[Lenore] Tome I - La Voie du Chant

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Lyssie Il y a 10 mois et 3 jours

Elle referma son carnet e le déposa à côté d'un bouquet de fleurs gridaniennes qui trônait sur sa coiffeuse, parmi deux autres. L'un avait des roses roses, un autre des roses rose et le dernier revenait sur cette couleur de la passion. Des mots étaient attachés aux bouquets, témoignant l'amour des admirateurs de la cantatrice. Un léger sourire se dessinait sur son visage. On toqua à la porte, c'était Danica.
"Il est arrivé, Dame Lenore.
- Faites-le entrer, je vous prie."

La hyuroise hocha la tête et fit entrer l'élezen dans les quartiers de la chanteuse avant de partir. Cette dernière se redressa pour s'incliner convenablement face à lui, un doux sourire sur les lèvres comme à son habitude. Droite et les mains jointes sur le haut de ses cuisses, elle resplendissait de sa noblesse. L'élezen souriait jusqu'aux oreilles, charmé.

L'ishgardaise l'invitait à s'asseoir sur le canapé, après lui avoir proposé une tasse de thé qu'il ne refusa pas. Délicate et attentionnée, elle jouait la parfaite promise. Elle était là pour lui, bien que cette barrière était indéniablement présente. Cette promesse, ce mariage n'était aucunement fait par amour mais par obligation. Du moins, cela était le cas pour elle. Ce ne l'était pas forcément pour son promis...
"Vous avez réussi à vous libérer, ma chère ?
- C'est bien le seul moment que je puisse vous accorder pour le moment, hélas."

Douce, sa voix était aussi douce qu'une caresse aux oreilles. Elle revint vers lui, lui tendant la tasse qu'il prit sans attendre. Elle s'installa à ses côtés, avec légèreté. L'homme n'avait d'yeux que pour elle, cela pouvait se lire dans son regard pétillant d'admiration. Il lui donna alors, sans qu'elle ne s'y attende, un bouquet de roses rouges. D'une voix angélique, elle poursuivait, bien que cela semblait être une habitude pour ellet.
"Oh, je...merci, sire de Beaumière... Elles sont magnifiques.
- Elles vous représentent à la perfection."

Elle les saisit avec délicatesse pour les regarder et sentir leur agréable odeur, avant de déposer avec légèreté le bouquet sur la table-basse. Un tendre sourire marquait ses lèvres.
"Qu'en est-il de vos affaires ?
- J'ai pu acquérir un pavillon à la Coupe. Les travaux ont d'ores et déjà commencé.
- Vous allez perpétrer les activités de votre maison ?
- En effet. Et lorsque nous aurons prononcé nos vœux, j'aimerais poursuivre cette voie si cela vous convient.
- Quelle question !"

Il en vint à rire, amusé de la question de sa future épouse. Voici Ilnort de Beaumière, un élezen de la Haute Sphère mais qui n'avait rien d'extraordinaire. Tout était banal chez lui, rien que sa personnalité. Il n'avait aucun plus, aucune particularité. Le sourire de Lenore se figeait, tandis que ses pensées dévièrent sur le mighois à la peau d'ébène un instant. Elle repensait à cette soirée où leur proximité en venait à la faire douter. Elle se rappelait de la fois où il était blessé de la voir promis à un autre homme, comme de la fois où il l'avait dans ses bras et qu'il ne voulait plus la voir partir. Tout cela était implicite, mais se pourrait-il que...? Était-ce les effets de sa voix ? Ce n'était pas la première fois qu'un homme tombait éperdument amoureux de la cantatrice pour sa voix aux douces vertus magiques. Elle ne captivait pas à ce point, mais elle pouvait séduire. C'était le cas pour Ilnort, il avait eu le coup de foudre pour la belle ishgardaise à la voix hypnotique. Mais qu'en était-il de Judal ? Était-il aussi affecté ? Une question sans réponse, c'était là, la rançon de sa gloire.
"Vous n'êtes pas qu'une simple cantatrice, Dame Lenore. Vous êtes une femme forte."
Des mots qu'elle avait encore et toujours entendu. N'était-elle qu'un objet à contempler; au final ? Celle qui brillait sur une vitrine mais qui n'avait pas le droit à de la profondeur ? La jeune dame ferma les yeux, continuant toujours à sourire. Elle goûta quelques gorgées de son thé, satisfaite.
"A quand sera notre mariage ?
- La semaine prochaine."

Elle manqua de s'étouffer sous l'annonce. Si tôt ? Et elle n'avait même pas été prévenue. Heureusement, elle n'avait rien de prévu encore, pour le moment. Cela aurait posé plus de problèmes si cela se serait tenu en cette fin de semaine, elle ne pouvait pas annulé son récital au Madness. Elle fut amusée, par ailleurs, de voir que sa compagnie libre se tiendra à quelques pas du cabaret. Une étrange coïncidence qui lui arracha un sourire aux lèvres. Ilnort le prit comme un accord, satisfait.
"Nous utiliserons la Chapelle ishgardaise, le décor est somptueux et sont en accord avec vos couleurs.
- Je ne vous savais pas aussi galant, sire de Beaumière.
- Ilnort, je vous en prie."

Elle souriait, encore une fois. Toutefois, elle comprenait petit à petit qu'elle scellait sa vie à cet homme, un homme dénué d'amusement et d'originalité. Visiblement, elle s'était prise d'affection pour ce mighois au talent d'humoriste. Un homme qui la faisait s'évader de tous ses devoirs et de toute cette morosité. Elle avait besoin de chanter... Elle voulait s'évader à nouveau.
Lyssie Il y a 10 mois et 3 jours


[size=6]Echec et mat[/size]



Toutes les préparations furent effectuées.


 

Une famille de noble thanalanaise s’était retrouvée dans une sombre dette nullement connue du public, continuant à s’endetter afin de ne pas perdre la face dans ce monde d’apparence et d’artifice. Le premier pion qui pouvait être utilisé pour qu’il n’y ai aucun doute sur l’historique de la “victime”, une identité qui ne pouvait être réfutée.

