Chargement en cours, veuillez patienter

[Riversonge III] Les fondations de Gévaudan

Accueil > Forum > Récits des Campagnes > [Riversonge III] Les fondations de Gévaudan
Lyssie Il y a 2 jours et 2 heures

Traîtresse

No curse, no war, no royal scream -

Just choices dressed as pleasant dreams.

So when you ask who holds the reign-

Remember love...

is just a chain.


Le regard sans vie de sa mère hantait ses nuits. Recroquevillée dans un lit aux draps de soie dont la douceur lui faisait mal, Cantarelle serrait ses poings jusqu'au sang et pressait ses mains contre ses yeux. Si seulement elle pouvait chasser cette image. Si seulement la douleur pouvait se dissoudre. Un goût amer envahit sa bouche et céda bientôt la place à l'acidité de sa bile qu'elle rendit par-dessus le lit.

Ses ongles s'enfoncèrent dans le matelas. Une haine sourde prenait racine en elle, une graine logée au creux du cœur dont les ronces montaient lentement dans ses veines. Halone n'avait jamais posé un vrai regard sur eux. Celle que son père louait à tue-tête, celle pour qui elle avait consacré prières et fidélité, celle en qui elle avait cru de toute son âme. Sa foi s'était évanouie avec le dernier souffle de celle qu'elle appelait maman, celle qui chassait les cauchemars cachés dans l'armoire, celle dont le rire avait tenu la famille à flot après le départ cruel de son frère aîné.

Halone.
Halone.
Halone.

Le nom tournait en boucle dans sa tête, se mêlant à l'image de l'homme qui servait des songes désormais creux. Son père.

Cantarelle retomba lourdement sur le dos, le corps tendu par la violence des émotions, la respiration trop rapide. Ses sens revinrent à elle quand elle sentit une épaule appuyer contre la sienne.

Le cri qui menaçait d'éclater fut étouffé par une main. Une main d'or.

«Chut.»

Il avait, sous son masque de dentelle, un visage d'ange. Ses cheveux couleur de soleil tombaient en rideaux autour de ses traits. Il exhalait les parfums du bois, de la rose et de l'encens. Et son regard ? Un océan d'or, mobile, qu'aucune nature n'aurait su forger.

Penché sur elle, il laissa passer de longues secondes pour que le choc se dissipe. Il retira délicatement ses doigts de ses lèvres et repoussa une mèche de cheveux de jais derrière son oreille dans un geste presque maternel.

«L'homme de mes rêves», souffla enfin Cantarelle.

«Je suis venu les exaucer. Je t'apporterai la paix. Je t'offrirai tout ce que tu désires.»

«Tue Halone», cracha-t-elle à voix basse, le nom sifflant comme une insulte.

Un rire mélodieux répondit. Il replongea les doigts dans la chevelure soyeuse.

«Je peux la tuer ici. Je peux te rendre le village tel qu'il était. Que voudras-tu que je fasse ?»

Elle hocha la tête sans hésiter. Chaque promesse qui franchissait ses lèvres charnues était une mélodie qu'elle voulait entendre encore et encore.

«Ne t'inquiète pas, Cantarelle, belle créature, suis ma voix, danse sur mon air, et tout s'arrangera. Ton père sera châtié. Tu prendras en main ton avenir et celui de tous les autres.»
Lyssie Il y a 2 jours et 2 heures

Effacer toute trace


Par NLSN

Il ne devait rien en rester. Tout devait disparaître, réduit en cendres.

Il avait patienté que chacun s'endorme, feignant son propre sommeil. Peu importe le temps, peu importe la fatigue. Il était incapable de dormir. Il continuait de l'entendre. De le ressentir.

Seul, il retourna dans la grotte, face au corps inerte et décapité de la Bête. Alors, il déchaîna les flammes. Un flot infernal ininterrompu, mû par la rage et une inquiétude paranoïaque.

Il ne devait rien en rester.

