[Lenore] Tome I - La Voie du Chant

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Lyssie Il y a 10 mois et 3 jours


Lenore termina son chant aussi doux qu'une berceuse, ses prunelles de cristal ancrées dans ceux de son amant. Ce dernier avait voilé son regard par ses innombrables mèches de jais, avalant sa salive pour la énième fois en moins de dix minutes. Il était perturbé, comme envoûté. Était-ce dû à la voix hypnotique de sa proie ? Ou était-ce dû à ses atours de danseuse orientale qu'il lui avait demandé de porter pour l'occasion ? Les deux peut-être ? Il n'arrivait pas trancher et cela l'irritait de plus en plus. Le charme et l'aura angélique qui émanaient de la jeune dame provoquait en Judal un sentiment nouveau, violent… Tout simplement humain. Ses mains serrées contre le canapé, une rage se ressentit soudainement dans sa voix.
"Comment veux-tu...que je résiste, lorsque tu m’envoutes ainsi, lorsque tu t’assoies si près de moi…
Relevant légèrement la tête, Lenore pouvait voir le regard de Judal percer à travers ses mèches retombées vers l’avant de son visage. Soudainement, il décolla ses mains du canapé pour s’emparer des épaules de la belle et la faire basculer vers l'arrière, son dos contre le canapé. Ainsi penché sur elle, face à face, elle pouvait sentir son souffle chaud et énervé à quelques centimètres d’elle. Le mighois plissa son regard ambré.
- Si tu uses de la magie...comment est-ce possible de gagner un pari perdu d’avance ?"
Avant qu’elle ne put répondre, il mêla ses lèvres aux siennes afin qu’elle ne puisse plus avoir encore l’ascendant sur lui. Il se sentait en danger...et cela ne s’arrêtait pas là. Crédule, et surtout bonne enfant aux côtés de son “amant”, Lenore jouait de plus en plus avec le Diable en personne.
"Visiblement, tu n’as pas pu tenir… Toutefois, je ne peux réellement réguler le pouvoir de ma...voix. C’est devenu aussi naturel que de parler…"
Pauvre inconsciente. En une fraction de seconde, Lenore crut voir en Judal une fissure, une faille. Son regard, d’habitude si doux et attentionné envers elle, se transforma en une fente emplie de colère et de fureur qu’elle vit comme de désir. Après tout, il avait toujours ce fameux regard lorsqu’ils pouvaient dévoiler leurs sentiments, en privé. Avait-il bien entendu ce qu’il pensait avoir entendu ? Venait-elle de l’attaquer ? Venait-elle simplement de dire qu’il avait...perdu ? Cette idée à peine ancrée dans son esprit, le mighois prit une seconde pour souffler, yeux fermés face à sa belle.
"Tu ne peux réguler ta voix...et je ne peux réguler mon envie de profiter de toi. Qui est en tort, dans ce combat de contrôle de soi-même, alors ? dit-il en lui adressant un fin sourire en coin des lèvres. En réalité, ne se le disait-il pas à lui-même ?
- Je ne pensais pas que mes chants pourraient provoquer ce genre de réaction…
- Tu le sais maintenant. Et tu devras assumer son pouvoir.
- Dois-je réellement en payer les conséquences, si je ne savais rien ? Si j’étais innocente, dans l’histoire ?"

La question de trop. Le mighois ouvrit ses yeux, ces derniers plongés dans le regard de cristal de sa belle. On pouvait y décerner une certaine rage reflétant le véritable visage de Judal, un être consumé par le vice… Mais elle ne vit rien. Tel un assaut face à l’insolence - que le hyurois jugea ainsi -, Lenore ressentit une main lui parcourir la peau nue. Entrepreneur, Judal vint essayer de faire taire son amante et son ennemie par le biais de caresses dont lui seul avait le secret. Ainsi, elle serait contrôlée. Ainsi, elle n’aurait plus aucun mot le dérangeant. Ainsi...il aurait de nouveau le contrôle sur sa proie. Le Diable susurra au creux de l’oreille de sa victime toute la rage qu’il contenait, essayant de faire culpabiliser la belle.
"Tu m’as choisi comme étant ton homme, en connaissance de cause après tout ce temps, et tu t’es habillée ainsi devant moi en me donnant cette promesse. Tu n’es pas innocente à partir du moment où je t’ai prévenue… Tu sais mieux que personne ô combien tu peux être irrésistible, non ?"


Lenore sortit immédiatement de sa torpeur lorsque Philibert percuta son bureau dans sa chute. Ce dernier se redressa aussi rapidement qu’il tomba, les dossiers en désordre dans ses mains. Il riait face à sa supérieure, bien que cette dernière étirait un sourire plus maigre, comme absente.
"M-Mademoiselle Hydan a fait les analyses des parchemins, ma Dame.
- Mettez le rapport sur le bureau, je vais regarder ça. Merci beaucoup, Philibert."

Malgré tout, elle gardait un sourire bienveillant vers l’intendant. Il devait encore s’habituer à son travail, mais il y arriverait en un rien de temps. Ce dernier esquissa un sourire idiot avant de déposer le rapport sur le bureau de la directrice, s’incliner puis partir. Lenore prit un temps pour souffler. Elle s’installa plus confortablement sur son fauteuil, le regard divaguant sur le côté. Ce qu’avait traversé Shada lui trottait dans la tête.





[size=6]Cette histoire d’amour finira mal.
Elle finira quand tout le monde sera malheureux.
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Lyssie Il y a 10 mois et 3 jours


La porte s'ouvrit si brusquement qu'elle en vint à se cogner contre le mur. Lenore, l'air furieux et indigné, pénétra dans son bureau où l’attendait Shada qui souhaitait la voir pour un rapport. Le pas vif, elle s'avança jusqu'à sa fenêtre pour fermer les rideaux. Son humeur furibonde était si terrifiante que la miqo'te sentait soudainement sa gorge se nouer.
"Tout va bien, Len…
- Assez !"