 




 

La victime, jouée par la femme sans visage, prête à subir et créer les plus accablantes accusations contre la cible. Une robe à la hauteur du rang qui lui est confié, une habitude à jouer des personnalités nobles grâce à son autre personnalité, Scheherazade. Au delà de tout, sa capacité à séduire et contrôler tout homme intéressé par le genre opposé.

 




 

Une soirée dansante, organisée par un tiers parti, où l’on pouvait rassembler les plus beaux gratins de la haute ishgardaise. Quelques rumeurs, quelques conseils prodigués par une voix sournoise dans l’ombre, et une réception noble fut créée afin de débuter ce plan si rondement ficelé.

 




 

La véritable victime. Un ishgardais sur le point de se marier et d’être heureux, naïf et juste, seul héritier de sa famille et adepte de l’épée. Et pourtant, une addiction aux jeux de hasard et une attitude machiste. Quelques points noirs dans la vie d'un elezen, qui seront grossis et se répandront telle la peste pour sa famille : à partir d’une étincelle, ou même un incendie inarrêtable.

 




 

Des fausses preuves devaient être créées, mais aussi une part de vérité comme fondation. Cette fausse noble séduira le vrai, par des sentiments endigués par l’alchimie ou l’attrait de ses mots. Non seulement il sera fautif de s’être laissé allé au plaisir de la chair quelques jours avant son mariage, mais en plus de cela il sera accusé de la pire faute que l’on peut imaginer lorsqu’on se laisse contrôler jusque là folie à ses désirs envers une femme.

 




 

Des témoins. Être pris sur le fait ne fait que confirmer le faux semblant. Chaque invité noble lors de la soirée, jusqu’aux gardes rentrant de force dans la chambre du crime, seront les témoins de la chute d’une haute personnalité. Les pions les plus important, combattant sans relâche la fausse infamie de l’elezen sans même avoir à bouger le petit doigt. Laisser la machine de la société tourner. Les laisser effectuer son habituel travail de jugement hâtif et de justice naïve.






  

La réputation de cet ishgardais, tout comme son mariage, seront controversés. Par la simple manipulation d’information dans le milieu politique de la cité enneigée, Ilnort de Beaumière ne pourra plus exister. Les forces de l’ordre enquêteront sur lui, et quand bien même ils réussissent à l’innocenter par l’intermédiaire de pot au vin ou d’influence : plus aucun mariage ne pourra lui être favorable, nullement après la faute qu’il aura commise, et d’autant moins avec la famille Riverhood.






  

Personne ne se placera entre un gils et moi même. Ou du moins, temporairement. Jusqu’à ce qu’il comprenne entre quel prédateur et sa proie il s’est immiscé. Je n’hésiterais pas à user de cette même société corrompue que je souhaite réformer.


Lyssie Il y a 10 mois et 3 jours




"Mettez votre argent en sécurité, Lenore. Des rumeur courent sur votre époux..."

Tous les invités avaient attendu l'arrivée du futur époux. Pourtant, ils ne virent qu'une mariée patientée dans le silence le plus total, attendant l'arrivée d'un époux inexistant... Inexistant de par sa fausse prestance, un simulacre que tout le monde, dont Lenore, avait cru. Un futur époux qui la bafoua de son acte ignoble et impardonnable qu'est la volonté absolue de la chair féminine ou encore les jeux d'argent. Était-ce vrai ? A ses yeux, il n'y avait aucun doute. Les mots de son ami Idir l'avaient mis en garde, elle ne devait pas être aussi choquée. Et pourtant... Cela faisait maintenant deux heures qu'elle chantait sans arrêt une mélopée des plus poignantes à son balcon, reflétant sa détresse enfouie dans son cœur... Une mélopée qui n'hésita pas à mettre mal à l'aise ceux qui l'écoutaient. Elle en avait besoin, c'était là sa seule façon de s'exprimer autrement que par des mots.

Personne n'osait la déranger. Il n'était pas difficile de connaitre ses sentiments au travers de sa voix ; elle se sentait trahie et traînée dans la boue, comme sa famille. Et s'ils s'étaient mariés ? Cela aurait été pire. Adeline faisait les cent pas devant la porte de sa maîtresse, ne sachant quoi faire. Lenore, elle, maintenait contre elle son peignoir pendant son chant, ses pensées allant surtout envers Judal. A cette pensée d'un mighois attentionné et là pour elle, elle cessa un instant son chant.
"Pourquoi, au fond de moi, je ressens ce soulagement...?"
Elle ferma ses yeux, se retournant pour rejoindre ses quartiers. Elle laissa la porte vitrée menant à son balcon ouvert et s'assit devant sa coiffeuse pour s'observer un instant. Elle avait les yeux légèrement rougis et la peau pâle, toute cette histoire l'avait atteinte. Alors qu'elle prit sa brosse pour peigner ses longs cheveux bruns, son regard divagua sur l'un des bouquets déposés sur sa coiffeuse. La couleur rougeâtre des roses lui fit penser à ce miqo'te, cet enquêteur, N'yahmi. Ils avaient un peu près le même âge, et il était doté d'une maturité sans égal. Le savoir mener l'enquête sur son dit "époux" la rassura, elle se sentait épaulée, comme avec sa nouvelle amie Shada. Les deux femmes se connaissaient à peine, et pourtant...elles étaient si proches. Shada la protégeait, comme Lenore la guidait. Une véritable confiance.

"Mademoiselle Lenore ?
- Oui ?
- Un certain Judal souhaiterait vous voir. Que dois-je lui dire ?

La chanteuse marqua un temps de pause, son regard divaguant sur son miroir. Elle semblait surprise de se voir relever un léger sourire joyeux.
- J'arrive tout de suite. Faites-le entrer dans le Grand Hall."
La dame se releva, l'esprit soudainement serein. Elle plaça sur son front sa tiare et s'orna de ses bracelets en argent avant de défroisser les rares faux-plis de sa robe. Puis, elle se tourna pour rejoindre sa porte, délaissant ainsi ses quartiers. Elle partit d'un pas joyeux et entraînant.
Lyssie Il y a 10 mois et 3 jours


"Merci, Evelyn.
- Je vous en prie, ma Dame."