Tout finirait par disparaître.

Évanoui dans un tas de cendres.
Lyssie Il y a 2 jours et 2 heures

Confessions



Le manoir Valsonge n’avait jamais été aussi silencieux. Malgré le bruit des marteaux et les allées et venues des ouvriers chargés des réparations, un froid pesait dans l'air, celui que même les flammes de la grande cheminée ne parvenaient pas à chasser. Dans la salle de repos, le père-baron se tenait droit, les mains jointes dans le dos, le regard perdu dans le brasier. La tête légèrement penchée, il observait les flammes avec cette expression impénétrable qui faisait frémir les plus braves. Il ne tourna pas la tête lorsque Lyselle entra.
De son côté, Lyselle clopinait, les bras encore bandés, le pied enfermé dans un plâtre. Chaque pas semblait une faute qu’elle s’excusait d’avoir commise.
"Père... Vous m’aviez demandée."
Il ne répondit pas d’abord, ce qui ne faisait qu'empirer le sentiment qui la rongeait : la peur. Son père ne la convoquait que rarement, si ce n'était même jamais. Il avait toujours eu cette habitude d'être un père absent, celui qu'elle devait toujours impressionné pour espérer ne serait-ce que d'avoir un peu de son attention.
Puis, sans détourner les yeux du feu :
"Ton pied est encore dans le plâtre. Nos médecins sont-ils donc si incapables ?
- Ils m’ont dit que je serais rétablie d'ici ce soir... C’est juste que mon corps n’est pas habitué à ce genre de mission...
- Tu es une Valsonge
, répliqua-t-il sèchement. Ton corps l’est par nature. Approche."
Docile, elle s'exécuta sans une once d'hésitation. Le froid de la pièce se mêla à celui qu'elle ressentait au fond d’elle. Elle osa à peine respirer, tenue debout proche de son père.
"Tu as lu le livre de ta mère, n’est-ce pas ?
- ... Oui.
- Qu’en as-tu pensé ?
- C’est... triste.
- Développe."

Elle hésita tout d'abord. Comment lui avouer tout ce qu'elle ressentait au fond sans avoir peur d'un regard désapprobateur, ou pire, une gifle ? Elle savait qu'elle était probablement la seule à espérer une famille un tant soit peu fonctionnelle, celle que les contes lui narrent depuis qu'elle est enfant. Elle n'avait rien d'une famille normale, et elle était connue pour garder la tête haute. Cette tête de souffre-douleur.
"J’ai été triste pour mère. Et... j’ai lu des choses sur vous deux qui... ne me regardaient pas. Mais je ne juge pas, je n’ai aucun avis.
- Ta mère était un monstre. Sans loyauté, sans vertu. Elle a joué avec le feu jusqu’à s’y brûler... et je suis celui qui a créé ce monstre.
- Je... je suis triste pour vous deux,
souffla-t-elle. Triste pour tout le monde, en réalité. Je voudrais que tout cela s'arrête. Je voudrais... une famille normale. Soudée."
A ces mots, son père coula une oeillade sur sa fille, conservant sa froideur, mais au moins était-elle parvenue à avoir son attention.
"Une famille soudée, répéta-t-il lentement. Il y en eut une, jadis. Avant ta naissance. Je l'ai détruite. Ce sera à toi et ton frère de la reconstruire.
- Pourquoi pas avec vous
? osa-t-elle, la voix timide.
- On ne reconstruit pas un monde avec celui qui l’a brisé.
- Et pourtant, vous êtes encore respecté.
- Craint
, corrigea-t-il. Ton frère vit dans mon ombre."