Tout à coup, Lenore lança son éventail sur Shada d'un réflexe sans nom, les lames de sorties. Prise au dépourvu, elle réussit in-extremis à esquiver l'arme en baissant la tête et les oreilles, sous un cri. La dame n'y fit pas plus attention, aveuglée par une colère noire. Par des gestes incontrôlés et irréfléchis, elle balaya au sol tous les livres qui trônaient sur son bureau, d'un grondement semblable à un orage.
"Je suis outrée, scandalisée, publiquement humiliée ! Comment ai-je pu être aussi sotte ?!
- Que se passe-t-il, Lenore…?
- Les hommes ne sont qu'égoïsme et égocentrisme !"

Sa colère était telle que la jeune miqo'te n'osait vraiment lui répondre. On pouvait la lire dans ses yeux, cette souillure. Shada constatait cela avec une pointe d'inquiétude dans le regard, avant de la voir partir faire désormais les cents pas près du feu de la cheminée crépitant. Elle se tenait les mains dans sa colère, plongée dans ses plus sombres pensées. Ce qui fut le plus surprenant était de voir une Lenore aussi dépassée par ses sentiments, habituellement si mesurée. Finalement, Shada se releva de son fauteuil, d'un dernier regard sur son fauteuil. Elle s'avança timidement vers la chanteuse, les oreilles basses.
"Il vaudrait mieux s'asseoir pour que je puisse vous...t'aider, Lenore…"
La cantatrice s'arrêta dans sa marche interminable et lança un regard cinglant à Shada. Cette dernière se tétanisa, ses mains sur son ventre en signe de défense. Toutefois, Lenore finit par adoucir son regard, semblant lasse et fatiguée. Elle s'assit sur le grand canapé face à la cheminée avant de cacher son visage de ses mains, soupirant. Shada se mit à ses côtés et déposa sa main gauche sur la cuisse de son amie meurtrie, le regard peiné.
"Toute ma vie, je n'ai cessé de me bâtir cette mentalité d'une femme forte, qui n'a besoin d'aucun homme, ni de figure patriarcale... Et aujourd'hui, je me sens souillée d'un homme qui n'a fait qu'écouter ses désirs sans prendre les miens en compte, quand bien même je l'avais prévenu...et il l'avait vu, par les Douze !
- Mais… De qui parles-tu ? demanda Shada, les mains serrées.
- Judal…"

Shada fronça instantanément les sourcils. La hyuroise, elle, endigua ses larmes du mieux qu'elle pouvait. Fragile, la brutalité qu'elle avait subi de son cher et tendre l'avait effrayée. Et pourtant, cela fit écho à la jeune miqo'te, ce qui réveilla cette boule de feu dans son ventre.
"Lenore... Raconte-moi tout s'il te plaît."
Cette dernière s'exécuta. Elle était énervée et bouleversée mais heureusement, non traumatisée. Le premier amour faisait souvent cet effet de duplication des sentiments, car ils étaient forts et explosifs. Ainsi, Shada écoutait l'histoire du début à la fin tandis que le feu faisait toujours danser les flammes. La chaleur de la pièce contrastait soudainement avec la froideur du mépris de la miqo'te...puis se transforma en colère.


Plus tard dans la soirée, Lenore s'était accordée une petite pause sur le balcon. Vêtue d'un simple peignoir bleu guède, elle avait délaissé ses longs cheveux sur son dos, sans accessoire, sans enjolivement. Simplement naturels. Elle avait besoin de souffler et de se confier à la lune qui l'observait de loin dans le ciel. Pour une fois, la froideur de son lit avait été sa sécurité. La chaleur qu'elle avait pu partagé avec Judal ne la mettait plus à l'aise... Bien sûr, elle aurait bientôt besoin de s'entretenir avec lui. Mais qu'allait-il lui dire ? Elle serra doucement ses mains, sa colère n'avait pas totalement disparu.

Une seule chose la réconfortait parmi toute cette agitation. Cela faisait depuis quelques temps qu'elle n'avait pas eu de prémonitions. Quel soulagement.
Lyssie Il y a 10 mois et 3 jours


"Judal...? Que... Que fais-tu ici...?"
Le vent devint subitement plus glacial. Alors coincée dans le fond d'un bâtiment sans issue avec ses agents, Lenore avait prêté main forte à W'shada pour le dernier assaut final. Devant elles, Marcus était devenu complètement fou. Ses discours étaient digne d'un psychopathe pour qui la mort réservait bien des tours. Et pourtant... Il ne fallut que d'un geste de la part de l'ingénieur du Centre, Nesuta, pour renverser toute la situation. Il avait voulu créer un passage grâce à une explosion...sans établir un réel périmètre de sécurité. Tout le monde avait été la proie de roches tombant du ciel, assommant Lys, Idir et Keitaro sur le coup. Lenore et W'shada étaient aussi visées par les projectiles...jusqu'à que Marcus prit soudainement peur. Ce dernier avait foncé sur les deux demoiselles afin de les sauver d'une mort certaine, s'écrasant ainsi sur le sol avec elle.

Mais il n'avait pas prévu cette petite virgule, ce minuscule petit geste. En les sauvant, Marcus était entré dans le champs anti-éther qu'il avait lui-même érigé...lui détruisant petit à petit son mirage. Dès lors, W'shada observait avec horreur la métamorphose de Marcus...en Judal. Instinctivement, elle décala son regard sur Lenore... Comment allait-elle réagir ?
La directrice avait les yeux écarquillés, la bouche entrouverte, son souffle coupé. Un tourbillon de sentiments lui déchira le ventre et le coeur, la laissant sans voix sur le moment. Judal croisa les pupilles rétrécies de son amante...et plus grande ennemie, l'air désemparé. Un moment de flottement se fit à nouveau entre les deux. Sur le visage du mighois, l'on pouvait clairement y déceler de la tristesse. Mais, contrairement à l'autre fois, il se redressa rapidement, tournant le dos aux jeunes dames et s'avança.