L'employée s'inclina face à Lenore, docile. Elle était au service des Riverhood depuis bien des années et avait été affectée au nouveau domaine de l'héritière. Cette dernière contempla son nouveau bureau lorsque la porte se ferma ; Evelyn était partie vaquer à ses occupations. La pièce était grande et spacieuse, malgré tous les meubles de posés. Lenore appuya sa main droite sur la colonne sombrelinçoise, le regard s'attardant sur tous ses dossiers sur son bureau. Un magnifique soleil illuminait la grande chaise par le biais de la fenêtre, on pouvait y voir la fine signature de grands maîtres couturiers. Alors qu'elle fixait sans relâche ce dernier, des pas l'interrompit. La porte s'ouvrit d'un coup, maladroitement. Ce fut un jeune hyurois à l'air timide qui se présenta.
"Ma Dame, vous... m'aviez demandé ?
- Entrez, Philibert. Nous avons un tas de choses à mettre en place.
- Bien, ma Dame."

Il inclina la tête et passa le pas de la porte pour venir s'asseoir sur le siège qu'elle indiquait de sa délicate main. Lenore le suivit pour contourner le bureau et s'assit à son fauteuil. Elle fit rapidement le ménage sur la surface de la table, méticuleuse. Les choses allaient pouvoir enfin commencé.
"Toutes les installations ont été faites ?
- O-oui, je peux même vous les montrer, ma Dame.
- Nous le ferons. Archives ?
- Toutes..bien rangées par ordre alphabétique, ma Dame...
- Matériels ?
- Mis...à leur place, au sous-sol principalement.
- Aucune autre personne que les employés et agents pourra aller au sous-sol et à l'étage, ainsi que dans les autres chambres.
- O-oui, ma Dame."

Elle ne pouvait s'empêcher de bouger et se releva de sa chaise pour s'approcher du feu crépitant, le regard bas et réfléchi. Elle passa une main sur ses bras, ressentant un léger froid. Le bâtiment était neuf, il n'avait pas encore allumé beaucoup de cheminée. Philibert observa sa supérieure d'un regard timide et gêné. Il était nouveau dans le domaine et se devait d'apprendre tous les rouages du métier. Alors, d'une voix angélique et cristalline, Lenore poursuivit.
"Les travaux ne sont pas encore fini. Il nous faudra plus de place et plus de matériels.
- Que... Comme lesquelles ?
- Une salle de confinement, d'exorcisme, d'armes ou encore d'artefacts. Cela coûtera cher...
- Votre...maisonnée peut se le permettre, ma Da...
- Il en est hors de question. Je ne me reposerai pas sur ma famille. L'argent des mandats accomplis suffiront."

La hyuroise ferma les yeux quelques instants, songeuse. Bien sûr que cela rapporterait beaucoup étant donné le niveau de dangerosité élevé. Pour le moment, il n'y avait que Madison, son amie, qui avait répondu à l'appel. Elle sentait en elle une capacité à se mettre au travers du chemin de ces créatures. Mais à qui d'autres pouvait-elle compter ? Elle se résignait à l'idée de mettre une annonce sur sa compagnie, mais aurait-elle simplement le choix ?


Elle finit par soupirer. Philibert se tourna finalement bien vers elle qui ne se décidait pas à revenir. Il resta docile et droit, à son écoute. Lenore se retourna de profil pour observer le hyurois, un léger sourire sur les lèvres.
"Nous allons préparer une petite réception d'inauguration, Philibert.
- Ah..euh.. Vous êtes sûre, ma Dame...?
- Surtout pour remercier ceux qui m'ont soutenue."

Il mit un temps avant d'acquiescer, mais il comprenait. Les rumeurs sur son épopée avec l'Ordre du Cygne avait fait le tour de la maisonnée, tout le monde était au courant. Lenore revint s'asseoir à son bureau, les mains posées sur un bestiaire. Son bestiaire. Son regard se posa alors sur le jeune intendant, le ton aimable, mais restant professionnel.
"Reprenons."
Lyssie Il y a 10 mois et 3 jours


Cela faisait un moment qu'ils s'éternisaient devant le pavillon. Suite à un long dîner, Judal lui avait proposé son coude pour la ramener chez elle, ayant pris la peine de s'accoutumer aux mœurs ishgardaises rien que pour elle. Cela avait fait rire la hyuroise qui n'avait cessé de recevoir des compliments durant cette soirée, à son plus grand désarroi.
"A bientôt en ce cas, Lenore.
- Rentre bien, Judal."

Un moment de flottement régnait entre les deux. Il résultait de toute cette soirée remplie de charme et de nuage de fumé, dont elle ne vit rien. Ou même, il résultait de tout ce qu'avait construit Judal depuis des mois. Il avait su désarmer la cantatrice et la rendre vulnérable à ses charmes après maintes tentatives... Elle était à sa merci, entre ses griffes. Sous un regard tendre, le mighois jubilait dans ses plus noires pensées.

Alors qu'ils se regardaient continuellement, qu'elle était subjuguée par le doux regard du hyurois à la peau d'ébène, ce dernier vint déposer une légère bise, bien que significative, sur la joue de la belle. Il n'avait fallu qu'un geste pour que le cœur de la chanteuse rate un battement. Un seul. La clef. Elle finit par relever un léger sourire, le visage rougi. Judal se retourna simplement et lui fit un dernier sourire avant de partir, le pas lent. Lenore l'observa partir, la main fébrile sur le cœur. Que venait-il de se passer ? Était-ce la foudre de l'amour ? Elle ne l'avait jamais encore ressenti. Elle était perdue, agréablement perdue. Machinalement, et sans s'en rendre compte, elle vint joindre le pavillon Rivesthern, le cœur encore tout retourné et le ventre noué.
"Rebonsoir, Madame..."
Lorsqu'elle entra, tout le monde fut surpris de la voir avec un aussi grand sourire. Comblée ? Oui, elle l'était. Cela réchauffait le cœur d'Evelyn tandis que cela étonnait encore Philibert. La Directrice, aussi expressive ? C'était une première, elle qui n'avait cessé d'être mesurée et contenue... Ils l'observèrent regarder son bureau, fredonnant un air enchantant. Oui, elle était...dans ses rêves.