C'était plus fort qu'elle, son instinct lui hurlait de consolider cet infime lien qu'elle pouvait avoir avec lui. Malgré tout ce qu'il s'était passé, quand bien même avait-elle souffert de son absence, elle était incapable de se dire qu'il était hors de ce tableau qu'elle s'était peint dans son esprit. Il en faisait parti, qu'il le veuille ou non. Et si elle apprenait petit à petit à être plus égoïste, c'était là l'un de ses souhaits le plus cher.
"... Nous pourrions être une famille fonctionnelle. Vous pourriez nous guider, nous, vos enfants. Mère pourrait... changer.
- Ta mère est morte, Lyselle."

L'annonce eut l'effet d'un couperet. Elle cilla, le souffle coupé, peinant à intégrer l'information.
"Non... Non, je l’ai vue, elle a été emportée par Main d’Or, mais... elle vivait encore !
- Transpercée à la clavicule et livrée à un démon qu’elle a trahi. Elle n’est plus.
- Tant qu’on n’en est pas certain, on ne peut pas la condamner à cette réalité.
- Dans ce cas... tu m’aideras à la retrouver."

Il préféra abandonner, la volonté de sa plus jeune fille n'était pas sans le faire vaciller, lui, l'homme sans cœur. Norberteaux était de ceux qui avaient tant sacrifié pour consolider l'idéologie d'un sang qu'il s'en effaçait lui-même. Et pourtant, c'était bien l'un des problèmes de cette fichue famille. Lyselle releva aussitôt la tête, les yeux humides mais brillants d’un nouvel espoir.
"Je veux en être.
- Alors nous parlerons, ensuite, de cette famille soudée que tu désires tant."

Improbable mais vrai : son père lui avait enfin, pour une fois dans sa vie, montré une marque d'affection qui ne passa pas inaperçue à ses yeux. Mieux, il accédait à une demande qu'elle avait personnellement formulée. Une bouffée d'air frais emplit ses poumons, c'était comme si elle commençait à connaître autre chose que la déception dans le regard de son père. Hélas, ce ne fut que de courte durée car cet espoir signait pour autant la fin d'un autre.
"Si on la retrouve… elle sera jugée, n’est-ce pas ?
- Oui. Et sa peine sera lourde. Si elle échappe à la potence, ce sera un miracle.
- Mais elle est aussi une victime !
protesta Lyselle. Vous auriez dû la protéger !"
Cette fois, le silence fut lourd, terrible.
"Et c’était son devoir de m’être loyale.
- ... Sans lui donner raison... vous ne la regardiez plus. Vous ne lui parliez plus. Comment pouvait-elle deviner ?

- N’oublie pas, trancha-t-il, que nul ne l’a forcée à pactiser avec les monstres.
- Personne ne m’a forcée non plus à saisir la main d’Asmodéus.
- Et tu as été jugée, toi aussi.
- Alors pourquoi pas elle ? Pourquoi toujours la condamner sans chercher à comprendre ?"

La voix de Norberteaux gronda soudainement à mesure que son regard se durcit.
"Parce qu’elle a eu des centaines d’occasions de revenir. Parce qu’elle a choisi. Et parce que le Gévaudan brûle à cause d’elle."

Les mots la frappèrent plus fort qu’un coup. Il était inutile de rétorquer à cette évidence, sa mère avait été mauvaise, même criminelle. Elle avait mis tant de monde en danger pour simplement se sentir exister. Ce n'était pas sans lui rappeler son propre destin. Cassandra était parvenue à recréer ce qu'elle avait tant voulu éviter. L'ironie du sort était quasiment la devise Valsonge à ce stade.
"L’avez-vous au moins aimée ? demanda-t-elle d’une voix tremblante. Il prit un temps avant de répondre.
- Oui. Un jour. Et je l’aime encore.
- Mais vous auriez pu la faire exécuter !
- Parce que mes sentiments n’ont aucune place dans mon devoir !"

Lyselle détourna les yeux, les larmes lui montant aux cils. Elle parvenait pas à les endiguer, et une fois de plus les larmes roulèrent sur ses joues déjà tuméfiées par les derniers combats. Pour autant, ce fut une autre blessure qui s'ouvrit dans son cœur.
"... Alors je suis heureuse d’apprendre que vous avez protégé votre fille non par amour, mais pour le nom qu’elle porte."