Lenore sentit sa tête lui faire atrocement mal à mesure qu'elle arrivait à faire petit à petit les connexions dans sa tête. Son cœur emballé, sa respiration s'accélérait de plus en plus vite. Elle ne put empêcher ses larmes lui brouiller la vue alors qu'elle sentit dans son ventre un poignard imaginaire. Elle observait l'homme qu'elle aimait...partir. Cet homme qui l'avait dupé depuis le début...et qui n'avait, à aucun moment, laissé de traces. Elle s'était offert à un trompeur... Un imp.
Ses mains se crispèrent progressivement sur le sol. Elle le sentait en elle, cette envie de hurler... Ce désespoir lui possédant corps et esprit. Alors, tandis que Judal repartit dans son rôle du grand méchant, Lenore recula sa tête pour hurler aussi fortement que possible. Ce cri fut si strident qu'il retentit dans toute la cité d'Ala Migho, brisant les tympans de ses agents.
Judal vacilla sur le côté à ce cri, genoux à terre. Il avait été affaibli par le combat...et semblait ne démontrer plus aucun intérêt. Ce fut à ce moment que tout se termina, lorsque "Blanche" mit fin aux jours de Judal sans le moindre remords...ni la moindre hésitation.
Judal tomba à genoux avant de sombrer sur le sol, les yeux ouverts...et rendit son dernier souffle.
"Non... Non, arrêtez... ARRÊTEZ !!"
Lenore se redressa rapidement pour venir aux chevets de son amant. A genoux à ses côtés, elle posa ses mains sur ses épaules pour le secouer. Sa voix chancela, ses larmes mourant sur ses joues. On pouvait y descerner un grand désespoir, implorant les dieux de lui rendre grâce...en vain.
"Comment... Comment ?! POURQUOI ?!"
Mais le mighois ne lui répondit pas. Il avait emporté avec lui, secrets et manigances que nul personne n'aurait pu comprendre. Elle laissa derrière lui, regrets, incompréhension et un semblant d'injustice. Ce soir-là, le chant de la cantatrice inspirait à la détresse et au désarroi. Oui, ce soir-là... Ses chants symbolisaient son éternel sanglot.



[size=6]"Cette histoire d'amour se finira mal.
Elle finira quand tout le monde sera malheureux."
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Lyssie Il y a 10 mois et 3 jours


Depuis combien de temps ne s’était-elle pas tenue face à une coiffeuse ? Une question qu’elle ne cessait de se poser, assise là, droite, à se regarder dans le miroir tandis que les assistantes se multipliaient autour d’elle pour la pomponner. Dans une heure, elle allait devoir chanter face à un public venu d’ailleurs et malgré la chaleur que cela pouvait lui procurer, elle ressentait encore et toujours ce vide dans son cœur.

Lenore restait de marbre face à son propre reflet. Se laissant coiffer sa chevelure boisée, elle laissait libre court à ses pensées. Cela faisait maintenant une bonne semaine qu’elle était sortie de ses appartements, aux yeux de tous ses agents. Elle avait même recruté un autre agent. Elle se souvenait de leurs regards, tous aussi attristés les uns que les autres. Après tout, toute cette affaire n’avait tourné qu’autour d’elle depuis le début. Bien que des zones d’ombres subsistaient, cela n’avait été qu’elle et elle seule. Voulait-il son cœur ? Non. Son titre ? Non plus… Son argent ? En réalité, elle se le demandait toujours. Ce qu’il avait fait pour elle était une preuve indélébile, biaisé par son espoir et son amour pour lui. Et malheureusement, elle ne le savait que trop bien. Rapidement, comme prise d’une peur soudaine, elle chassa toute tristesse pouvant venir de ces réflexions afin de se concentrer sur la soirée qui venait. Il était hors de question qu’elle fasse une rechute après tout le travail qu’elle avait fait avec Scarlet. Le spectacle devait continuer.

Son visage maquillé, qui n’ajoutait rien à sa beauté naturelle, se mariait à merveille avec ses atours de chanteuse. Son collier frontal en or resplendissait avec les ornements de sa tenue et les bijoux qu’elle portait avait été fabriqué minutieusement afin qu’ils soient en harmonie avec tout le reste. Les assistantes semblaient ravies, leurs yeux pétillant de toute la beauté qu’elles trouvaient en la cantatrice de cette soirée.
"Vous êtes parfaite, Lady Lenore !" dit l’une d’entre elles, le fard à paupières encore dans sa main. Lenore se redressa de son siège pour venir se regarder dans le miroir mural. Bien qu’elle éblouissait tout le monde de son charme, la chanteuse ne réagit pas plus que ça, son regard voilé par un tourment silencieux.
"Tout va bien, ma Dame…?
-  Elle est magnifique. Vous avez fait un excellent travail, mesdemoiselles."

Comprenant l’inquiétude qu’elle pouvait susciter, Lenore troqua rapidement son tourment par un sourire paisible sur son visage délicat. Elle tourna sur elle-même et observa sa jupe basquine suivre le mouvement. En effet, il n’y avait pas plus belle dans la pièce. Les assistantes, satisfaites, firent alors leurs adieux à la cantatrice et sortirent de la loge, laissant Lenore désormais seule.

Debout face à son reflet, son sourire s’effaça bien vite. Son expression se fit même plus fermée, d’une indifférence particulière. D’une main, elle défroissa machinalement un pli de sa robe sans qu’elle ne s’en rendit compte. Il lui manquait quelque chose. Le vide en son cœur aspirait toutes ses émotions et elle le sentait au fond d’elle. Elle ferma un instant les yeux au même moment où l’horloge sonna. Qu’à cela ne tienne, impossible n'était pas Riverhood.