Des rêves bien enfantins, quand on prenait du recul. Venant s'asseoir à son bureau, elle prit encrier, plume et partition. Elle avait besoin de composer, d'exprimer son enchantement. Un sentiment régit par l'amour, un sentiment lui ayant été que trop étrange. Après tout, ce n'était que dans les livres qu'elle pouvait essayer de comprendre ce dernier. Elle se retrouvait à la place de ces princesses dont le coeur était épris par leur prince... Judal n'en était pas un, bien au loin de cela. Malgré son sang bleu, il avait tout quitté pour vivre de manière libre, sans chaîne. C'était sûrement ce qu'elle préférait chez lui ; sa liberté. Elle y voyait une forme d'échappatoire de sa cage argentée. Une vraie bouffée d'air frais...

Si seulement elle savait ce qui l'attendait. Malgré toutes ces années à avoir construit d'aussi fortes murailles autour d'elle, quelqu'un avait su y trouver la faille pour l'agrandir et enfin, la détruire. Elle était devenue une chose vulnérable et manipulée par l'intérêt égoïste d'un seul homme, Judal. Il avait réussi à la bercer d'illusion sans n'user d'aucune magie, mais rien qu'avec sa voix et sa malice sournoise et perfide. Que voulait-il au final ? Qui le savait réellement ? Les yeux dorés du mighois avaient su captiver l'attention de l'ishgardaise pour en faire sa marionnette et l'utiliser à ses fins. Celui qui menait la danse, c'était lui. Tapis dans l'ombre, un immense sourire s'était dessiné sur son visage.

Elle qui était innocente, que lui réservait l'avenir ?
Lyssie Il y a 10 mois et 3 jours




[size=6]La Seconde Phase[/size]




Tout était parfait.



Sans être insistant ni paraître tel un profiteur, je me suis laissé invité à ce dîner en marquant un changement dans ma façon d’être. Comme si je souhaitais lui montrer un quelconque effort de ma part à reprendre mes habitudes liées à mes “origines” nobles, une faveur que je lui concédait pour rentrer dans son monde et la mettre à l’aise, abaisser ses défenses.

Finalement, il ne s’agissait que de répéter les gestes quotidiens de Kaysar, un soupçon d’imperfection saupoudrant le tout pour dévoiler ce côté maladroit tant développé jusqu’à présent devant ses yeux. Une maladresse naturelle qu’elle n’avait pas l’habitude de voir dans son milieu, face à tant de perfection ishgardaise. Elle pouvait être rassurée avec moi, ne pas hésiter à relâcher la pression sur ses épaules…

Épaules justement dénudées, révélant une robe de soirée jusqu’alors étonnante de sa part. D’un regard perçant, j’arrivais presque à déceler une brèche dans cette falaise, dans ses murailles. Peut être est-ce le moment pour que l’entaille s’ouvre, ou tout simplement qu’elle se rende compte elle même de la présence de cette fissure… Il n’y avait aucun doute. J’ai prévu ce scénario depuis longtemps, parmi une centaine d’autres.

Maintenant qu’aucun devoir ne la retenait, qu’aucun mariage n’avait plus aucun incidence sur sa volonté, qu’aucune cérémonie n’allait lui permettre de justifier sa distance : à présent qu’Ilnort de Beaumière était même mort.
J’ai déjà fait mes petites expériences. Je sais ce qui la remuait, ce qui pouvait la faire chavirer : le contact humain, qui allait plus loin qu’un simple serrage de main.

Je lui tendis mon coude, sans un mot, après ces échanges de pensées et de regards durant tout le dîner. Elle justifiait cela comme de la rigolade entre ami, pour le moment, mais ne se rendait pas compte encore de la cascade vers laquelle elle se jetait. Elle croisa son coude avec le mien, continuant de jouer dans mon jeu de “noble forcé”. Elle ne paraissait pas bouleversée, suivant mes pas comme dans un bal, valsant jusqu’à la coupe ainsi.

Arrivée devant son établissement, cette façade ne m’était plus inconnue. J’ai déjà profité des recrutements de travailleurs afin de connaître cet établissement de fond en comble. Ce qu’il me fallait conquérir ne se trouvait pas face à moi, mais à mes côtés. Quelques derniers mots échangés, avant que je comprenne dans un mélange de nos deux pupilles étincelantes, combien elle semblait prête.

Quelque soit mes précédentes conquêtes, les faire languir du moment fatidique, leur créer cet espoir fou qui parfois ne leur traverse même pas l’esprit.. était une façon de m’assurer qu’il n’y aurait plus qu’une lumière dans leur conscience.

Moi et ses attentes.

Je me penchais lentement vers elle, rapprochant mon visage du sien sans rien brusquer.

Laissant les secondes paraître des minutes, sans la quitter un instant des yeux.
Lui laissant le temps de craindre son rêve le plus fou, et d’espérer ses cauchemars.

Mes lèvres se posèrent sur sa joue. Dévoilant le message désormais clair que Judal ne lui avait jamais ouvertement déclaré, mais noblement insinué. Trahissant les espoirs cachés de la dame, mais délivrant ses pensées.

“Bonne soirée, Lenore.”

Avec un large sourire se dessinant, le visage tourné à son opposée, m’éloignant de la belle, l’imagination de la noble inexpérimenté fera le reste du travail… à ma place.
 
 
Que la seconde phase du plan débute.
Lyssie Il y a 10 mois et 3 jours


Le cadre était idéal. Le ciel, par des nuances de bleus et de violets, était illuminé par des étoiles, chacune aussi resplendissante les unes que les autres. Tout était présent, tout était calculé. Judal avait méticuleusement bien réparti les pions de son jeu ; Lenore n'y voyait que du feu. Comme à leur premier rendez-vous, le mighois s'était vêtu d'une tenue charmante et noble. On pouvait voir son col encore froissé, mais l'effort y était. Quant à la chanteuse, une magnifique robe bleu entourait sa taille, ornée de bijoux d'argent.

