ses lèvres, la mélodie serpentait, incongrue. Elle dansait entre les arbres, se mêlant aux cris lointains de la meute. Ses yeux, éclats d'or sous la lune, brillaient d'un amusement sincère. Chaque mort, chaque piège, chaque cri lui semblait être une symphonie qu'il n'écrirait jamais mais dont la fin lui était déjà connu.
Quand les loups revinrent, il fit mine d'applaudir. Trois claquements nets, ironiques et pourtant, admiratifs.
- Oh ! Messieurs ! Quel spectacle !
Il s'inclina, la main sur le cœur, comme un saltimbanque remerciant un public invisible. Tournant des talons, Octave avança comme sur une scène, disparaissant entre deux arbres, sa mélodie s'essoufflant à mesure qu'il s'éloignait. Et quand le silence retomba, il ne resta que cette impression étrange. Avait-il vraiment existé ? Ou était ce qu'une ombre, apparue dans le grand théâtre qu'est le Val des Songes.
Ses doigts faisaient tourner une pièce entre eux, une habitude qu'il n'avait jamais su perdre. La pièce brillait, un instant, avant de disparaitre dans sa paume. Si Ishgard avait ses cathédrales, ses messes. Ici, dans la neige et la boue, c'était un autre culte. Celui du sang, des cris et de la peur. Les loup du Val bondissaient et Valeryon menait la danse, chef d'orchestre de ce chaos. Octave, suivait, d'un pas de côté, un sifflement à peine audible, qui glissait entre les hurlements. Là ou la peur crispait les muscles, lui gardait la souplesse d'un funambule.
- Touché ! murmura-t-il pour lui-même en entendant la détonation.
Une lumière écarlate embrasa les troncs. L'écho des rapaces couvraient, l'espace d'un instant, les hurlements. Octave souffla un rire, un éclat bref, presque joyeux. Lui qui aimait ce genre de moments, suspendus, où la mort se faisait artiste, où le monde semblait applaudir la cruauté de l'instant.
Quand il arriva sur le lieu de l'explosion, il s'accroupit près du blessé. Un homme agonisant, le visage tordu par la douleur.
- Ah ! Ne bougez pas surtout !
Sa voix était douce, compatissante alors qu'il observa les yeux de l'homme, s'ouvrir, y lisant terreur et confusion. Puis, il tapota sa joue, avec légèreté, s'inclinant devant l'homme en retirant son chapeau invisible, avec cette désinvolture qui lui était propre. Repartant, il reprit son sifflement et entre ses lèvres, la mélodie serpentait, incongrue. Elle dansait entre les arbres, se mêlant aux cris lointains de la meute. Ses yeux, éclats d'or sous la lune, brillaient d'un amusement sincère. Chaque mort, chaque piège, chaque cri lui semblait être une symphonie qu'il n'écrirait jamais mais dont la fin lui était déjà connu.
Quand les loups revinrent, il fit mine d'applaudir. Trois claquements nets, ironiques et pourtant, admiratifs.
- Oh ! Messieurs ! Quel spectacle !
Il s'inclina, la main sur le cœur, comme un saltimbanque remerciant un public invisible. Tournant des talons, Octave avança comme sur une scène, disparaissant entre deux arbres, sa mélodie s'essoufflant à mesure qu'il s'éloignait. Et quand le silence retomba, il ne resta que cette impression étrange. Avait-il vraiment existé ? Ou était ce qu'une ombre, apparue dans le grand théâtre qu'est le Val des Songes.

Planifier et préparer
Par NLSN
Penchés sur diverses cartes et documents, la nouvelle baronne du Val et l'héritier du seigneur de la marche septentrionale associaient leurs idées pour parfaire un plan acceptable pour les deux partis.
Contraints par les événements, les deux inconnus n'avaient pas d'autre choix que de se faire confiance. La jeune sinclairoise, dont l'époux ne cachait pas son aversion pour les Belmont, devait croire en la sincérité du chevalier prétendant vouloir absolument évacuer le baron Valsonge.
Dans ce but, les ingénieurs de l'ost du lion d'or transformaient déjà quelques ressources accordées par la baronne en des machines de guerre. Ils semblaient capable de fabriquer des armes à partir de ficelle et de bâtons, tant leur ingéniosité était fascinante à observer.
Les pièces d'assemblage d'un bélier et de trois pierrières jonchaient déjà le sol des ateliers de fortune au sein du campement Belmont, qui préparaient la possibilité non négligeable d'un siège à venir sur Portelune.
Pourtant, c'était là le plus grand doute des deux esprits qui collaboraient pour préparer la suite des opérations : Devaient-ils abandonner Portelune à l'ennemi, ou la seule évacuation des civils et du baron serait-elle une potentielle lourde erreur ? Que voulait réellement l'ennemi ? C'est dans le but de mieux comprendre que de son côté, Athénaïs se concentrait sur la formation d'une équipe vouée à l'infiltration. Que ce soit derrière les murs de la ville ou au sein des rangs ennemis, ils trouveraient la réponse, et décideraient enfin de la marche à suivre.
En attendant, ils prépareraient autant le terrain que leurs troupes. Ils planifieraient tout ce qui peut l'être avec autant de rigueur que deux parfaits inconnus le peuvent ensemble.
Car Dorian était formel : Il allait sauver son ami.
Contraints par les événements, les deux inconnus n'avaient pas d'autre choix que de se faire confiance. La jeune sinclairoise, dont l'époux ne cachait pas son aversion pour les Belmont, devait croire en la sincérité du chevalier prétendant vouloir absolument évacuer le baron Valsonge.
Dans ce but, les ingénieurs de l'ost du lion d'or transformaient déjà quelques ressources accordées par la baronne en des machines de guerre. Ils semblaient capable de fabriquer des armes à partir de ficelle et de bâtons, tant leur ingéniosité était fascinante à observer.
Les pièces d'assemblage d'un bélier et de trois pierrières jonchaient déjà le sol des ateliers de fortune au sein du campement Belmont, qui préparaient la possibilité non négligeable d'un siège à venir sur Portelune.
Pourtant, c'était là le plus grand doute des deux esprits qui collaboraient pour préparer la suite des opérations : Devaient-ils abandonner Portelune à l'ennemi, ou la seule évacuation des civils et du baron serait-elle une potentielle lourde erreur ? Que voulait réellement l'ennemi ? C'est dans le but de mieux comprendre que de son côté, Athénaïs se concentrait sur la formation d'une équipe vouée à l'infiltration. Que ce soit derrière les murs de la ville ou au sein des rangs ennemis, ils trouveraient la réponse, et décideraient enfin de la marche à suivre.
En attendant, ils prépareraient autant le terrain que leurs troupes. Ils planifieraient tout ce qui peut l'être avec autant de rigueur que deux parfaits inconnus le peuvent ensemble.
Car Dorian était formel : Il allait sauver son ami.