Elle allait faire vibrer son cœur au gré de sa musique, qu'importe sa douleur.
Lyssie Il y a 10 mois et 3 jours


Pourquoi son corps avançait-il tout seul vers elle ? Ce chant, aussi doux et délicat soit-il, était emprunt à un fort tourment pudique dont seules ses vertues mystérieuses avaient le secret. Pour autant, le hyurois derrière elle se sentait comme attiré, envoûté, oubliant même de faire attention à ses pas. Lorsqu’elle entendit une présence derrière elle, Lenore cessa son chant et tourna vivement la tête afin d’observer le nouvel admirateur.
"Bonsoir, monsieur Kamiya.
- Bon...Bonsoir, Dame de Riverhood."

Qu’il se trouva bête. La main derrière sa nuque, il fuyait son regard comme la peste, désorienté. Alors, il prit un temps pour se calmer. La dame replaça son regard devant elle bien que la fascination qu’elle avait à regarder le contrebas de la falaise où ils se trouvaient pouvait être dérangeante. Takeo le vit immédiatement, une pointe d’inquiétude naissant dans sa poitrine.
"Faites attention, c’est plutôt haut par ici…
- Heureusement qu’il y a des barrières, n’est-ce pas."

Etaient-ce seulement les barrières de la falaise dont elle parlait ? Ou...les siennes ? Elle ne se retourna pas, les mains posées sur les rambardes. Le hyurois plissa les yeux, son kiseru aux lèvres. Toutefois, il n’en tint pas rigueur.
"Pourquoi être venue ici, si loin de la Coupe ?
- Je venais souvent ici auparavant. Le panorama que nous offrent les hauteurs de Brumée sont inestimables. Sa plage est-elle comparable à celle de Hingashi ?
- Comparable, je ne dirais pas. Elles sont différentes, nous donnant deux peintures distinctes...et si belles."

La conversation n’avait presque aucun sens pour elle. Discuter de la beauté du paysage avec une connaissance, un employé qui plus est, était devenu rare dans son quotidien. Après tout, elle ne voyait plus personne depuis cet événement, mis à part Scarlet. Elle seule pouvait la tirer vers la lumière.

Ils s’éternisaient. Lenore décela rapidement en Takeo une capacité philosophique très poussée, mélangeant sa réflexion aux idéaux de la vie. Tout aurait pu bien se passer s’ils n’avaient pas déraper sur un sujet sensible…
"Comment peut-on distinguer la vraie nature d’une personne et sa façade ?
- Je dirais qu’avant de se forger une opinion, il vaut mieux demander à la personne directement si elle est de confiance. Si la personne est mauvaise… Cela devrait se voir facilement dans son regard.
- Très bien,
dit-elle en se retournant. Êtes-vous une personne de confiance, monsieur Kamiya ?"
Cette question fut comme un pieu dans le coeur de l’oriental. Outre le fait qu’il voyait enfin Lenore de face, dévoilant ses atours de grande dame ishgardaise, il se sentit comme emprisonné dans son propre piège. Etait-ce seulement un piège ? Sans plus tarder, il répondit après avoir souffler la fumée de son kiseru.
"Oui. Mais quelques soient mes mots, vous en jugerez par mes actions." répondit-il aussi naturellement que possible.
Encore une fois, cette sensation dans son cœur à la vue de Lenore. Cette dernière étirait un sourire amer. Lorsqu’elle porta une main sur sa chevelure afin de remettre une mèche derrière son oreille, elle ne pouvait se douter de qui il s’agissait réellement à ce moment là. Elle reporta son regard sur les couleurs bleutées de la mer de Brumée. Les vagues valsaient au rythme de la vie, le vent était calme. Étrangement, cette conversation ne se poursuivit pas, comme si cela avait été un faux pas de la part du hyurois.

Derrière elle se tenait un homme aux remords certains. Mais elle ne pouvait le voir car elle était celle qu’il n’arriverait jamais à atteindre. Un joyau étincelant perdu dans l’obscurité de ses propres actes.
Lyssie Il y a 10 mois et 3 jours


En ce bel après-midi de cette saison printanière, un chant mêlé à une mélodie enchanteresse parvinrent jusqu'à de nombreux habitants de la Lavandière. Certains s'arrêtèrent devant la chanteuse et la musicienne, surpris d'assister à un récital improvisé en pleine air de Lady Lenore, accompagnée d'une élézenne à la beauté dite olympienne. L'harmonie qu'elles formaient étaient si particulière, si singulière qu'il n'était plus étonnant de voir certains se poser à leur fenêtre pour les écouter, laissant de côté leurs activités.
Au fur et à mesure de la journée, les passants s'agglutinèrent autour d'elles afin de se délecter d'une telle mélodie. Lenore, elle, était aux anges. Depuis sa chute, jamais elle n'avait regoûté au plaisir de la vie, si ce n'était pour sa musique et ses chansons. Cette passade où seules les idées noires avaient le dessus sur la raison humaine, qui, par ailleurs, avait failli avoir eu raison d'elle alors qu'elle touchait presque le fond. Presque ? En effet, celle qui se tenait à ses côtés, cette barde à la longue crinière dorée qui s'adonnait à sa musique tout aussi passionnément qu'elle, avait sûrement été l'une des personnes lui ayant évité un bien funeste destin. Virtuose dans l'âme, Ombeline étirait un doux sourire paisible, enivrée de leur propre mélodie. Bien que pudique, elle avait en elle cette fierté de pouvoir œuvrer aux côtés de Lenore, une cantatrice qu'elle avait admiré depuis bien des années. Un doux rêve qui se réalisait enfin...