Après s'être faite invitée à le rejoindre dans le Sud de la Basse-Noscéa pour une balade au clair de lune, ils étaient passés par de somptueux paysages, à commencer par celui de l'Atolls de sel. L'environnement était magique, un véritable chef-d'oeuvre. La lune était haute ce soir-là, on pouvait voir distinctement la clairière. Judal avait souvent porté la hyuroise dans ses bras afin qu'elle ne se trempe les pieds dans l'eau glacée. Il était doux, attentionné, il n'avait d'yeux que pour elle. Son sourire sincère ravissait la jeune dame, bercée par tant de tendresse. Plusieurs fois, il lui fit des remarques sur sa robe où sa beauté n'égalait que son chant. Plusieurs fois, elle sentait un poids peser dans son ventre et son cœur, un sentiment dont elle n'arrivait réellement à comprendre. Était-ce de l'amour ? Était-ce bien ce qu'il se passait ? Certains se diraient que c'est une évidence. Seuls les concernés ne sont au courant qu'à la fin, lorsque tout s'emboîte enfin dans leur esprit.
"Où allons-nous, désormais...?
- Au dernier endroit, le Lien d'Oschon. Il n'y a pas meilleur panorama pour contempler la belle cité de Limsa Lominsa."

Lenore se portait au bras de Judal, le regard à la fois confus et enchanté. Ils montèrent quelques marches pour se tenir au milieu du Lien d'Oschon ; un pont qui relie les deux îles de la Basse-Noscéa. Dans un pas lent, ils s'arrêtèrent finalement face à une véritable peinture de qualité. Le ciel était toujours aussi sombre malgré ses étoiles, mais cela donnait un aspect féerique à la ville de la mer. La jeune dame haussa les sourcils, émerveillée par ce paysage dont elle avait eu rarement l'occasion de contempler. Elle délaissa le bras du mighois pour déposer ses fines mains sur la barrière et se pencher vers l'avant, le regard rivé sur le panorama. C'était comme si elle voulait s'y rapprocher le plus possible.
"C'est d'une beauté rare... On peut y voir la ville au loin avec ses habitants et son activité.
- J'ai vu ce paysage un nombre incalculable de fois. Je n'hésite pas à venir ici pour réfléchir. Oschon est le dieu des vagabonds, des étrangers qui voyagent et qui font d’extraordinaire rencontres. Ce soir, Oschon m'offre la possibilité de voir une énième fois ce panorama, mais...le panorama qui m'envoûte le plus n'est pas la belle cité de Limsa Lominsa."

A ces mots, le mighois s'approcha du dos de la cantatrice pour déposer ses mains sur ses épaules froides. Bien que leur balade était significative, le froid de l'hiver approchait à grand pas et la jeune dame n'y échappait pas ; elle avait froid et tentait de le cacher au mieux. Cette dernière paraissait soudainement déstabilisée, touchée par ses mots lourds de sens. Son regard coula sur le jeune homme qui souriait d'une extrême douceur face à elle. Que pouvait-elle dire ? Que pouvait-elle faire ? Ses idées se brouillèrent, son cœur s'emballait dans une fanfare d'émotions. Avec tout cela, elle ne put dire mot, paralysée par ses sentiments dont elle n'avait conscience.
"Lenore, le plus beau paysage qu'il m'ait été donné de voir, c'est toi."
A nouveau, son cœur frappa si fort que la dame n'en croyait pas ses oreilles. D'une tendresse sans nom, le hyurois glissa ses mains de ses épaules sur ses bras, marquant le coup de ses mots par des gestes. Son regard ambré s'ancrait dans celui de la chanteuse et démontrait toute la sincérité de son ambitieuse déclaration. Lenore, elle, n'osa plus parler. Seule sa main trônait sur son propre coeur, d'un sentiment de panique en le sentant s'agiter autant. Sa gorge de noué, son coeur pressé, elle sentait ces fameux papillons dans son ventre. Ce que l'on pouvait voir dans son regard était plus que ça, elle était captivée, véritablement envoûté par ses mots, ses gestes et son regard. Perdue dans un amas de sentiments dont elle semblait comprendre la surface désormais, le hyurois ne la laissa penser qu'un court instant. Il déposa une main chaude sur la joue de la hyuroise, laissant ses doigts effleurer sa peau enneigée, de ses oreilles jusqu'à ses lèvres. D'une fine pression sur le menton, il l'incita à se retourner face à lui ; ce qu'elle fit sans une quelconque résistance. Il lui offrait un sourire tendre, son visage se penchant dangereusement vers elle. Son souffle chaud traversait l'air frais de la Noscéa.
"Tu m'as remercié de vouloir te faire découvrir le monde, Lenore... J'aimerais te faire découvrir plus que le monde."
Il lui chuchotait à l'oreille et laissait l'imagination de la jeune dame se faire tout seul. Cette dernière pouvait perdre pied à tout instant. Son regard transpirait l'enchantement qu'elle venait de subir après toutes ces lunes passées à ses côtés. La main du mighois glissa de sa joue à sa nuque et son autre main vint saisir sa taille d'une prise soudainement plus possessive. Il laissa rabattre ses yeux de fauve sur la jeune dame dans un moment de flottement interminable puisque la belle semblait avaler ses mots et toute son aura tel un matelot face à une sirène. Alors, Judal scella toutes ses paroles de ces dernières lunes, toutes les tentations qu'il avait pu faire subir jusque là en mêlant enfin ses lèvres à celles de la chanteuse. Celui-ci voguant lentement en un baiser chaud et tendre, le hyurois n'hésita pas serrer son emprise sur elle, laissant parcourir ses doigts sur son dos. La jeune dame écarquilla les yeux à ce contact des plus tendres, venant confirmer définitivement le destin de cette dernière devenue poupée d'un homme avide d'argent. Il la manipula comme bon lui semble, lui offrant cette douce illusion d'un baiser d'un amant fougueux et surtout, épris de son amour pour la cantatrice. Il n'y avait plus rien pour la retenir, Lenore était à jamais marquée par la supercherie du mighois. Ô douce illusion... Ce fut un coup de maître.