La gifle claqua comme un éclair. Elle chancela, la joue en feu, les yeux agrandis par la surprise. Pas de cri, pas de colère, juste cette déception muette, profonde, qui s’inscrivait sur son visage. Elle qui pensait que son père se montrerait plus à l'écoute, elle qui espérait tant pouvoir parler à cœur ouvert à celui qui l'avait demandée... Elle ne demeurait que cette benjamine qui n'avait pas le droit de penser.
"Tu n’as pas idée de ce que j’ai sacrifié pour que tu vives un lendemain, gronda-t-il. Tu peux me haïr, me juger, hurler mon nom dans les rues, mais je t’interdis de profaner ce sacrifice."
Elle releva les yeux, tremblante.
"Je suis désolée...
- Hors de ma vue."


Elle s’exécuta, chancelante, la main toujours plaquée sur sa joue rouge. En quittant la pièce, ses pas résonnèrent sur le marbre comme les battements d’un cœur qui refuse encore de se briser. Lyselle était résiliente, elle ne connaissait que ça depuis sa chute à Clairval. Elle tomberait encore, à n'en point douter. Pour autant, cette chute-là était toujours aussi douloureuse, malgré le nombre de fois où elle la faisait.
Lyssie Il y a 2 jours et 2 heures

Une ost atypique

Au cœur des terres du Gévaudan, sous le ciel âpre du Coerthas, les troupes envoyées par les Lancastre avancent en rangs serrés vers le fortin de Portelune. Composées de mercenaires aux diverses couleurs de peaux, de fusiliers aux allures austères et de maîtres artilleurs, l'ost atypique marche sous la bannière de la guilde marchande du Gévaudan. Ils sont là sur ordre d’Ambroise Lancastre, représentant de la guilde par intérim et déterminé à participer à l'effort de guerre contre les baronnies ennemies. Car il est connu, qu'au Gévaudan, le cœur de tous bat à l’unisson en temps de guerre.


Au centre de ce cortège, deux trolls massifs venus des profondeurs du Coerthas, portent chacun un palanquin lourdement armé. Ces palanquins soutiennent deux canons sol-air, des reliques de la guerre du chant des dragons, réacquis par la guilde marchande. Les trolls avancent, imposants, sous l’œil vigilant de leurs maîtres-bêtes.


Ainsi, ce contingent hétéroclite se met directement sous le commandement du fortin

de Portelune, prêt à maintenir la ligne et à défendre le Gévaudan.
Lyssie Il y a 2 jours et 1 heure


Le vingt-septième soleil de la sixième lune ombrale.

En ce jour,

La Maison Valsonge porte à la connaissance des peuples du Gévaudan, de ses alliés et de la Sainte-Cité que Cassandra de Valsonge, la traîtresse, a rendu son dernier souffle.

Qu'il soit su que la Maison du Cerbère ne tolérera jamais que la corruption s'enracine sous ses toits. Par la volonté de la maison et pour la sauvegarde du Val, le Père-Baron Norberteaux de Valsonge, avec la bénédiction de la Baronne Athénaïs de Valsonge, s'est fait juge, juré et bourreau, et a mis un terme à l'existence de la félonne.

Que tous sachent également que les conspirateurs et les félons seront sanc­tionnés sans clémence ; seuls ceux qui ont préservé leur humanité pourront prétendre à la justice des hommes.

Qu'il soit interdit à jamais de prononcer son nom en des lieux honorables du Val. Chacun est appelé à participer à l'oubli de celle qui, ayant reçu la confiance des terres du limier, l'a trahie.

Ses portraits seront consumés par le feu, son nom effacé de la lignée, et ses actions devront, dorénavant, être attribuées sous anonymat, jusqu'à ce que le temps efface toute trace de son passage.