Leur musique avait su trouver leur auditoire. Lorsqu'elles terminèrent leur récital, bon nombre de spectateurs anodins applaudissaient, enchantés et envoûtés par la magie des deux bardes. Ces dernières s'inclinèrent avec légèreté, digne des dames ishgardaises. Elles répétèrent ce mouvement trois fois, jusqu'à ce que les habitants partirent vaquer à leurs occupations. Certains restèrent pour discuter avec les deux dames qui prirent le temps pour rester avec eux. Les étoiles dans leurs yeux témoignèrent d'une admiration sans faille, après tout, Lady Lenore était devant eux, sans artifice ou autre grande robe cérémonielle et fastueuse. De même, Ombeline était qualifiée de barde exceptionnelle, rivalisant avec le chant de la cantatrice à ses côtés. L'élézenne rougit légèrement à une telle comparaison, à la fois flattée et touchée.
Ce ne fut qu'en début de soirée que les deux bardes rentrèrent au Centre Rivesthern. Le calme ambiant contrastait avec la chaleur des habitants qu'elles avaient pu croisé lors de cette journée bien musicale. Et pourtant, la hyuroise en avait réellement bien besoin... D'un geste, elle invita Ombeline à la suivre dans son bureau où personne ne pouvait les déranger. Cette dernière la suivit, gardant toujours sa harpe avec elle.
"Quelle agréable journée !
- Vous étiez, comme toujours, parfaite, Dame de Riverhood,
dit Ombeline, l'air apaisé et surtout, ravi.
- L'aurais-je réellement été si vous n'aviez pas été là ?" répondit la Dame d'un sourire amusé et amical.
Elle l'invita à s'asseoir avec elle à sa table d'où trônait quelques bouquets de fleurs. D'un sourire, Ombeline accepta et vint s'asseoir, passant ses longues jambes sous la table, les mains jointes sur son giron.
"Il me semble que vous aimez le théâtre.
- Oh oui, mais bien que j'en ai fait, je ne suis pas exceptionnelle. Ce que j'aime, ce sont les histoires.
- Si vous aviez eu le choix de vivre vos histoires, comme de les conter... Le feriez-vous ?
- Ma foi, c'est une question à étudier."

Lenore offrit un sourire paisible à sa consœur avant de se relever avec délicatesse pour s'approcher de son bureau. Ombeline la suivit du regard, intriguée. Quelle ne fut pas sa surprise de la voir venir à elle pour lui présenter un ticket du Conservatoire d'Ishgard. Ce n'était pas n'importe quel ticket, mais bien celui de la pièce d'opéra que Lenore jouerait en cette fin de lune ! Ombeline, les yeux remplis de surprise, eut une étincelle de joie lui traverser le regard.
"Ainsi, vous pourrez venir admirer une autre histoire." déclara la hyuroise, un sourire sincère sur le coin de ses lèvres.
Ombeline, prise au dépourvu, accepta sans hésiter l'invitation. Le Conservatoire ishgardais était un lieu prestigieux, où les nobles de bonne famille s'y faisaient bien voir. Bien sûr, elle y était déjà allé pour voir d'autres pièces. Voir celui de Lenore était simplement tout autre chose... Lenore revint s'asseoir, les mains jointes elle aussi sur son giron.
"Merci, Lenore, je...
- Nul besoin de me remercier, Ombeline. Après tout, si vous souhaitez un jour rentrer au Conservatoire... Il serait temps de bien connaître cette scène."

Ombeline haussa les sourcils à la vue d'une Lenore énigmatique et souriante. Venait-elle de lui annoncer qu'elle allait lui garantir une place au Conservatoire d'Ishgard ? Nul doute, Lenore appréciait beaucoup la compagnie d'Ombeline. Peut-être était-ce une manière détournée de la remercier. Quoi qu'il en soit, cette annonce étira les lèvres de l'élézenne, la joie lui parcourant le corps entier. Sans attendre, elle accepta de nouveau sa demande. Les deux virtuoses allaient pouvoir exprimer leur passion ensemble, dans un univers que Lenore ne connaissait que trop bien.
Lyssie Il y a 10 mois et 3 jours


"Que font les autres ? demanda nerveusement Lenore.
- Ils continuent de chercher, ma Dame..., répondit une assistante.
- Cela sera bientôt mon tour !
- C'est bon, je l'ai ! J'ai votre tiare, Lady Lenore !"
s'exclama un autre assistant arrivant en trombe.
Ce dernier était essoufflé, l'on aurait même cru qu'il s'affalerait sur le sol. Toutefois, il déposa avec minutie la tiare sur la tête de la cantatrice, sans défaire sa coiffe ishgardaise qui pesait déjà bien lourd. Lenore sortit de sa loge, le pas rythmé au son de l'orchestre qui avait bientôt terminé l'introduction. Elle rejoignit Eric derrière les pendrillons de velours du côté jardin de la scène, ses cheveux toujours aussi adroitement coiffés. Il étira un large sourire à la vue de sa partenaire de scène, richement vêtue d'une longe robe blanche bouffante aux parures dorées. Cela changeait bien de ses ornements d'argent, bien que l'on distinguait une broche  en or blanc dans sa chevelure.
"Cela va être à vous, chère "Evelyn".
- Merci à vous, cher "Larys"."

Complices dans leur regard, ils virent soudainement le rideau se baisser. On vint encore une fois ajuster la tiare de la cantatrice avant que celle-ci ne s'avance jusqu'au centre de la scène. Les applaudissements se turent.