Ce soir-là, le Lien d'Oschon avait lié deux vagabonds qui n'étaient pas fait pour se rencontrer. Quand bien même... Cette rencontre paraissait être, dans les profondeurs les plus sombres, influé par la volonté d'un mal humain.
Lyssie Il y a 10 mois et 3 jours


L’esprit de la fête des étoiles s’était emparé de l’Ordre ce soir-là. Tout le monde riait, s’amusait, mangeait et festoyait comme bon leur semblait. Ils en avaient le droit après un début des plus mouvementés ; la compagnie libre n’avait pas chômé. Toutefois, dans ces temps de fête, ils s’étaient permis une soirée, une trêve… Réunis autour d’un grand sapin vert, certains y déposaient encore leurs cadeaux. Shada était toute excitée à l’idée d’ouvrir les siens, elle n’attendait presque que ça. Keitaro embêtait d’ores et déjà le pauvre N’yahmi dans son costume de loup blanc et Lys restait sagement dans son coin, observant les alentours avec une certaine curiosité. Lenore, elle, s’était assise à la table, un verre de champagne à la main. Son visage resplendissait d’un sourire chatoyant et doux, le regard vagabondant entre les agents. A vrai dire, elle n’attendait plus que les invités qui n’allaient pas tarder à arriver…
“Bonsoir !
- Bonsoir, désolé du retard !”

Deux voix s’entendirent à l’entrée de la réception, dont une que la cantatrice reconnaîtrait entre mille. Elle se redressa rapidement, sa vue se voyant éblouir par l’arrivée de Judal et Touakami. Son sourire s’étira davantage avant de venir les accueillir comme il se devait.
“Bienvenue et profitez de la fête des étoiles au Centre.
- Lenore, voici mon meilleur ami”
, dit Keitaro d’une voix enjouée.
La hyuroise arracha son regard du hyurois à la peau d’ébène presque à contre coeur pour regarder le miqo’te. Elle s’inclina avec élégance, délicate et distinguée.
“Enchantée, je suis Lenore de Riverhood, ou plus communément connue sous le nom de Lady Lenore.
- Enchanté..!’

Le miqo’te agita ses oreilles, sa frimousse ne cachant guère une certaine gaieté. Sous le regard bienveillant de la Directrice, elle lui somma de bien s’amuser et profiter de la soirée. Ainsi vint le tour de Judal qui semblait attendre leur rencontre avec impatience, comme c’était le cas pour la chanteuse. Ils s’approchèrent mutuellement, leur regard empli d’un charme qui ne duperait personne.
“Je n’ai pas beaucoup d’argent, mais j’ai pu avoir cette magnifique boucle d’oreille de la fête des étoiles, fit Judal d’un sourire heureux alors qu’il secoua cette dernière.
- Elle te va bien, vraiment bien. Je suis heureuse que tu aies pu venir…
- Je n’allais pas rater un si grand événement, surtout pas sans toi.”

Le coeur de la belle rata un battement. Elle sentait à nouveau cette sensation dans son ventre, des papillons battant leurs ailes avec beaucoup d’énergie. D’un sourire timide et mesurée, les joues de Lenore rougirent doucement.
“Je vais aller faire la connaissance avec tout le monde, on se reparle plus tard ?”
Le sourire éclatant du mighois ne cessa d’éblouir la chanteuse. Ils ne s’étaient parlés que pendant quelques secondes et pourtant, cela avait suffit à faire d’elle une femme comblée. Une main sur le coeur, elle hocha la tête, laissant le hyur rencontrer tout un monde qu’il ne connaissait pas. Ainsi, Lenore ferma les yeux pour contenir ses émotions et ses sentiments afin de profiter pleinement de cette soirée avec ses chers agents et amis.

Cette soirée respirait l’allégresse et la joie. Les bûches partirent en moins de deux, comme le champagne. Rires, histoires et remises des cadeaux… Ce fut une soirée réussie pour tous et pour toutes. Pourtant, dans toute cette innocence, le mal grandit sans que personne ne le voit, comme un virus qui patientait avant de passer à l’action. Keitaro jouait toujours l’idiot de service, Saphir jouait avec le danger à moindre mesure, Idir partageait sûrement cette fête dans son cœur malgré le chemin qu’il avait dû choisir...et Judal, lui, avait réussi à montrer à tout le monde à quel point il aimait Lenore. Devant tout le monde, il l’avait embrassée après qu’elle lui ait offert un pendentif en or d’un oeil au même tatouage que lui. Un cadeau d’une fortune significative, bien au delà des “moyens” de Judal. Shada et Lys ne manquèrent pas de les observer parfois dans la soirée, après avoir enfin compris qu’ils étaient en effet un couple. Pour certains, cette soirée était une véritable réussite de par son innocence et cette trêve. Pour d’autres, c’était bel et bien une victoire de plus sur leur échiquier.

Comblée de cadeaux, la chanteuse éblouissait l’assemblée de son large sourire. Après les avoir prévenu de sa légère absence, elle se rendit dans son bureau pour y déposer ses nombreux cadeaux. Ce fut d’une délicatesse sans nom qu’elle posa la boîte à musique offerte par Shada sur son bureau, relevant encore le couvercle pour écouter la douce mélodie qui en sortait. Mais parmi tous ces cadeaux, elle en gardait simplement un contre son cœur. C’était une missive, soigneusement écrite par l’homme dont elle était éprise. En réalité, elle ne cessait de la lire et relire : quelle était ce qu’il lui préparait ? Son cœur s’emballait de plus en plus à mesure que son imagination lui jouait des tours. Son ivresse ne l’aidait pas non plus ; la jeune dame avait goûté du saké de Touakami et se sentait un peu vacillante, les joues rougies. Son corps était légèrement engourdis, mais elle n’avait pas eu cette sensation depuis longtemps… Elle s’assit sur son canapé, la missive plaquée contre son buste. Son cœur battait à la chamade, elle avait besoin de se reposer quelques instants.
Lyssie Il y a 10 mois et 3 jours


Dans une grande chambre d’argent où la soie aux couleurs bleutés régnait sur tout l’ensemble de la pièce, Lenore se trouvait assise devant sa coiffeuse, les cheveux tombant sur ses épaules dénudées.
“Resserrez-lui un peu plus le corset.
- Bien, madame.
- Mère…”

Adeline exécuta les ordres de la doyenne qui restait à la porte. D’un seul geste, la domestique coupa le souffle de la chanteuse. Cette dernière tourna vivement son regard sur sa mère, outrée. Depuis le scandale du mariage de sa fille, Meredith paraissait plus stricte que jamais. Son regard perçant ne laissait aucun doute sur ses intentions - ne plus jamais approcher le déshonneur d’aussi près. Dès lors, les plans pour sa fille serait incontestable. La doyenne se retourna et intima les autres domestiques à refermer la porte derrière elle, laissant seule Lenore avec Adeline.