La Maison Valsonge réaffirme sa fidélité au Loup Blanc et sa détermination inébranlable dans la lutte contre les forces du mal.

Nul ne sera à l'abri de son courroux ; nul ne sera exonéré de son jugement.

Fait au domaine de Valsonge,
Athénaïs de Valsonge


Ainsi était rédigé le décret officiel qui tourna dans le Gévaudan dès les premières heures de l'après midi. La vérité, peut-être, était-elle bien différente. Seuls ceux qui étaient là, ce jour funeste, la connaissaient réellement. Et certains porteraient le souvenir bien plus vivement que les ordres baronnaux ne voulaient bien le suggérer.
Lyssie Il y a 2 jours et 1 heure

Par Farix

Au manoir du Val des Songes il a été vu en train d'écrire une lettre, Crispin, au moment d'écrire, n'est ni tout à fait serein ni tout à fait enragé : il est à la fois vide et plein. Il coupe le monde en deux, d'un côté la loi des Valsonge qu'il sert sans concession, de l'autre la honte, la colère et la tendresse qu'il garde pour eux comme on garde une blessure au chaud.

La lettre a été abandonnée dans le manoir, ci-où-là, il ne s'en préoccupe plus, il a mis à jour ses pensées, il a réglé ses différents sur le vélin et cela lui convient ainsi, il n'aura plus à lever son fer dans le dos du Père-Baron ou à menacer la progéniture Valsonge de montrer ce qu'est vraiment un boucher dénué d'humanité. Pour les curieux qui s'aventurent, ils auront le loisir de trouver la tête de Cantarelle en train de bouffer la lettre. Ça aussi, il ne s'en occupe plus.


Lyssie Il y a 2 jours et 1 heure

Un Retour victorieux

Par Mordred

Ce soir-là, la capitale du Gévaudan retrouva enfin le souffle qu’elle retenait depuis des semaines.
Un contingent revint des confins, ramenant avec lui le silence après la tempête.
En tête de la colonne chevauchait le Directeur de la Tour, que nul n’avait vu depuis plus de cinq ans. À ses côtés marchaient les deux fils de la Directrice de l’Académie. A la suite, une jeune femme au cheveux roux et portant d'étrange habits rappelant les couleurs des Riverhood, collée de prêt au nouvellement connu, Lion du peuple, Artorias.

En dernier, sur son chocobo caparaçonné d’acier, avançait le chevalier blanc, Mordred.
Dressée haut, empalée sur la pointe de son espadon, il portait la tête de la Bête du Gévaudan trophée macabre, preuve d’une victoire que beaucoup croyaient digne des comtes de fées.

Arrivé sur la place, Mordred fit halte, le regard brûlant d’une lumière farouche.
Sa voix s’éleva, claire et puissante, couvrant la rumeur de la foule :

Peuple du Gévaudan !
La bête de nos anciens mythes et contes est morte !
Elle n’est plus, et jamais plus elle ne reviendra !
Le peuple du Loup Blanc s’est dressé, et nul ne nous écrasera sous sa botte !
Que ces baronnies misérables à nos frontières entendent ceci :
elles goûteront bientôt à la véritable colère du Gévaudan !



Ses mots résonnèrent comme le tonnerre dans la cité.
Le peuple acclama alors la Mesnie du Loup Blanc, le cœur battant d’un même élan de fierté et d’espérance.



Tient donc....
où était passée Augustine ?
Rentrée à peine quelques instants plus tôt avec le contingent, elle s’était déjà éclipsée dans les ruelles de la capitale, fuyant sans un mot, comme une ombre après la victoire.
Lyssie Il y a 2 jours et 1 heure

Les chaînes du Temps se brisent... De la plus cruelle des manière.