Lorsque le rideau se leva, Lenore se tint debout, le dos droit, les mains sur le bas de son corset blanc, les yeux fermés face à son auditoire. Ce dernier n'était pas très grand, la salle n'était qu'à moitié remplie pour cette avant-première dont seuls certains élus avaient eu la chance d'assister. Et si ce n'était pas par la chance de connaître l'actrice principale, bons nombres de nobles fortunés avaient fait appel à leur compte en banque pour payer une des prestigieuses places...
Alors que tout le monde braqua son regard sur la beauté qu'incarnait Lenore, elle ouvrit enfin les yeux. Éprise d'un sérieux exemplaire, personne ne pouvait reconnaître celle que l'on nommait "Lenore". Oui, ce soir-là, elle était Evelyn de Merril, une noble qui allait rencontrer un tragique destin : celui de se battre contre son amis d'enfance... Un ennemi du royaume dont elle était à la tête.
Quelle ne fut pas sa surprise de voir dans le public bons nombres de ses invités. Si Ombeline restait habilement sage, l'excitation dans son regard pouvait facilement rivaliser avec celle de Lys qui avait plaqué ses mains sur la rampe, les yeux brillant sur Lenore. Sur deux balcons côte à côte, elle aperçut la top-modèle Mhasi et la Grue Rouge, tous les deux somptueusement vêtues, près de leur escorte respective. Leur intérêt pour la pièce était tout autre, si l'une n'y voyait qu'un potentiel pour mieux se faire remarquer, l'autre prêtait attention à l'orchestre et l'histoire, comme la voix de sa consœur qu'elle apprenait à connaître désormais au fil de leurs répétitions. Enfin, Takeo avait choisi la simplicité dans le choix de sa place. Si le parterre lui convenait, il pouvait ainsi contempler une femme qu'il admirait de plus près, le regard passionné et d'ores et déjà charmé.
Sous un silence olympien, la voix de Lenore s'éleva petit à petit vers l'assemblée. L'orchestre s'harmonisa avec le chant la cantatrice, cette dernière se concentrant au maximum. Cette soirée était sa soirée. Elle avait tant répété la pièce d'arrache-pied qu'elle n'avait qu'une envie : la faire. Après avoir autant souffert ces dernières lunes, elle avait besoin de souffler et s'adonner à sa passion de toujours...le chant.

En plein chant, la colorature qui avait déjà bien exercé sa voix se fit rejoindre depuis le lointain par son partenaire de scène, Eric, qui incarnait Larys, l'ami d'enfance de son personnage. A deux, ils arrivaient à transmettre toutes les péripéties que subissaient leurs deux personnages en entremêlant leur talent de chanteur. Leur voix collait si bien qu'il était très dur de discerner le personnage des acteurs... jouaient-ils réellement un rôle ou les incarnaient-ils parfaitement ? Le public ébahi, même la jeune fortunée Mhasi s'était surprise à réellement prêter attention à la pièce. Parmi l'auditoire, seul Takeo paraissait un brin agacé de la voir si proche d'un homme.

Plusieurs entractes avaient rythmé la pièce. Si ce n'était pas Lenore, ni Eric qui occupaient la scène, les chœurs et les figurants donnaient vie à l'histoire. La guerre, la cour royale et la foule paysanne avaient bien une place dans chacun des actes de la pièce. Cette fois-ci, seule Lenore trônait au centre de la scène, les bras le long du corps. Lorsqu'elle débuta son chant, ce dernier se fit doux et délicat, accompagnant les violons de l'orchestre. Cet acte six était consacrée à Evelyn, enfermée dans une grande tour de verre. Abandonnée à ses pensées, elle venait d'apprendre qui était l'ennemi de son peuple : Larys, son ami...et l'homme qu'elle avait aimé. A cela, son chant progressait petit à petit vers une mélopée enchanteresse et puissante. Son solo était le plus long de la pièce, si bien qu'elle avait dû boire beaucoup d'eau avant de revenir sur scène. Son regard, sa gestuelle, sa voix, tout était calculé et répété.
Soudainement, la cantatrice éleva à nouveau sa voix vers l'auditoire, une voix plus puissante, quasi-divine. Sans qu'elle ne s'en rendit compte, les vertus vocales de la Barde affectaient son public, certains lâchant quelques larmes malgré eux. L'émotion était si forte... Si bien retranscrite. Le metteur en scène respectueusement dans les coulisses était lui-même affecté, jusqu'à oublié qu'il devait supervisé les acteurs. De son côté, Ombeline avait avec elle un mouchoir à porter de main, déjà utilisé.

Le bouquet final, bien que tragique, avait été grandiose. Alors que la voix de Lenore montait de plus en plus crescendo, cette dernière immortalisa les dernières secondes en faisant vibrer le coeur et les émotions de chacun par cette dernière note déchirante avant  de se laisser tomber en avant, sa tiare tombant, comme convenu dans la pièce, sur la scène. Evelyn de Merril avait péri, et ce sous le regard tiraillé de Larys. Quelques secondes de silence se fit avant que le rideau ne tombe. La pièce venait de prendre fin.
Il fallut un temps avant que l'auditoire n'acclame les acteurs et les musiciens. La Grue Rouge applaudit également, juste après avoir retiré une larme de ses yeux, tandis que Khara préféra mettre des lunettes de soleil pour cacher ses yeux rougis, trop fière pour afficher l'émotion qu'elle avait pu vivre lors de la pièce. Lys, soudainement plus enjouée, applaudit de la même intensité qu'un fan plus loin. Takeo, lui, applaudissait lentement, son regard enchanté en disait déjà bien long sur ses pensées.

Lenore, qui avait quitté la scène pour rejoindre sa loge, était assise face à sa coiffeuse. Elle avait besoin de se refaire une beauté avant de rejoindre à nouveau la scène et saluer son public. Un nombre conséquent de bouquet de fleurs trônaient sur la coiffeuse d'où l'on pouvait comprendre le franc succès qu'avait accompli la pièce. Elle avait tant donné que le fruit d'autant d'heures de travail lui arracha un léger sourire attendri. Anastasia, l'une des assistantes, vint alors jusqu'à Lenore pour lui donner une missive.
"Tenez, Dame de Riverhood... Je n'ai pas compris pourquoi, mais un certain "Judal" souhaitait absolument que vous lisiez cette lettre."