La servante avait le regard baissé et n’osait regarder sa maîtresse. Lenore soupira le peu de respiration lui restant avant de rediriger ses pupilles bleutées sur le miroir de sa coiffeuse.
“Il se murmure…
- Que se murmure-t-il, Adeline ?
- Ma Dame est très demandée au Conservatoire. Le soleil de votre représentation à l’Opéra approche, n’est-ce pas..?”

Alors que la servante refermait encore un peu plus son corset, Lenore resta de marbre face à son reflet glacé. Sa chevelure valsait sur ses épaules et entourait son joli minois enneigé, dessinant ses joues avec une délicatesse particulière. Elle n’avait guère oublié sa représentation à l’Opéra, bien qu’elle ressentait une volonté de contrôle sur sa vie par ce biais-là. Tout à coup, son regard se durcit et son ton se fit plus autoritaire.
“Dépêchez-vous de m’habiller. Je dois avoir une discussion importante.
- Bien, ma Dame.”

Adeline rabaissa le menton et pressa le pas. Elle redressa la longue chevelure de sa maîtresse pour l’épingler d’une pince afin de l’aider à mettre sa robe aux parures d’argent. Voilant ses jambes d’un tissu des plus coûteux, ce dernier toucha le sol. Alors, la servante détacha les cheveux boisés de l’héritière pour les coiffer d’une douceur maternelle. Le silence régnait dans la pièce à mesure où les pensées de la chanteuse s’embrasait. Et ce fut sans un regard que cette dernière quitta la pièce lorsqu’elle fut fin prête.

Le pas hâtif, Lenore traversa les grands couloirs du manoir, passant le grand hall sans faire attention à quiconque la regardait. Ses talons claquaient et le bout de sa robe glissait sur le carrelage brillant tant elle était rapide. Au pas des portes du salon, fermées, l’héritière s’arrêta et reprit son souffle. Elle mit une main sur son corset, les yeux fermés. Ce dernier était plus serré que toutes les autres fois. Mais là n’était pas le temps de penser à cela. Lorsqu’elle ouvrit les yeux sur les portes, sa détermination était toujours présente. Il fallait qu’elle s’émancipe une bonne fois pour toute de sa famille, de sa vie ishgardaise...de l’emprise patriarcale de la société de la Sainte Cité. Oh bien sûr, elle ne put s’empêcher d’être nerveuse. Elle s’était déjà temps écarter de tout ce monde… Apporterait-elle le coup final ? D’une délicatesse notable, elle poussa les portes pour entrer dans le salon, là où se trouvaient ses chers parents. Son père regardait le train de la vie sihgardaise par le biais du grand vitrail, tandis que son épouse prenait son thé face à la cheminée. Tous deux se retournèrent une fois qu’ils entendirent les portes s’ouvrir.
“Lenore ?”
Elle se présenta à eux le coeur serré. Qu’allaient-ils bien dire ? Ou penser ? Elle appréhendait son annonce de sa relation avec un homme venu d’ailleurs, un homme aux couleurs de l’obscurité. Pourtant, c’était un homme dont son coeur était épris, un homme pour qui elle voudrait dévouer sa vie entière. La jeune dame, qui s’éventait de son éventail, prit alors la parole, le ton juste.
“Cette société...est déraisonnable.
- Pardon ?”
demanda Meredith, les sourcils haussés.
Lenore avança au centre du salon, la posture droite et noble. Elle poursuivit sans changer quoi que ce soit dans sa voix.
“J’aimerais vous parler d’une chose importante, Père, Mère.
- Eh bien, nous t’écoutons…
, reprit son père, les yeux décollés de son vitrail pour les rattacher à sa précieuse fille.
- Cela fait bientôt dix lunes que je suis entrée au coeur d’Eorzéa, que vous me faites confiance pour ma vie et les valeurs que je prône.
- En effet
, répondit à nouveau le père, les exploits de ta nouvelle compagnie sont connus entre nos murs. Je suis fier de toi, Lenore.
La sincérité dans sa voix ne pouvait tromper personne. Lenore continua.
- J’y ai rencontré beaucoup de personnes, de bonnes comme de mauvaises. Elles m’ont partagée leurs points de vue, leurs visions du monde et pour quelles raisons elles le voyaient ainsi. En particulier...une personne.
Meredith plissait les yeux. Les sentiments de sa fille étaient perceptibles, surtout pour elle. Elle regarda un instant son époux, avant d’en revenir à Lenore. Cette dernière poursuivit, encore.
- J’aimerais vous la présenter dans les soleils qui suivent, avant ma représentation à l’Opéra d’Ishgard. Il s’appelle Judal, un thanalanais issu d’une famille noble à Ul’d…
- Lenore, est-ce bien raisonnable de rencontrer quelqu’un après l’échec de ton mariage ?
interrompit sa mère, le ton sévère. Les yeux ne sont-ils pas déjà trop tourné sur nous ?
- Cette société, n’était-elle pas déraisonnable, Mère ? Dois-je véritablement rester ici, à me taire et agir comme les moeurs le veulent ? N’être qu’une épouse et rien faire de plus, avec un homme que je n’aime pas ?”