Par Clematis

Alors que l'homme qui a peut-être été un jour son père macule le sol cendré d'une flaque de sang poisseuse, cinq ans de souvenirs traversent en une seconde son esprit fragile comme si l'océan déferlait dans un petit vase fissuré. Au travers d'une douleur inimaginable pour un corps déjà tant meurtri, cinq ans de la même journée à quelques détails près qui se répète plus de 1825 fois. Comme l'a dit le lapin blanc dans le conte d'Alice : parfois l'éternité ne dure pas plus d'un instant. Elle qui n'avait rien reçoit trop, trop vite...
Et tout se mélange.

Comme au sortir du plus long des rêves, la réalité devient floue et opaque. Tous ces gens qui l'entourent et qui prennent soin d'elle lui paraissent lointains. Leurs voix sont à peine audibles, leurs contours à peine discernables... Et pourtant certains mots prononcés avec la plus tendre des bienveillance lui furent plus tranchants que les crocs du basilique. Des mots qu'elle connaissait déjà au fond d'elle, depuis le jour où sa mère lui a fait écrire ce texte occulte à la fin de son journal.

Elle savait depuis longtemps qu'elle ne reviendrait pas.

Mais c'était une réalité impossible à admettre pour un esprit aussi fragile, pour elle qui n'a jamais rien eu d'autre à quoi s'accrocher que cette femme que tout le monde haïssait comme elle se haïssait elle-même. Au fond elles étaient semblables, deux créatures misérables que le monde extérieur regarde dédaigneusement, unies dans leur marginalité contre le reste de l'univers. Celle qu'elle admire plus que le monde ne la méprise, dont elle aurait pu pardonner toute les erreurs et tous les vices, pourvu qu'elle reste même un jour de plus avec elle. Elle aurait tant de fois aimé lui dire que ce qu'elle voulait vraiment ce n'était pas des robes et des poupées, mais qu'elle reste auprès d'elle. Elle a eu ces mots sur le bord des lèvres un nombre incalculable de fois...
Mais c'était égoïste, alors elle n'a jamais rien dit.

Et maintenant que les souvenirs, les regrets, la détresse et le désespoir l'étreignent... Elle voudrait finalement pouvoir tout oublier, rien qu'une fois encore.
Lyssie Il y a 2 jours et 1 heure

Secrets sacrements


Par Seluna

Elle avait rendu son déjeuner sur les dalles, et cette fois la grossesse n’y était pour rien. La main posée sur l’arche de pierre glacée, Seluna releva lentement la vitre de son regard vers la silhouette figée au centre des cristaux de glace.

Les cheveux, autrefois gorgés de miel, s’étaient ternis en une teinte cendreuse, coulant en rubans épars jusqu’au sol. La peau, jadis de porcelaine, offrait désormais une lueur violacée. Sous son dos, la fine membrane de ses ailes, rayée et déchirée, reposait sans souffle, sans éclat.

Était-ce vraiment sa mère ? Était-ce ce titan qu’elle avait affronté toute sa vie ? Était-ce cette étrangère dont elle n’avait jamais compris ni les intentions, ni la douleur ? Celle qui, si longtemps, avait ignoré les siennes ?

La chasseuse reposa son front contre la pierre froide et laissa le contact apaiser la tension de ses traits. Elle pensa aux pleurs de Lyselle, à ce regard brisé où elle avait lu les mêmes mots qui la hantaient.

Traîtresse. Victime. Mère. Monstre. Aimante. Haineuse. Peureuse. Faible. Puissante. Forte. Humaine. Démoniaque.

Paradoxale.

Son poing se referma, et le métal de ses bagues s’enfonça dans sa chair. Dans un geste instinctif, elle abattit sa main contre le sol. Un craquement sourd accompagna la brûlure qui remonta le long de son bras, ramenant son esprit à la surface. Sa respiration se calma.

La douleur. Elle en avait besoin. Sans pouvoir la donner, ni même la recevoir pleinement. Ce geste, déjà, était trop. Elle aurait voulu souffrir mille fois plus, sentir son corps crier pour couvrir celui de son âme.