Son sourire disparut aussitôt.
Lyssie Il y a 10 mois et 3 jours

Dans les hauteurs de la Sainte Cité, là où le froid régnait, le manoir Riverhood resplendissait face à la lumière du soleil. Bien que l'été approchait, nul n'était fou de sortir sans un manteau et cela, la femme aux cheveux de feu l'avait bien compris.
"Rentrez bien chez vous, Kurenai.
- Je vous remercie. Nous nous reverrons bientôt... Avec une surprise."

Toujours aussi mystérieuse que ses nombreux noms, celle que l'on appelait la Grue Rouge s'inclina à la manière des nobles ishgardais devant Lenore, imitant à la perfection cette dernière. Elle en fit de même dont la grâce émanait naturellement de la cantatrice. Les deux s'étaient bien trouvées, après des lunes à écouter le chant de l'autre. Et dans quelques semaines à peine, elles allaient pouvoir harmoniser leurs voix sur scène pour la fête des Feux de la Mort, de quoi ravir leurs admirateurs que de les voir toutes les deux réunies.
Une fois partie, les domestiques fermèrent les grandes portes du manoir. Lenore rejoignit sa chambre, chantant une berceuse que de nombreux servants avaient l'habitude d'entendre ces dernières semaines. S'agissait-il d'une nouvelle composition ? Sans nul doute, bien que celle-ci était destinée à quelqu'un en particulier...

Le silence complet. Les flammes de la cheminée dansaient au gré de leurs envies, la pièce était agréablement chaleureuse.  Assise devant son bureau face aux vitraux bleutés de sa chambre, Lenore lisait pour la énième fois la même lettre qu'elle avait reçu quelques soleils plus tôt. Personne ne savait de qui elle venait, puisque l'expéditeur était inconnu. Pourtant, le regard de la Messagère ne tromperait personne ; elle savait bien qui lui avait écrite.



"Pour tous les affronts que tu as fait, tu devras faire pencher la balance de l'autre côté."



Quelques souvenirs affluèrent dans son esprit : une forêt, une maisonnette, un coin paradisiaque... Un endroit inconnu que personne ne pouvait trouver, si ce n'était elle et lui. Un point de chute qui lui était destinée. Bien des choses s'étaient passées là-bas, derrière cette porte en bois.

"Aurais-je droit à une seconde chance ?
- Fais autant de bien que tu as fait le mal."



Sans dire mot, Lenore se releva de son siège pour jeter la missive dans la cheminée. Elle n'avait plus besoin de cette lettre, elle savait qu'elle allait en recevoir d'autres et de manière plus fréquentes. Elle savait que c'était un renouveau et qu'elle aussi en avait besoin au fond... Après l'avoir faite sombrer, il allait peut-être être la solution à son problème.



"Est-ce que je peux...venir de nouveau à tes concerts ?"



Ses mains se serrèrent entre elles. Quand bien même elle ne le verrait pas, quand bien même elle n'entendrait pas le son de sa voix... Le simple fait de le savoir dans la salle lui pressa le cœur. Et pourtant, grâce à cette discussion, elle avait compris que de tous les admirateurs qui cherchaient un havre de paix dans son chant, il était celui qui en avait le plus besoin. Il était celui le plus en difficulté... Il était cet enfant perdu dans sa quête d'avoir un jour une vie paisible, où il n'aurait plus à se soucier de ses tourments.

Alors, on toqua à sa porte.
"Entrez.
- Ma Dame, vous êtes attendue au quartier général ishgardais."

Adeline, la domestique, s'inclina face à sa maîtresse. Lenore porta une main à son cou d'où un collier en argent y trônait. D'un sourire avisé, elle acquiesça et tourna ses talons pour quitter sa demeure. Elle n'avait pas encore de temps à penser à cela, l'heure à laquelle sa compagnie déménagerait à Ishgard approchait. Il était temps de mettre en place son autre projet aussi... Bientôt, tout le monde connaîtrait le monde dans lequel ils vivaient.


...Même lui.

Lyssie Il y a 10 mois et 3 jours

De qui venait cette rose ? Revenue de ses répétitions en Orient qu'elle qualifiait de "voyage d'affaire", Lenore fixait sans cesse la fleur immaculée posée sur son bureau. Au diable les rapports, cela pouvait attendre quelques minutes de plus ! Evelyn lui avait ramené une rose blanche déposée au pas de la porte de la compagnie, aux côtés d'une simple note qui était portée à l'intention de la cantatrice. Un admirateur ? Cela y ressemblait, bien que ce dernier ne serait pas un fin fleuriste. Les épines avaient su faire leur travail ; du sang avait été retrouvé sur ces dernières. Message d'amour ou funeste destin ? L'objet pouvait avoir mille et une significations.
"Il n'y avait que cela ?
- Avec la note, oui, ma Dame."

Lenore, qui contemplait toujours la rose, finit par étirer un sage sourire. Peut-être qu'elle en recevrait d'autres. Ce qui était sûr, c'est que cet inconnu, trop timide peut-être, avait su titiller l'intérêt de la chanteuse. Après tout, n'était-ce pas la signification d'un amour chaste ? ou tout simplement, une inspiration à la paix pour son nouveau départ ? Elle se saisit de cette rose pour l'apposer dans un vase où trônait déjà quelques fleurs. Oh bien sûr, elle ne se priva pas de sentir son odeur, enivrée de cette douce journée qu'elle passait.