Le regard de Meredith se durcit. Lenore venait de vendre la mèche sans s’en rendre compte. Rodrick, le père, resta silencieux quant à lui. Il avait retourné son visage vers le monde extérieur. La jeune dame s’éventa toujours le visage à mesure qu’elle chercha plus d’air. Néanmoins, elle resta camper sur ses positions, malgré l’erreur d’inattention qu’elle venait de commettre.
"Tu es une ishgardaise, Lenore. Tu es née, tu vivras et tu mourras avec les moeurs de ta culture. N’est-ce pas se renier soi-même lorsque l’on s'émancipe de sa propre culture ?
- Je suis une femme nouvelle. Je ne souhaite pas être un objet pour un homme qui ne verra qu’en moi un intérêt monétaire, de pouvoir ou charn…

- Mesdames, je vous prie, reprit fermement Rodrick qui se retourna complètement vers ses précieuses femmes. Ne devenons pas insultant.
- Dites quelque chose, voyons, mon tendre !”

Ce dernier laissa peser un silence dans l’immense pièce. Les quelques domestiques à la porte ne firent aucun bruit, bien qu’ils tendirent leurs oreilles, à l’écoute de la moindre information à partager avec les autres servants. Finalement, Rodrick se prononça.
“Fais-le venir ici, que nous le voyons. Nous essaierons de comprendre ta vision des choses, ma fille.”
Les tensions s’évanouirent d’un seul coup. Meredith soupira, les yeux fermés. La volonté de son époux était absolue pour elle. Quant à Lenore, elle rabaissa ses épaules, d’un léger poids en moins.
“Bien, Père. Je vous remercie.”
Elle s’inclina d’une légèreté notoire face à son père, le regard soulagé. Ce fut avec un sentiment bienveillant qu’elle quitta le salon, voyant les domestiques se disperser à sa venue. Elle ne put s’empêcher un sourire en coin, bien qu’elle allait devoir en parler au premier concerné de cette rencontre.





...La pression devint subitement plus lourde.
Lyssie Il y a 10 mois et 3 jours


"Peut-être que ce sont simplement des enfants qui ont...
- Vous foutez-vous de moi, Philibert ?
- N-non, ma Dame. Pardonnez ma pensée..."

Furieuse, elle était complètement furieuse. Faisant les cent pas devant la cheminée, elle se triturait les mains, l'esprit ailleurs. Comment avait-on pu la voler en plein récital ? Sûrement pas lorsqu'elle se trouvait sur scène, mais quand elle se préparait dans sa loge. Malgré elle, sa colère se dirigea également sur les employés de l'Oiseau d'Or ; personne n'avait vu ce coup, ni les malfaiteurs. Elle soupira tandis que Philibert était assis devant le bureau. Il attendait les ordres de la directrice, un carnet et un fusain en main. Lenore s'arrêta un instant et porta son regard de cristal par dessus son épaule, en direction de l'intendant.
"J'ai pu discuter avec quelques personnes présentes lors de ce récital. Ils m'ont dit qu'un duo s'est disputé avec un autre. Je veux que vous les retrouviez. L'un était roux, l'autre était avec des mèches roses.
- Et pourquoi ne serait-ce pas l'autre duo ?
- Ils dansaient et sont partis devant moi. De même, ils étaient moins habillés que les deux autres.
- Bien, ma Dame."

A ces mots, Philibert nota toutes les informations sur son calepin. Lenore, quant à elle, restait près du feu, le regard plissé et furibond. Ils pouvaient prendre son argent, ses bijoux, son maquillage...mais pas sa linkperle, son lien avec Judal. Ce n'était qu'une linkperle, évidemment. Toutefois, pour elle, c'était bien plus que ça : c'était une part de lui avec elle. Ainsi, il restait constamment avec elle, dans n'importe quel de ses déplacements. Mais il fallut qu'on lui vole son bien le plus précieux. Intérieurement, elle bouillonnait. Elle se sentait épier.

Finalement, elle se retourna pour s'approcher de son bureau, les mains toujours jointes. Son regard vagabonda sur la surface de ce dernier, en quête d'un dossier. D'une main, elle congédia l'intendant qui prit rapidement la porte. Lenore paraissait encore plus froide qu'à l'accoutumée. En réalité, son esprit d'analyse était à son paroxysme. Des bribes de conversations lui revinrent en mémoire, certains plus utiles que d'autres.
Et si Shada avait raison ? Et si c'était bien moi qui était visée depuis le début ?
Elle s'asseya sur son fauteuil d'un long soupir. Pourquoi pas, après tout ? Elle avait toujours réfuté ce que lui avait dit la miqo'te, bien que cette dernière avait avancé des théories plutôt juste jusqu’à présent. Toutefois, cela pouvait être une simple coïncidence également. Après tout, d'après les spectateurs de son récital ce soir là, ce genre d'incident était fréquent et pas anodin. Le Thanalan regorgeait de personnes en difficulté et parmi cette foule, il était possible qu'elle n'ait rien vu. Que faire alors ? Tout d'abord, se calmer. La Dame était si tendue qu'elle commençait à se saigner les mains. Ce fut bien la première fois qu'elle était aussi touchée, par ailleurs. D'ordinaire si mesurée, douce et aux émotions contrôlées, elle n'était rien de cela en ce moment même.

Lenore se passa une main sur le front, le regard fixant la lune brillant en haut du ciel bien sombre. Elle soupira une énième fois… L'amour qu'elle portait pour le mighois aux regards perçants était aujourd'hui inconditionnel. Son coeur ne cessait de battre à sa simple pensée et rien qu'en prononçant son nom, elle en souriait inconsciemment. Oui, c'était un amour de jeune femme comme celles dans les livres qui attendaient leur prince charmant. Le sien, elle l'avait trouvé et jamais elle n'aurait cru à une idylle si pure et agréable. Encore à cet instant, Lenore se surprit à sourire. Mais ce sourire se vit rapidement gâché lorsqu'elle se souvint de leur rendez-vous planifié pour le lendemain. Son coeur se serra, elle ne pourrait pas le prévenir avant sans linkperle et elle allait devoir passer beaucoup de son temps avec les Immortels pour régler cette affaire… Qu’importe si l'entretien finit plus tard, elle irait au lieu de leur rencontre, même après des heures en retard. Elle gardait espoir de le voir là, à l'attendre.

Pour rien au monde elle ne raterait la Valention, que ce soit en chanson ou avec lui.

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