Cette fois pourtant, aucune voix ne vint la corrompre ou la rassurer. Aucun poil soyeux du chat hideux contre sa jambe, aucune présence pour lui rappeler qu’elle n’était pas seule.

Elle gémit faiblement, les yeux clos. Où était Akasha ? Pourquoi était-elle seule face au corps de sa mère ? Pourquoi n’entendait-elle pas ces moqueries au ton doucereux ? Ces mots cruels choisis avec soin ? Où était sa jumelle, son reflet, son ancre ?

Être libre. Être libre, pour toujours et à jamais.
Son visage s’enfonça contre la pierre tandis qu’elle retenait un hurlement. Personne ne l’entendrait. Personne ne comprendrait.

Il lui fallut du temps pour trouver la force de s’arracher à l’arche. Devant elle s’étendait la salle aux arcades sombres, perdue dans le dédale des sous-sols du monastère. Un lieu interdit, sanctuaire du sang des Valsonge. Un espace que le feu de Marie-Ange n’avait jamais profané. Quelques mètres carrés porteurs de toute l’histoire du Cerbère, baignés dans une lumière tremblante de deux torches.

Elle n’avança que de deux pas avant de s’effondrer, les genoux heurtant la pierre. Une douleur aiguë lui transperça la poitrine : la haine, la peine, confondues en une seule masse brûlante.

"POURQUOI !"

Le cri se réverbéra sur les murs, frappant la pierre pour y rebondir mille fois, atteignant en écho les oreilles de la dormeuse qui ne répondrait plus jamais.

"POURQUOI !"

Seluna rampa, refusant d’abandonner, les larmes brouillant sa vision. Une nouvelle pointe lui transperça le cœur : Akasha n’était pas là pour la voir sombrer. Elle était seule, rampant comme un serpent blessé vers celle qu’elle avait appelée « maman ».

Ses ongles rencontrèrent enfin la pierre de l’autel. Elle s’y hissa dans un râle, découvrant les traits paisibles de Cassandra. Alors, une évidence s’imposa : il y avait dans cette mort une forme de paix. Une beauté douce, presque heureuse.

"Tu l’as voulu. Tu n’as jamais fait que ce que tu voulais."

Sa voix n’était plus qu’un souffle.

"Tu le voulais depuis longtemps."

Aucune réponse. Il n’y en aurait plus. La voix veloutée, les sarcasmes, les rires étouffés par la folie : tout s’était tu.

Elle comprenait à présent. Elle aussi avait voulu disparaître dans un éclat de lumière. Elle aussi s’était fatiguée à trop ressentir. Était-ce cela, l’héritage des Valsonge ? Ce trop-plein ?

Quand elle se releva enfin, Seluna contempla la dépouille. Il y avait deux Cassandra : la femme et le monstre. Le cuir sombre appartenait à la seconde. La première reposait dans ce visage apaisé, cette beauté indestructible.

Alors, elle entreprit ce pour quoi elle était venue. Elle alla chercher les linceuls, la robe sans artifices. Sa dague trancha les tissus infernaux, libérant un corps de marbre qu’elle nettoya avec un soin presque religieux. L’eau claire devint noire à mesure que le sang séché s’y dissolvait. Ses doigts maladroits recousirent les plaies closes.

Puis elle l’habilla. Les bras, les jambes, les voiles immaculés s’enchaînèrent dans un rituel silencieux. Elle hésita à couper les ailes, puis renonça, les enveloppant plutôt dans le linceul blanc. Une image étrange : Cassandra vêtue de pureté. Seluna s’y accrocha pourtant.

Ses mains glissèrent dans les cheveux cendrés, les coiffant en boucles lâches autour du visage endormi.

Elle voulait voir ce qu’aurait pu être Cassandra. Une femme, une mère, une âme réparée. Une existence où Marie-Ange et Raphaël auraient choisi la lumière. C’était la dernière image qu’elle garderait d’elle : la seule avec laquelle elle pourrait un jour faire la paix.