Le temps passa et Lenore signa enfin le dernier document avant de pousser un doux soupir. Elle s'adossa sur son grand fauteuil, une main sur l'accoudoir. Ca y est. Tout était fini, l'argent avait enfin été encaissé. Ce même argent reçu d'un "mystérieux inconnu". Ils allaient enfin pouvoir déménager dans de plus grands locaux...dans un endroit bien plus reculé également. Toutefois, la vue y était imprenable, à couper le souffle. De même, elle pourrait finaliser son projet tenu bien secret pour la lune à suivre. Tout concordait à merveille. Ainsi, la dame se releva de son fauteuil après avoir fait un appel général sur la linkperle. Elle quitta son bureau pour rejoindre le hall d'entrée.
Tout le monde avait répondu présent, même les deux petits nouveaux qui venaient visiblement de se réveiller. Scarlet les surveillait comme si elle était leur mère, tandis que Lys restait l'éternel stoïque, les lunettes remontées sur son nez. Takeo, lui, fumait son kiseru, un sourire paisible sur le visage. Ombeline se tenait proche de la barrière, une main sur cette dernière. A ses côtés, Emy était toute sourire, bien qu'elle ne comprenait nullement pourquoi tout le monde se rassemblait ainsi. De même pour Solena, que pouvait signifier un tel rassemblement ?
"Où se trouve Nesuta ?
- J-je suis là, ma Dame...! A..Attendez-moi, j'ai bientôt fini !"

L'ingénieur remonta fugacement les escaliers du sous-sol, le visage charbonné. Lorsqu'il retira ses lunettes, seules ses yeux avaient été épargnés ; un vrai winner. Lenore fixa le petit génie, l'air de le réprimander quelques secondes avant de secouer la tête et poursuivre.
"Si je vous ai fait venir, c'est pour vous annoncer une grande nouvelle. Nous déménageons..."
Tout le monde se regardait, aussi intrigué que perplexe. Certains savaient qu'ils allaient devoir se couvrir dans le froid. Lenore étira un sourire délicat et avisé, personne ne s'y attendrait...
"...dans un manoir à la Coupe !"
De toutes les réactions possibles, celle de Lys amusait la directrice. Ils n'allaient pas mourir de froid dans le Coerthas ! Certains applaudissaient, tandis que d'autres hurlaient leur joie.
"Grâce à tous vos efforts et votre acharnement, ainsi qu'à un précieux don, nous pouvons dès aujourd'hui nous relocaliser dans des locaux bien plus grands. Bien sûr, rien n'est encore meublé, il vous faudra un peu de patience et ce centre-ci restera toujours actif. Nous devons finir les mandats avant de les clôturer. Vous m'avez bien comprise ?"
Bien sûr, Lenore avait beau annoncer cette nouvelle, elle n'en restait pas moins rigoureuse sur les objectifs de la compagnie. Les agents hochèrent la tête et savaient quoi faire désormais. Suite à cette annonce, Lenore étira un doux sourire et se retira. Seul un détail troubla l'un des membres de l'Ordre... Une rose blanche attachée dans les cheveux de la dame, cette même rose qui avait été trouvée ce matin sur le pas de la porte.
Quittant ainsi le Centre Rivesthern en début de soirée, Takeo avait lui aussi disparu de la circulation.



Qui sont ces deux personnes discutant sur la plage de Brumée ?
Lyssie Il y a 10 mois et 3 jours


"Il ne reste plus qu'à y habiter."
Lenore soupirait d'aise sur son grand fauteuil, assise à son nouveau bureau. Elle caressa la surface de la table, chassant les dernières irréductibles poussières. Après de longues semaines à superviser le déménagement, elle n'avait su trouver le repos qu'à la fin.
"Waah, c'est super grand !
- Trop...peut-être..."

Les voix dans le hall d'entrée attirèrent l'attention de la Dame qui se releva aussitôt pour les accueillir. Ainsi postée en haut des rambardes, Lenore étira un doux sourire lorsqu'elle vit Kin'a, Nesuta et Takeo rentrer dans le manoir avec leurs affaires.
"L'endroit vous convient-il ? demanda-elle en joignant ses mains sur le bas de son ventre.
- Nous n'aurions pas pu rêver mieux, Dame de Riverhood." répondit Takeo, son kiseru en main.
Son sourire de renard, qui lui était très propre, ne faisait que confirmer les pensées de la directrice. Tous les trois semblaient heureux de pouvoir habiter dans des locaux bien plus spacieux, et les étoiles dans les yeux de l'ingénieur pouvaient se traduire par une immense joie. Après tout, son atelier pourrait même être bien plus grand !

Alors qu'elle descendit des marches, Kin'a s'empressa d'aller dans l'une des chambres. Être ainsi exposé à la lumière de la journée devait lui brûler les yeux, mais cela avait été nécessaire. Lenore revint poser son regard sur les deux orientaux, parlant d'une voix aussi professionnelle qu'agréable.
"Bienvenue au Manoir Rivesthern. Nous pourrons désormais y travailler de manière bien plus efficace...Et cela commence dès maintenant messieurs !
- De.. C-comment ça ?
- Nous avons plusieurs mandats en retard, et j'ai été informée qu'un cas inexpliqué aurait eu lieu dans un musée pas très loin d'ici. Je veux vous vous installer vite et que vous reprenez rapidement le travail.
- Bien, ma Dame.
- Euh... Ah bah d'accord."

Takeo partit le premier avec sa valise, sans broncher, d'un calme olympien. Nesuta, quant à lui, se massa comme toujours la nuque, l'air naturellement gêné. Lenore garda un sourire mystérieux avant de se tourner vers Evelyn et la prévenir que d'autres agents allaient venir sous peu. Toutes les chambres avaient été préparé à l'occasion, tout le monde allait pouvoir trouver son petit bonheur.

Ce fut à l'heure du dîner qu'elle resta le plus silencieuse dans son bureau. Le regard tourné sur la rose blanche, elle avait apposé sur le côté ce fameuse clé de sol en argent. Ce manoir, elle avait pu l'acquérir grâce à lui; En était-il seulement conscient ? Trouvait-il cela bien, ou l'avait-il fait pour lui faire plaisir ? Elle soupira à nouveau. De toutes les personnes qu'elle avait pu rencontrer, c'était bien elle la plus meurtrie et la plus complexe. Cet homme n'avait connu ni joie, ni tristesse. Seule la fourberie avait rythmé sa vie, à tel point qu'il ne pouvait pas discerner le bien du mal.


Mais peut-être qu'elle arriverait à lui faire entendre raison ?

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