Un diadème d’argent vint clore le rite, cachant la blessure du front. Puis Seluna ajouta les derniers voiles.

Il n’y avait ni fleurs, ni lettres, ni souvenirs. Rien que la lueur des cristaux et la blancheur du deuil.

Elle saisit la anse du seau, y laissa tomber l’éponge, puis ramassa les vêtements de cuir comme des rebuts. Après un long silence, elle quitta la pièce.

Quand elle vida l’eau et jeta les restes, un poids s’éleva enfin. La fatigue l’écrasa, immense, totale, et elle regagna sa chambre dans un silence de tombe.
Lyssie Il y a 2 jours et 1 heure

Combien de temps faut il pour construire un homme ? Combien de temps faut il pour le détruire ?


Par Scarel

La Bête du Gévaudan n’est plus. Vaincue, non scellée mais annihilée. Il n’en reste qu'une carcasse décapitée, et le silence. Un silence si dense qu’il m’a paru d’abord assourdissant. Dans les rues de l’Œil du Loup, la foule s’est pressée, hurlant de joie, de triomphe, d’orgueil. On a promené la tête morte comme une relique, on a tressé des lauriers aux héros. Je n’ai pas pris part à la parade. À peine entrée dans la cité je me suis éclipsée. Fuyant les acclamations comme on fuit une contagion. J’avais l’impression d’étouffer sous tant de bruit, d’exaltation guerrière. J’ai marché longtemps, seule, et j’ai pleuré. Non pas de joie. De lassitude, peut-être. De ce sentiment amer que toute victoire n’est qu’un prélude à une nouvelle chute.

Et j’avais raison. À peine la brume dissipée que la folie des hommes reprend son empire. Les vicomtes voisins du Gévaudan s’entre-déchirent pour des terres, des titres, des rancunes dont j’ignore les racines. L’odeur du sang appelle toujours le sang. La bête n’était pas le mal. Elle n’en était que le miroir.

Je suis lasse. Si lasse. Lasse de la guerre sous toutes ses formes. Qu’elle soit d’écailles ou de cuirasses. Et pourtant c’est une autre angoisse, plus vive encore, qui me tenaille : Artorias. Le jeune écuyer, revenu à peine de l’enfer, bientôt envoyé au front aux côtés de son seigneur. Mais cette fois, il n’affrontera pas l’innommable : il devra tuer des hommes. Des semblables. Des fils, des frères, des amants. Je l’imagine... son regard encore clair, son âme encore droite, plongé dans cette fange, forcé de trancher, de survivre, de se salir.

Et moi ? Que dois-je faire ? Partir, fuir encore, retrouver Ishgard, mes lettres, mes livres, mes chimères ? Ou rester ici, spectatrice impuissante du naufrage de son innocence ? A quoi sert la paix quand elle n’est qu’une fuite ? Si je m’en vais, ne suis-je pas semblable à ceux qui ferment les yeux quand la guerre se déploie à leurs pieds ? Mais si je reste, que puis-je offrir, sinon ma peur et mes mots, trop fragiles pour protéger quiconque ?

J’ai tant de fois cru comprendre la guerre. L’avoir observée, décrite, condamnée. Mais je n’en saisis que les cendres, jamais la source. Pourquoi l’homme trouve-t-il toujours des raisons de haïr, d’envier, de frapper ? Pourquoi faut-il qu’il tue pour se prouver qu’il existe ?

Combien de temps faut-il pour construire un homme ? Combien de temps faut-il pour le détruire ? Je crois connaître la réponse. Mais je préférerais ne jamais la dire.

Utilisation des données

Nos partenaires et nous-mêmes utilisons différentes technologies, telles que les cookies, pour personnaliser les contenus et les publicités, proposer des fonctionnalités sur les réseaux sociaux et analyser le trafic. Utilisez les boutons pour donner votre accord ou refuser.